INTRODUCTION GENERALE
Le monde d'aujourd'hui est un monde globalisé. C'est un
truisme que de le dire. En effet, L'espace économique mondial est en
pleine restructuration depuis plus de trois décennies, grâce
notamment aux progrès réalisés par les Technologies de
l'Information et de la communication (TIC). Celles-ci ont entraîné
dans leur évolution d'importants bouleversements et créé
de nouvelles habitudes dans les relations économiques internationales.
Cette restructuration se caractérise sur le plan économique par
une globalisation dans laquelle les diverses économies tendent à
s'intégrer et à former une entité marquée par un
renforcement des interconnexions et une unification des marchés qui
s'homogénéisent par de-là les Etats nations2.
Ce mouvement d'intégration des marchés par les TIC interpelle
tous les acteurs économiques et sociaux à se préoccuper
des changements internationaux et à adapter leurs structures, leurs
modes de fonctionnement et surtout leur législation à un
environnement en perpétuelle mutation.
Un de ces changements majeurs est notamment constitué
par le l'avènement du commerce électronique. C'est un nouveau
mode d'échanges économiques difficile à cerner. Sa
complexité et son étendue rendent en effet malaisé le
choix d'une définition unique. Nous pouvons cependant
l'appréhender avec le Comité Technique Permanent de
l'OMD3 comme étant un « moyen de gérer les
affaires en utilisant l'informatique et les télécommunications
afin de faire circuler les données entre les systèmes
informatiques propres aux organisations en présence pour effectuer une
transaction commerciale ». Il peut en outre être défini comme
« l'ensemble des échanges numérisés liés
à des activités commerciales, que ce soit entre entreprises,
entre entreprises et particuliers ou encore entre entreprises et
administrations4 ».
Il recouvre en réalités deux formes : D'une
part, le commerce électronique direct qui se déroule
entièrement dans la toile d'araignée mondiale. En effet, de la
commande jusqu'à la livraison, tout se passe dans le circuit
fermé du cyberespace. D'autre part, le commerce électronique
indirect quant à lui, comporte deux phases bien distinctes. Une
première étape qui se réalise entièrement à
travers les réseaux de communication électroniques, comme
c'est
2 BEKOLO EBE, Bruno : « La restructuration
bancaire en zone franc face au défi de la mondialisation »,
Mondialisation de l'économie camerounaise, Friedrich Ebat Stif Long,
Yaoundé, 1988, 530 p.
3 Organisation Mondiale des Douanes.
4 Guinchard et alii, Internet pour le droit,
Monchrestien, 2e ed. 2001 P.219.
2
le cas en matière de commerce électronique
direct. Ensuite, une seconde étape, marquée par la livraison
physique de marchandises. La transaction n'est donc pas directe en ce sens
qu'Internet n'est utilisé que pour commander des marchandises.
Par ailleurs, parler de la fiscalité du commerce
électronique revient à considérer les modalités de
perception des impôts et taxes issus des opérations de ce type de
commerce.
D'emblée, cette fiscalisation s'avère
hypothétique du fait du caractère « insaisissable » du
commerce électronique. De par ses caractéristiques, l'espace
d'échanges économiques devient dématérialisé
et transnational. Ses mécanismes ignorent la notion de territoire
stato-national et, ce faisant, érodent la souveraineté des
Etats-nations, notamment sur le plan fiscal. En effet, les administrations
fiscales tirent leur pouvoir de l'Etat dont elles sont l'émanation, la
souveraineté de celui-ci étant soumise à des limites
territoriales auxquelles le droit fiscal fait sans cesse
référence dans ses concepts. Bien plus, les concepts fiscaux
eux-mêmes, définis bien avant l'avènement du commerce
électronique, perdent de leur pertinence dès lors qu'ils sont
confrontés aux nouveaux objets commerciaux issus du développement
des technologies de l'information et de la communication5.
Le commerce électronique constitue ainsi un défi
pour la fiscalité des Etats. Il se pose en effet la question de savoir
s'il est possible de fiscaliser ce type de commerce. En d'autres termes, quel
peut être l'impact du commerce électronique sur la
fiscalité ? Les règles fiscales actuelles peuvent-elles lui
être applicables ? Sinon, quelles réformes entreprendre?
Pour rendre compte de la fiscalité du commerce
électronique, la réponse à ces questions s'avère
nécessaire. Il faut dire d'emblée ici que notre travail sera
focalisé sur l'Afrique en général et le Cameroun en
particulier. En cela, notre étude sera prospective en ce sens que la
fiscalité du commerce électronique y est encore, sinon
embryonnaire, du moins inexistante. C'est pourquoi, des
références seront faites au droit comparé, notamment
à l'Europe.
Ainsi, au vu de ces considérations, les
développements qui vont suivre seront axés sur la
fiscalité interne applicable au commerce électronique
(première partie). Et compte tenu de l'impératif de proposer de
solutions au vide juridique constaté, des esquisses de réponses
seront apportées conjointement avec l'étude de la
fiscalité de porte (deuxième partie).
5 SAINTRAIN, M : « TIC, nouveaux standards
transactionnels et fiscalité : Défis et perspectives (en
études, Bureau Fédéral du plan, Belgique, Août 2003,
p.1.
PREMIERE PARTIE : LA FISCALITE INTERNE APPLICABLE AU
E- COMMERCE6
La fiscalité interne s'entend de la perception des
impôts et taxes à l'intérieur des limites territoriales
d'un Etat ou d'un espace géographique et économique
donné.
Nous devons dire d'emblée ici que le dispositif fiscal
de la CEMAC au niveau sous régional et du Cameroun au niveau national
n'a pas prévu l'imposition du commerce électronique. On note dans
ces deux espaces en effet, un vide juridique anachronique lié à
l'imposition de ce type de commerce. Néanmoins, nous allons nous atteler
dans cette première partie et en s'inspirant des modalités de
fiscalisations sous d'autres latitudes, à présenter la
fiscalité directe (Chapitre 1er) et la fiscalité
indirecte (Chapitre 2ème) du commerce électronique.
3
6 Les termes e-commerce et commerce
électronique seront indistinctement utilisés dans ce
mémoire.
4
CHAPITRE Ier : LA FISCALITE DIRECTE DU
COMMERCE ELECTRONIQUE : L'IMPOSITION DES REVENUS
Nous avons opté pour le traitement de la
fiscalité directe et indirecte du E-Commerce en s'inspirant des
classifications techniques de l'impôt qui prennent pour critères,
les techniques et modalités administratives de la taxation7.
Et la distinction ici repose sur deux critères définis en France
par un décret du 22 Décembre 1789 et repris par l'Administration
dans son Instruction générale des finances8.
L'incidence de l'impôt et l'établissement d'un rôle. Seul le
premier critère nous intéresse ici. En effet, l'incidence de
l'impôt est « le fait d'atteindre une personne ou une série
de personnes... l'incidence vise exclusivement la personne qui
paie9.
Il s'agit donc de déterminer si l'impôt est bien
supporté par celui qui y est assujetti ou celui-ci en fait reposer la
charge sur les tiers. Dans le premier cas, l'on parle d'un impôt directe
(par exemple l'impôt sur le revenu des personnes physiques), dans le
second cas d'un impôt indirect (par exemple, l'impôt sur la TVA)
qui s'il est bien reversée par l'entreprise est en fait supporté
par le consommateur.
Le E-Commerce étant par essence transnational, ce
chapitre va se décliner en l'étude des principes de
fiscalité des activités transnationales (Section 1), avant celle
de leur applicabilité au E-Commerce (Section 2).
SECTION 1 : PRINCIPES DE FISCALITES DES ACTIVITES
TRANSNATIONALES.
La question de la fiscalité des revenus
d'activités transnationales est réglée par la convention
internationale, bi-ou multilatérale10.
Les pays de l'OCDE11 par exemple s'inspirent du
modèle de convention fiscale12 de l'OCDE, qui
détermine la mesure dans laquelle les revenus d'une activité
constituent
7 Bouvier, Michel : « Introduction au droit
fiscal général et à la théorie
générale de l'impôt, Paris, L.G.D.J, 7e Ed.
8 « La contribution directe s'entend de toute imposition
qui est assise directement sur les personnes et sur les
propriétés, qui se perçu en vertu des rôles
nominatifs et qui passe immédiatement du contribuable cotisé
à l'agent chargé de percevoir. Les impôts indirects sont
ainsi nommés parce que, au lieu d'être établis directement
et nominativement sur les personnes, ils reposent en général, sur
les objets de consommation et sur les services rendus et ne sont, dès
lors, qu'indirectement payés par celui qui veut consommer les choses ou
user des services frappés de l'impôt. » (Instruction
générale des finances citées par R. Stourm, in
systèmes généraux d'imposition, Guillaumin, 1905.
9 STOURM, Systèmes généraux
d'imposition, ibidem.
10 SAINTRAIN, M : op.cit.P 15
5
effectivement des assiettes imposables et établit des
critères de répartition de ces assiettes entre les
différentes juridictions concernées permettant, le cas
échéant, d'éviter les doubles impositions d'un même
revenu.
Le principe général de fiscalité des
activités transnationales surtout en matière de vente commerciale
pose que les revenus d'une entreprise transnationale sont imposables dans un
Etat donné au Prorata des revenus générés par un
établissement stable exploité par l'entreprise dans cet Etat. Si
l'entreprise dispose effectivement d'un établissement stable dans un
Etat où elle n'est pas résidente, une taxation est
appliquée dans l'Etat de la source, c'est-à-dire la juridiction
où l'activité économique a lieu, et une exonération
est appliquée dans l'Etat de la résidence. En l'absence
d'établissement stable à l'étranger, l'Etat de la
résidence impose les revenus mondiaux de l'entreprise et l'Etat de la
source, le cas échéant, exonère.
Le principe ainsi posé, il y a lieu de préciser
les contours des concepts de source (paragraphe 1), de résidence
(paragraphe 2) et d'établissement stable (paragraphe 3).
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