Section 1 : La vision statique des régimes
fiscaux privilégiés :
Un pays peut apparaître comme disposant d'une
fiscalité « lourde » pour le
contribuable (taux d'impositions élevés, multiples impositions,
taxes et prélèvement) alors que d'autres apparaissent comme des
« paradis fiscaux ». Concernant ces paradis
fiscaux, le doute n'est pas permis car un Etat où les
prélèvements étatiques sur les bénéfices ou
les revenus sont quasi nuls est bel et bien « un eldorado
fiscal » comparé à un Etat disposant d'une
véritable législation fiscale aussi minime qu'elle soit. Il
découle de ce principes une divergence de point de vue sur ces
législations fiscales qu'il nous incombe d'éclairer.
Analysons l'exception à cette vision statique pour ensuite
mieux apprécier les mécanismes fiscaux offshores courant.
Paragraphe 1 : L'idée à contre-courant d'une
fiscalité française privilégiée.
Le développement de la fiscalité en France n'a
cessé de croître depuis le Moyen-âge, notamment par les
pouvoirs accrus dont dispose l'Administration fiscale.L'imposition en France
fait partie intégrante de l'histoire du pays, la fiscalité a
toujours été une source de richesse pour ce pays. Cette tendance
s'est accompagnée d'une évolution de l'assiette et des taux au
fil de l'Histoire à tel point que les médias en sont venus
à parler de « matraquage fiscal », mais pour d'autre
la France reste un Etat disposant d'une législation fiscale certes
complexe mais qui offre aussi des possibilités d'optimisation fiscale.
Il découle de cette idée que le recours aux
législations offshores pourrait se faire en sens inverse et notamment
pour les groupes, cette vision est étayée par les
différentes dispositions fiscales présentées.
A. Principes généraux
avantageux :
1. Le principe de la territorialité :
Le principe de territorialité s'applique sur le calcul de
l'assiette de l'impôt sur les sociétés. La taxation en
France se fait : « en tenant compte uniquement des
bénéfices réalisés dans les entreprises
exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est
attribuée à la France par une convention internationale relative
aux doubles impositions », ce qui fait de la France une localisation
judicieuse pour une société intermédiaire dans bon nombre
de schéma. On peut donc parler de circonscription de l'assiette de
l'impôt sur les sociétés limitée aux
bénéfices généré sur le territoire.
2. Le principe de double imputation du crédit
d'impôt :
C'est l'une des dispositions fiscales françaises qui
distingue la France des autres systèmes fiscaux, en ce que France
dispose avec le principe de double imputation du crédit d'impôt
sur les participations investies hors de France d'un outil unique dans le monde
fiscal.
Par ce principe, les retenues à la source payées
à l'étranger sur les dividendes reçus sont non seulement
imputables sur un précompte éventuellement en France, mais aussi
sur la retenue à la source qui peut être perçue en France
sur les dividendes payés par une société
intermédiaire française à une société
étrangère.
Cette particularité fait de la France, là aussi, un
Etat stratégique dans les mécanismes fiscaux internationaux
faisant intervenir plusieurs sociétés résidentes dans
différents Etat.
La France dispose de principes généraux avantageux
mais aussi de régimes fiscaux privilégiés qui font d'elle
un territoire d'implantation judicieux pour les grands groupes notamment.
B. Régimes fiscaux fiscalement
privilégiés :
1. Le régime de l'intégration fiscale :
Le régime d'intégration fiscale permet à une
société française détenant au moins 95% d'une autre
société française de consolider ses résultats ceux
de sa filiale1.
Ce régime2 permettait il y a peu encore
d'acquérir une société française à peu de
frais. L'acheteur acquérait la société par
l'intermédiaire d'une société holding qui avait recours
à l'emprunt pour financer l'acquisition.
1 :BOI-IS-GPE-20-20-80-20-20130329
2 : Cour de Monsieur Laroche/Semestre 1/Master 1 Droit
Public parcourt Fiscalité
Exemple d'un montage financier utilisant le régime
français de l'intégration fiscale :
CHARGES DEDUCTIBLES ET PRODUITS IMPOSABLES POUR LA
FILIALE INTEGREE
|
CHARGES DEDUCTIBLES ET PRODUITS IMPOSABLES POUR LA
SOCIETE MERE :
|
Les charges déductibles pour la filiale
intégrée correspondent aux intérêts d'emprunt :
20
|
Les charges déductibles pour la
société-mère sont : 50
|
Les produits imposables pour la filiale intégrée
sont nuls et donc égale à 0
|
Les produits imposables de la société-mère
s'élèvent à 100
|
Le déficit fiscal pour la filiale intégrée
est de -20
|
Le bénéfice fiscal pour la
société-mère est de 50
|
Dans cet exemple le bénéfice consolidé est
de 30 et l'économie d'impôt est la suivante :
20 x 0.34 = 6.8
La consolidation des résultats négatifs de la
holding avec ceux de la société-mère
générait ainsi une économie d'impôt qui venait
financer tout ou partie des intérêts dus au prêteur.
L'amendement Charasse est venu mettre un terme à cette
possibilité en interdisant la déduction des intérêts
d'emprunts.La sanction de l'amendement Charasse est la
réintégration fiscale pendant quinze ans des charges
financières présumées liées à l'acquisition
et évaluées de manière forfaitaire.
Ainsi, lorsqu'un actionnaire cède sa participation au
capital d'une entreprise à une holding dont il détient le
contrôle, il tombe dans le champ d'application de l'amendement
Charasse.
2. Le régime des sociétés mères et
filiales1
Le régime Mère / Fille a pour objectif
d'exonérer chez la mère les dividendes reçus de ses
filiales. En effet, ce procédé est destiné à
éviter une double imposition des bénéfices de la filiale
à la fois à l'impôt sur le revenu au moment de la
déclaration des résultats et à la fois au moment de la
distribution des dividendes au profit de la mère.
Afin de pouvoir bénéficier de ce régime, les
sociétés doivent être imposables à l'impôt sur
les sociétés au taux normal sur tout ou partie de leur
activité.
1 :Cour de Monsieur Laroche/Semestre 1/Master 1 Droit
Public parcourt Fiscalité /Mémento Droit Fiscal Francis Lefebvre
Ed 2014
De plus, la société mère doit détenir
des titres de participation correspondant à au moins 5% du capital de la
filiale. La société mère doit avoir détenu 5%
depuis au moins 2 ans.
Si les conditions sont remplies, les dividendes reçus ne
subissent pas d'impôt sur les sociétés en France. Par
contre, en cas de redistribution, ces sommes reçues en franchise
d'impôt sont soumises au précompte. Ce régime
appliqué notamment aux holdings est si avantageux que la France, bien
que ne disposant pas à proprement parler de régime holding
spécifique, concurrence sérieusement les pays ayant adopté
un régime spécifique en la matière.
3. Le régime des quartiers généraux
Ce régime offre un régime de faveur aux grands
groupes internationaux, la France attire par ce régime spécifique
de grandes sociétés.
L'administration et la doctrine fiscale française
définissent les quartiers généraux comme les installations
fixes qui effectuent, au seul bénéfice de leur groupe, des
prestations fonctionnelles, telles que des prestations de directions, de
gestion, de coordination de contrôle, dans un secteur géographique
déterminé.
Exemple d'un montage financier utilisant le régime des
quartiers généraux1 :
DANS LE CADRE DU REGIME
NORMAL :
|
DANS LE CADRE DU QUARTIER
GENERAL :
|
Charges : 80 000
|
Charges : 80 000
|
Management fees (honoraires de comptabilité):
100 000
|
Management fees : 100 000
|
Bénéfice fiscal :
20 000
Impôt à 34% : 6 800
|
Base imposable :
80 000 x 10 % = 8 000
Impôt à 34 % : 2720
|
Economie d'impôt : 6 800-2720=
4080
Le bénéfice imposable est déterminé
de manière forfaitaire, selon le montant des dépenses du quartier
général, comme un pourcentage de ces dépenses (en
général il représente entre 8 à 12% des
dépenses totales du quartier général).
Une fois que l'impôt sur les sociétés est
payé sur l'assiette ainsi déterminée, la
société est relevée de tout impôt sur les
bénéfices.
Les régimes incitatifs temporaires, constituent aussi un
moyen d'attirer l'installation des sociétés sur le territoire
français en ce qu'ils vont prendre en considération
l'activité et le statut de la société qui vient
s'installer en France.
C. Les régimes incitatifs
temporaires :
1. Le régime des sociétés installées
dans les zones d'entreprises :
Il est ici question des entreprises nouvelles qui peuvent
bénéficier d'une exonération d'impôt sur les
bénéfices en cas d'implantation avant le 31 décembre 2014
dans des zones d'aide à finalité régionale (AFR). Jusqu'en
2010, ce dispositif concernait également les entreprises nouvelles dans
des zones de revitalisation rurale (ZRR) et dans des zones de redynamisation
urbaine (ZRU).
La loi de finances pour 2011 a créé un dispositif
d'exonération d'impôt sur les bénéfices propre aux
entreprises créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31
décembre 2013 dans les ZRR. Les entreprises qui se créent en ZRU
à compter du 1er janvier 2011, ne peuvent plus en revanche
bénéficier de ce dispositif d'exonération fiscale.
Ce régime constitue une caractéristique pouvant
inciter les entreprises étrangère à venir s'installer dans
les zones d'entreprises.
2. Les régimes fiscaux des Départements et
Territoires d'Outre-Mer :
Un certain nombre d'avantages sont accordés aux
sociétés installées dans les DOM (Guadeloupe, Guyane,
Martinique, Réunion) et dans les TOM (Nouvelle-Calédonie,
Polynésie française, les îles Wallis et Futuna).
Ces DOM / TOM peuvent constituer une législation
fiscale offshore française visant à favoriser les entreprise
étrangères à s'installer dans ces territoires.
Les investissements outre-mer bénéficient notamment
d'un régime particulièrement favorable. En effet, lorsque les
entreprises dont le siège sociale est situé dans une des
localisations citées ci-dessus investissent dans des acquisitions ou
dans des créations de biens neufs amortissables jusqu'au 31
décembre 2001, elles peuvent déduire la valeur de ces
immobilisation de leur bénéfice imposable.
Pour ce faire, les entreprises doivent remplir certaines
conditions:
- déployer une activité dans le secteur de
l'hôtellerie, de l'industrie, de la pêche du tourisme, des
énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment, et des travaux
publics et des transports.
-être soumises à l'impôt sur les
sociétés ou à l'impôt sur le revenu, selon le
régime du bénéfice réel.
Les biens acquis sont eux-mêmes soumis à certaines
exigences : ils doivent avoir été acquis à l'état
neuf et le bien doit être utilisé par son propriétaire
à moins qu'il n'ait pas été acquis en crédit-bail,
auquel cas l'utilisateur pourra bénéficier de la
déduction.
La vision que le contribuable se fait de la fiscalité
d'un pays peut être faussée par l'opinion publique, car comme nous
l'avons vu ci-dessus l'étude minutieuse d'un pays pourtant
réputé pour avoir un système fiscal discriminant par la
hauteur des prélèvements, s'avère être un choix
stratégique pour le groupes, dès lors, pour un groupe
étranger la France aurait le qualificatif de pays à
fiscalité privilégiée. Cette vision à
contre-courant des mécanismes fiscaux offshores sort de ce qui est
courant d'observer.
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