Paragraphe 2 : Conséquence juridique des structures
offshore :
La théorie de l'abus de droit n'est pas
une notion spécifiques aux notions que nous abordons ici, elle est une
notion unanimement appliquée dans l'histoire du droit, son impact est
particulièrement important en matière fiscale, et encore plus en
matière de mécanismes fiscaux offshores. Josserand a
proposé une conception plus extensive de l'abus de droit,
c'est-à-dire qu'il y aurait abus de droit chaque fois qu'un droit n'est
pas utilisé dans le but qui lui est socialement assigné. À
cette fin, Josserand distingue plusieurs catégories de droits. Ainsi il
y a abus de droit que si ce droit a été exercé dans
l'intention exclusive de nuire.
A. La théorie de l'abus de
droit
Selon l'éminent Professeur Maurice Cozian :
« L'abus de droit est un péché non contre la lettre
mais contre l'esprit de la loi. C'est également un péché
de juriste; l'abus de droit est une manipulation des mécanismes
juridiques là où la loi laisse la place à plusieurs voies
pour obtenir un même résultat; l'abus de droit, c'est l'abus des
choix juridiques.»
1. Les manoeuvres de contribuables:
La théorie de l'abus de droit se trouve à l'article
L64 du Livre des procédures fiscales; il découle de cet article
que l'Administration fiscale dispose du moyen de déjouer les manoeuvres
qui ont pour but de contourner la législation fiscale afin de ne pas se
soumettre aux charges normalement dues.
La constitution de dispositifs offshores à des fins
fiscales peut dès lors apparaitre comme étant une manoeuvre
frauduleuse du contribuable.La théorie de l'abus de droit n'interdit
cependant pas aux contribuables de choisir entre plusieurs solutions pour
réaliser une opération.
2. Définition de l'abus de droit :
Cette théorie est une théorie prétorienne. A
titre d'exemple, sont constitutifs d'abus de droit: les actes qui
présentent un caractère fictif ou les actes
réalisés dans un but exclusivement fiscal.
Le Conseil d'Etat a récemment pu préciser le sens
de cette notion en la rapprochant de celle de "fraude à la loi". Le
terme peut surprendre et relever du pléonasme si l'on considère,
que la fraude est une violation de la loi.
Par cette notion, le Conseil d'Etat vise les actes qui, d'une
part, recherchent le bénéfice d'une application littérale
des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs et,
d'autre part, n'ont pas d'autres motif que d'éluder ou d'atténuer
l'impôt.
La jurisprudence fait état de deux critères
cumulatifs en la matière que l'on retrouve dans sa jurisprudence:
· Un critère objectif: il s'agit ici d'une
application littérale du texte détournant l'objectif initial. La
notion d'acte "conforme à la lettre mais contraire à l'esprit de
la loi" a été récemment précisée par le
Conseil d'Etat.
· Un critère subjectif: le but exclusivement fiscal.
L'approche française est en ce sens plus restrictif que celle retenue
par la CJUE du bus "essentiellement" fiscal.
a. Procédure de répression de
l'abus de droit :
Le respect de la procédure de l'abus de droit est
obligatoire pour l'Administration fiscale qui désire redresser un
contribuable soupçonné d'évasion fiscale, si elle ne la
respecte pas, notamment lorsque le contribuable n'est pas informé de ses
droits de contestations, le redressement doit être annulé. Cette
interdiction de l'abus de droit « rampant », selon la
formule célèbre de Jérôme Turot, a été
consacrée dans la décision « Bendjador »
rendue en 1989 par le Conseil d'État.
1. Avis du Comité de l'abus de droit
fiscal1 :
C'est durant le moment où l'Administration fiscale
effectue son contrôle fiscal que la procédure de l'abus de droit
peut être déclenchée. Comme il a été
énoncé, les droits du contribuable dans le cadre de cette
procédure sont conséquence en ce sens que si le contribuable
conteste les rectifications notifiées, le litige peut être soumis
à l'avis du Comité de l'abus de droit fiscal. Le Comité
peut être saisi par l'administration ou le contribuable qui sont
invités à présenter leurs observations.
Dans le cas où l'Administration fiscale soumettrait
à la procédure de l'abus de droit un contribuable qui userait
d'un mécanisme fiscale offshore sans apporter la preuve de la fraude
fiscale, dans le cas où le Comité n'aurait pas été
consulté, la charge de la preuve incombe à l'Administration.
2. Demande de rescrit (Article L64 B
LPF):
1 :http://www.lecercledesfiscalistes.com/
Le contribuable bénéficie d'une protection contre
toute procédure d'abus de droit délivrée par
l'Administration car cette procédure n'est pas applicable lorsqu'un
contribuable, préalablement à la conclusion d'un ou plusieurs
actes, a consulté par écrit à l'administration en lui
fournissant tous les éléments utiles pour apprécier la
portée de cette opération et que l'administration n'a pas
répondu dans un délai de six mois à compter de la
demande.
c. Sanctions de l'abus de droit, applicable
même en cas de « rapatriement des revenus
éludés »
Si un contribuable fait l'objet d'une procédure d'abus de
droit, alors qu'il a au préalable localisé des
bénéfices ou revenus dans un compte bancaire offshore d'un
paradis fiscal, l'Administration fiscale assujettira les montants en question
à la procédure d'imposition usuelle, et pourra en plus, soumettre
ce contribuable aux intérêts de retard ci-dessous:
L'abus de droit est sanctionné par l'application
concomitante d'un intérêt de retard et d'une majoration de
sanction égale à :
-80% sommes redressées si le contribuable est le principal
initiateur ou le principal bénéficiaire des actes abusifs;
-40% lors que cette preuve n'est pas apportée.
d. Les déclarations de montages fiscaux
offshores
Il est possible de réaliser une négociation avec
l'Administration fiscale en ce sens qu'elle traitera plus favorablement le
repenti fiscal que le contribuable qu'elle s'est donné
énormément de mal à aller taxer.
L'administration fiscale française a annoncé, en
2006, un projet de texte visant à rendre obligatoire la
déclaration des montages d'optimisation fiscale. Ce projet imposait aux
professionnels du conseil (avocats, notaires, banquiers, etc.) de
déclarer tout schéma d'optimisation fiscale.Ces obligations de
déclaration s'étendaient également aux contribuables
procédant, de leur propre initiative, à des optimisations dont
l'avantage fiscale dépassait 100 000 euros.
Mais aujourd'hui « la circulaire
Cazeneuve » qui s'est conformée à laloi de lutte
contre la fraude et la grande délinquance économique et
financière à régler ces questions relatives aux
déclarations spontannées.
Schéma récapitulatif de la
procédure de l'Abus de droit susceptible de s'appliquer dans un
mécanisme fiscal offshore :
L'abus de droit ou l'acte anormal de gestion sont toute deux des
théories jurisprudentielles susceptibles de s'appliquer à un
contribuable qui fait le choix du recours aux mécanismes fiscaux
offshores, parmi eux, on retrouve les prix de transferts intragroupe qui sont
susceptibles d'abus. Là encore les législations fiscales
offshores, peuvent servir de fondement à la commission d'une fraude
fiscale.
B. La lutte contre la concurrence fiscale dommageable
dans les transactions intragroupes (prix de transfert
intragroupe) :
1 :L'objectif de lutte contre la concurrence fiscale
dommageable : regards croisés UE-OCDE/Etude par Philippe Durand
Selon la définition de l'Organisation de
Coopération et de Développement Economiques (OCDE), les prix de
transfert1 sont "les prix auxquels une entreprise transfère
des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des
entreprises associées".
Une entreprise A qui vend des pièces qu'elle fabrique
à une filiale B ce sera à un prix déterminé qui
sera un prix de transfert.
Ce phénomène d'optimisation fiscale par les prix de
transfert faisant intervenir des législations fiscales offshore n'est
pas nouveau, en effet, aujourd'hui, 150 000 sociétés offshores se
créent chaque année dans les paradis fiscaux.
Une évaluation à estimer que l'évasion
fiscale par le biais des prix de transfert s'élevait à plusieurs
milliers en France le nombre de sociétés qui utiliseraient ses
prix de transfert internationaux intragroupes afin de localiser virtuellement
les profits effectués dans des pays et territoires à
fiscalité privilégiée.
Le manque à gagner pour le pays est énorme car les
transferts commerciaux entre les filiales d'un même groupe
représentent 60 % du commerce international selon l'OCDE.
L'article 209B du code des impôts modifié par la loi
de finances pour 2005, est l'une des dispositions qui vise à freiner ces
dérives, le but est de dissuader les montages par lesquels une personne
morale passible de l'impôt sur les sociétés localise tout
ou partie de ses bénéfices dans un État ou territoire
étranger à fiscalité privilégiée, mais la
méthode des prix de transfert est judicieuse et difficilement
démasquable par l'Administration fiscale qui se doit d'opérer de
longues investigations.
Beaucoup d'auteurs mettent un point d'honneur à faire
remarquer que les dérives fiscales de l'offshore dans le cadre des prix
de transfert est dû à la mauvaise organisation de l'Administration
qui ne dispose pas d'assez d'agents formés à la question des
groupes.
1 : ASSEMBLÉE NATIONALE/ page 4680 / BUDGET,
COMPTES PUBLICS ET RÉFORME DE L'ÉTAT/ Impôts et taxes
(Évasion fiscale. Lutte et prévention. Rapport parlementaire.
Propositions)
2 :
http://www2.impots.gouv.fr/documentation/prix_transfert/entrep.htm
A l'heure actuelle1, un projet de loi obligeant les
entreprises à déclarer préalablement les montages
envisagés de prix de transfert est en route. Le but est de renforcer le
contrôle a posteriori de ces prix de transfert et pour sanctionner plus
efficacement ces procédés portant gravement atteinte aux finances
publiques2.
La localisation des bénéfices d'une entreprise
française dans un pays avec un régime fiscal
privilégié par le biais de l'utilisation des prix de transfert
soulève la question de la lutte contre la concurrence fiscale
dommageable. Cette notion de concurrence fiscale se caractérise par la
dichotomie qui existe entre pays à fiscalité
privilégiée et pays à fiscalité lourde.
La raison pour laquelle les entreprises des pays à
fiscalité complexe comme la France se sont installées dans les
paradis fiscaux est fondée sur la question du secret bancaire. En effet,
les prix de transfert entre entités juridiques de même groupes se
servent de ce secret bancaire pour majorer ou minorer ces prix et profiter
d'une fiscalité attrayante dans les paradis fiscaux, il est donc logique
que les 4 grandes places financières qui ont un secret bancaire strict
ou l'équivalent de l'intérêt fiscal national : la Suisse,
le Luxembourg, Singapour et Hongkong, sont les principales places où les
prix de transferts sont utilisée à des fins d'optimisation
fiscale.
Les mécanismes fiscaux offshores basés sur les prix
de transfert génère une concurrence fiscale déloyale qui
est combattue au niveau interne mais aussi par l'évolution qui s'est
caractérisée par le développement de l'échange
d'information en matière de prix de transfert ce qui est un moyen de
lutter cette « concurrence fiscale déloyale » : on citera
à titre d'exemple l'information disponible sur les trustees, sur les
bénéficiaires des trusts.
L'aspect juridique des mécanismes offshores soulève
des difficultés d'ordre juridique que le contribuable devra
résoudre, mais cela n'est que la conséquence de la constitution
d'un mécanisme fiscal offshore. On peut affirmer que ces questions
interviennent à postériori, à priori, les
problématique sont de toute autre nature, elles se fondent sur la
nécessaire identification du paradis fiscal dans lequel sera
installé le dispositif offshore, il advient que les questions fiscales
relative à ce pays doivent être sérieusement
envisagées.
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