CHAPITRE 2 : LES PERSPECTIVES
Pour essayer de résorber les risques inhérents
à la non fiscalisation optimale du commerce électronique, des
actions doivent être entreprises. Celles-ci passent par la prise en
compte du E-Commerce dans la définition du droit fiscal et douanier
(section 1) et par le renforcement de l'efficacité des administrations
fiscales et douanières (section 2).
SECTION 1 : LA REDEFINITION DU DROIT DOUANIER ET DU
DROIT FISCAL A
L'AUNE DU E-COMMERCE.
Cette redéfinition suppose la prise de mesures
concrètes d'ajustement de la législation au E-Commerce
(paragraphe 2). Mais avant phase cruciale, des préalables doivent
être définis (paragraphe 1).
Paragraphe 1 : Les préalables
Ils se déclinent en la prise en compte des principes
adoptés au niveau international pour l'imposition de l'E-Commerce (B)
lesquels iront en droite ligne de la définition d'une politique
générale des TIC en Afrique (A).
A) La définition d'une politique
générale des TIC en Afrique
Le phénomène des TIC est un
phénomène par essence transnational. Aussi, faut-il agir au
niveau continental pour essayer de l'analyser, le comprendre et l'adopter.
La nature internationale du commerce électronique
réduit l'efficacité des initiatives purement nationales et milite
en faveur d'un consensus communautaire ou international à dégager
chaque fois que cela est possible, les objectifs à poursuivre et les
meilleurs moyens de les atteindre. Comme pour le commerce classique, les
législations nationales, dans différents domaines (signatures
numériques, protection des données et respect de la
confidentialité, droit des contrats, nouveaux moyens de paiement
électroniques, etc.) risquent de dresser des barrières
commerciales qui freineront le développement du commerce
électronique à l'échelle sous-régionale si
dès le départ les stratégies ne sont pas
coordonnées. On comprend dès lors que le e-commerce requiert des
gouvernements de la sous-région une concertation pour élaborer
une approche commune afin de créer une synergie entre les
potentialités des Etats au niveau des infrastructures, des ressources
humaines, des produits et services.
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La politique générale de TIC en Afrique doit
concerner les domaines aussi divers et variés que le politique, le
social, l'économie et l'environnement pour ne citer que
ceux-là.
Les différents acteurs publics doivent donc s'entendre
pour fixer un plan d'action afin de contenir le phénomène des
TIC.
Pour ce faire, ils doivent se fixer des objectifs à
atteindre en identifiant leurs manques, leur retard, les ressources humaines,
matérielles et financières nécessaires.
Le but ici est de sécréter des règles
communes claires et applicables pour toutes les portes les parties
prenantes.
Une telle politique a le mérite d'éviter des
réactions divergentes à ce nouveau phénomène et
d'éviter l'obsolescence des mesures ou règles
préexistantes sans effet sur la nouvelle donne.
Ce serait une pro action comme cela a été le cas
pour l'imposition du e-commerce au niveau mondial.
B) La prise en compte des principes devant
régir le E-Commerce adoptés lors de la Conférence d'Ottawa
de 1998
Fin 1998, la conférence d'Ottawa a réuni, sous
l'égide de l'OCDE, des représentants des pays membres et non
membres ainsi que des représentants de l'industrie. L'Organisation
mondiale des Douanes et la Commission européenne participaient aux
travaux. Les résultats de ce premier grand brainstorming à
l'échelle mondiale, sous la forme de conditions cadres pour l'imposition
du commerce électronique, ont été approuvés par la
communauté internationale et restent aujourd'hui la
référence sur le plan de l'orientation à donner aux
questions fiscale en matière d'e-commerce.
Considérant que « le commerce électronique
est à même de stimuler la croissance et l'emploi » dans le
monde, les conditions cadres rédigées par le comité des
Affaires fiscales de l'OCDE invitent les autorités fiscales à
définir un « juste équilibre » entres deux objectifs:
celui d' « instaurer un climat fiscal favorable dans lequel le commerce
électronique puisse être florissant »et celui de «
disposer d'un système fiscal juste et prévisible qui fournisse
les recettes requises pour combler les exigences légitimes des citoyens
en matière de services fournis par l'Etat ».
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Le comité estime que « les principes fiscaux qui
guident les gouvernements dans l'imposition du commerce conventionnel devraient
aussi les guider dans celle du commerce électronique ; [...] au stade
actuel d'évolution de l'environnement technologique et commercial, les
règles fiscales actuelles permettent de mettre en oeuvre ces principes
». Il n'est donc pas question d'instaurer une taxation ad hoc.
Dans la mesure où des adaptations des règles
existantes sont nécessaires, elles « devraient être
organisées de manière à préserver la
souveraineté fiscale des pays, à assurer une répartition
équitable de la base d'imposition du commerce électronique entre
les différents pays et à éviter la double imposition et la
non-imposition involontaire ».
Les principes généraux à appliquer en
matière de fiscalité du commerce électronique sont
précisés :
- les adaptations réglementaires ne doivent pas
conduire à « imposer un traitement fiscal discriminatoire des
transactions commerciales électroniques » (principe de
neutralité);
- « le coût de la discipline fiscale pour les
contribuables et l'administration devraient être réduits autant
que possible » (principe d'efficience) ;
- les règles fiscales doivent êtres
prévisibles, « claires et simples à comprendre »
(principe de certitude) ;
- il faut « réduire au maximum les
possibilités de fraude et d'évasion fiscale, tout en veillant
à ce que les contre-mesures soient proportionnées aux risques
encourus » (principes d'efficacité et d'équité) ;
- « les systèmes d'imposition devraient être
flexibles et dynamiques de manière à suivre le rythme de
l'évolution des techniques et des transactions commerciales »
(principe de flexibilité).
Au vu des observations présentées dans les
développements précédents, l'on peut considérer que
les avancées enregistrées sont encore largement insuffisantes ou
alors inexistantes comme c'est le cas en Afrique, eu égard à ces
principes dégagés lors de la conférence d'Ottawa. La
réflexion sur les adaptations à apporter aux systèmes
fiscaux en vue de les rendre adéquats par rapport à la
réalité du commerce électronique doit donc se
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poursuivre dans les enceintes nationales et internationales,
dans le sens préconisé par les conditions cadres de 1998.
En outre, la question de la fiscalité dans le contexte
de la «société de l'information» n'est pas
indépendante d'autres problématiques qui font l'objet d'une
réflexion à l'échelle internationale comme, par exemple,
la lutte contre le blanchiment de capitaux (parmi les thématiques
abordées par le GAFI figure « les nouvelles technologies de
paiement, leurs statut actuel et leur vulnérabilité potentielle
face au blanchiment de capitaux »45).
Par ailleurs, il est important que le
prélèvement de l'impôt douanier s'arrime au e-
commerce.
Paragraphe 2 : Ajustement des fondements du
prélèvement de l'impôt douanier au E-Commerce.
Cet ajustement passe par une redéfinition des
éléments qui constituent le fait générateur de
l'impôt douanier (A) tout comme celle de ceux qui en constituent
l'assiette (B).
A) Redéfinition des éléments
constituant le fait générateur de l'impôt douanier à
l'aune du E-Commerce.
Il s'agit de redéfinir ici les notions de territoire et
de frontière numériques et celle de l'importation virtuelle.
Le territoire numérique serait ainsi un territoire
ôté de toute substance physique, non rattachable physiquement
à un pays, mais dont celui-ci peut s'en prévaloir dès lors
qu'une activité économique y est effectuée par un agent
économique. En clair, ce qui importe, ce n'est pas l'exercice d'une
activité économique en ligne sur un territoire, mais
l'activité économique elle-même crée le droit pour
un pays de prélever l'impôt.
Ainsi, l'importation ne se définit plus comme le
franchissement des frontières physiques d'un Etat par des marchandises
d'origine étrangère. Il faut pouvoir concevoir une sorte
d'importation virtuelle liée aux « marchandises numériques
» elles-mêmes. La seule
45 La 13eme des recommandations de 1996
du GAFI (Groupe d'Action Financière sur le blanchiment des capitaux),
stipule que : « les pays devraient apporter une attention
particulière aux menaces de blanchiment des capitaux inhérentes
aux technologies nouvelles ou en développement, qui risquent de
favoriser l'anonymat, et prendre des mesures supplémentaires, si
nécessaire, pour éviter l'utilisation de ces technologies dans
les dispositifs de blanchiment de capitaux ».
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circulation des marchandises sur le web on alors les
échanges économiques virtuels une fois appréhendés
par les Etats doivent suffire pour fonder leur droit au
prélèvement de l'impôt.
B) Redéfinition de l'assiette de l'impôt
douanier
L'assiette traditionnelle de l'impôt douanier
constituée de l'origine, de l'espèce et de valeur doit être
redéfinie pour prendre en compte l'aspect immatériel induit par
les TIC.
Ainsi, le classement tarifaire doit tenir compte des nouveaux
produits digitalisés. Une Nomenclature doit être définie
à cet effet à l'échelle continentale qui définit et
intègre les produits numérisés et leur octroie une
position tarifaire.
L'origine doit être inopérante, compte tenu du
caractère transnational du Net. Aussi, pensons-nous qu'elle doit
être exclue dans la détermination de l'assiette de l'impôt
douanier. Un tarif unique doit être fixé par les marchandises
circulant sur le Net, ce qui exclut les régimes
préférentiels qui ont cours dans certains espaces
communautaires.
En ce qui concerne la valeur transactionnelle, elle doit
être déterminée à la fois en tenant compte des deux
éléments constitutifs des produits numérisés que
sont l'élément matériel que présente le support
physique (bande magnétique, disquettes, disques etc.) et
l'élément intellectuel (enregistrement, sons, images,
données, instructions).
Ces différentes réformes sont indispensables,
mais elles doivent s'accompagner d'un renforcement des administrations fiscales
et douanières pour les rendre plus efficients.
SECTION 2 : LE RENFORCEMENT DE L'EFFICACITE DE
L'ADMINISTRATION FISCALE ET DES DOUANES.
Ce renforcement passe par la coopération et la
formation (paragraphe 1) et par l'usage de la technologie pour améliorer
la gestion fiscale (paragraphe 2).
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