SECTION 2 : LES RISQUES INHERENTS A LA NON
FISCALISATION
OPTIMALE DES PRODUITS NUMERISES.
Les difficultés d'appréhension de la
matière fiscale imposable que nous venons de relever ci-dessus induisent
des conséquences la politique commerciale (paragraphe 1) et sur les
recettes fiscales (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Perte d'un instrument de politique
fiscale
Delporte (1999) note que « Pour ce qui est des droits de
douane, il s'agit, à la différence de la TVA, d'un
élément de la politique commerciale des Etats : elle permet
à l'économie de se développer harmonieusement dans le
cadre des échanges internationaux.
S'il est acquis qu'elle ne peut avoir pour effet d'entraver le
commerce international dans un but protectionniste, il n'en reste pas moins
qu'elle est nécessaire pour garantir une concurrence
équilibrée entre les partenaires commerciaux. Il lui appartient
dans ce cadre d'éviter les distorsions liées au dumping
économique, social ou fiscal. D'autres missions, telles que la
protection des intérêts vitaux des Etats, la protection des
cultures nationales ou régionales ainsi que le maintien d'un outil de
politique internationale (lutte contre les régimes qui violent les
droits de l'homme, etc.) doivent également être prises en
considération ».
A cet égard, l'impossibilité de mener une
politique douanière en matière de flux électroniques pose
un problème majeur. A titre d'exemple, les mesures relevant de
l'exception culturelle, qui permettent aux Etats européens de
contrôler la diffusion audiovisuelle via les médias traditionnels,
sont totalement inopérantes en matière de diffusion on-line dont
la progression est accentuée suite au développement du
Broadband.
Paragraphe 2 : Erosion des recettes fiscales
Le développement du commerce électronique peut
entraîner une érosion des recettes de droits de douane, pour
diverses raisons :
- le commerce de produits numériques fournis par voie
électronique se développe. Or, si ces produits sont
exonérés, les produits équivalents sur support
matériel auxquels ils se substituent ne le sont pas
nécessairement (cfr. par exemple, dans l'UE, les films, jeux
vidéos ou autres produits imprimés relevant de la clause
d'exception culturelle). Ceci entraîne, par ailleurs, des distorsions de
concurrence défavorables à la distribution traditionnelle.
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- l'on note une tendance à la détaxation de
biens tangibles mais numérisables confortée
précisément par un souci d'éviter les distorsions de
concurrence ;
- le volume des ventes à distance
transfrontalières B2C44 de biens traditionnels va
s'accroître. Or, la perception des droits sur les petits paquets est
très aléatoire, ceux-ci étant difficilement
contrôlables en douane. En outre, certains pays autorisent une franchise
douanière en deçà d'une certaine valeur
importée.
Teltsher (2000) a évalué les pertes fiscales qui
résulteraient du développement de l'e-commerce B2C. Le calcul se
base sur l'hypothèse que l'ensemble des biens numérisables dont
la forme matérielle est soumise aux droits de douane (en 1997) seraient
à l'avenir exclusivement échangés sous forme
électronique via les réseaux de télécommunication.
Il en ressort notamment que :
- les principaux perdants seraient les pays en voie de
développement : ils subiraient près des deux tiers (63 %) de
l'érosion mondiale des recettes douanières. Ces pays sont
importateurs nets de biens numérisables et imposent des droits
d'entrée supérieurs à la moyenne mondiale. Les recettes
douanières y représentent une part importante des recettes
fiscales totales et un glissement vers d'autres sources de revenus y est
malaisé ;
- pour l'Union Européenne, les pertes seraient
négligeables. Teltsher indique que, en 1997, les droits de douane sur
les importations de produits numérisables ne représentaient que
0,5 % de l'ensemble des recettes douanières totales.
L'ampleur de ces risques non amène à proposer un
cadre optimal pour la fiscalisation du E-Commerce.
44 Business to Consumer : Contrats conclus entre
professionnels et consommateurs dans le cadre du e-commerce.
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