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La fiscalité du commerce électronique

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par Maurice Didier MOTTO
Université Gaston Berger - Master II (pro) Droit du cyberespace africain 2009
  

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Paragraphe 2 : L'inadéquation quant à l'évaluation de l'assiette fiscale

L'assiette fiscale peut être appréhendée comme la base de perception d'une taxe, c'est encore, la « matière assujettie à l'impôt »35. En l'espèce, l'impôt douanier est perçu à partir d'un ensemble d'éléments qui en constituent la base de perception ou l'assiette fiscale. Il s'agit de l'origine, de la valeur et de l'espèce. C'est en fonction de ces trois paramètres que sont liquidés les droits et taxes au passage du cordon douanier de marchandises d'origine étrangère.

La détermination de cette assiette ne soulève pas de difficultés majeures dans le cadre des échanges économiques traditionnels. Ainsi, à chaque traversée des frontières physiques de marchandises, les droits et taxes sont prélevés au titre de l'impôt douanier sur la base d'une assiette fondée sur les trois éléments constitutifs de la fiscalité de porte.

Cependant, dans le cadre du commerce électronique des difficultés vont surgir à cause de la nature dématérialisée, ouverte et internationale du net. Ces trois éléments déterminatifs de l'assiette s'en trouvent ainsi fortement perturbés.

Aussi, le classement tarifaire devient-il problématique (A), la détermination de l'origine, malaisée (B) et l'appréciation de la valeur, approximative(C)36.

A) Un classement tarifaire problématique

Aux termes de l'article 12 du Code des Douanes de la CEMAC, « l'espèce de marchandises est la dénomination technique qui leur est attribuée par le tarif des douanes ». C'est en fait le terme technique utilisé pour l'administration des douanes avec pour finalité évidente la classification et la codification des biens, qui constitue l'espèce tarifaire des marchandises.

35 Dictionnaire le Petit Robert 2009, P.46.

36 Voir le cours de M. DIONE ALIOUNE, « Droit Fiscal et Douanier », P.8.

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Ainsi, afin de faciliter l'application du tarif extérieur commun, (application des mêmes droits de douanes quelque soit le point d'entrée de la marchandise sur le territoire douanier communautaire), les pays membres de la CEMAC ont adapté un système harmonisé de désignation et de codification des marchandises qui circulent de part et d'autre de leurs frontières respectives. Cette harmonisation aboutit à la création de quatre catégories de marchandises et précise pour chacune d'elles, le taux applicable des droits de douane :

- Catégorie I : Les biens de première nécessité : 5%

- Catégorie II : Les matières premières et les biens d'équipement : 10% - Catégorie III : Les biens intermédiaires et divers : 20%

- Catégorie IV : Les biens de consommation courante : 30%

La nomenclature douanière ou nomenclature tarifaire est le document qui indique à l'importateur la catégorie à laquelle appartiennent ses marchandises en précisant les taux de droits et taxes applicables. C'est une structure hiérarchisée de familles de produits repartis en 21 sections. Chaque section est constituée de plusieurs sous sections. Dans les sous sections enfin, sont listées les catégories de marchandises.

Qu'en est-il alors de la classification et de la codification des données numérisées en cours dans le monde dématérialisé et virtuel du net ?

Il semble nécessaire de partir encore de la distinction faite antérieurement entre le commerce électronique direct et le commerce électronique indirect pour répondre à cette question.

En l'occurrence, dans cette dernière hypothèse, la difficulté est moindre. Elle réside particulièrement dans l'émergence fréquente des produits totalement nouveaux et sur lesquels la Douane n'a aucune emprise parce que, justement, n'étant pas prévus par la Nomenclature. En revanche, c'est dans le premier cas, celui du commerce électronique direct, que le problème est quasiment insoluble. En effet, pour résoudre le problème de la classification dans ce dernier cas, il semble qu'il faille d'abord régler une question préalable qui est incontournable. C'est celle cruciale de la nature des transmissions électroniques. En l'occurrence les données numérisées sont-elles considérées comme des marchandises ou plutôt comme des services ?

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Il faut dire qu'il est important de déterminer avec précision la catégorie juridique à laquelle appartiennent les transmissions numérisées pour une bonne mise en oeuvre de la Nomenclature, car comme on peut le deviner, la Nomenclature n'est pas de mise pour une classification des échanges électroniques, parce que basé sur un monde physique qui jure avec la réalité dématérialisée du Net.

Ainsi, si on parvient à déterminer la nature de bien physique de transmissions numérisées, la Nomenclature pourrait s'appliquer après quelques aménagements. Tel a été le cas de l'énergie électrique qui est un produit intangible comme les transmissions numérisées. Après moult discussions au niveau des instances internationales, on est parvenu à procéder à son classement à la position « 27-16-00 » du système harmonisé37.

En revanche, la Nomenclature est inapplicable si les transmissions numérisées sont perçues comme des services.

La détermination de la nature des transmissions numérisées revêt ainsi une importante décisive, car celle-ci conditionne son classement dans la Nomenclature. Cependant, face à l'incertitude qui pèse sur la nature juridique des données numérisées, le classement de celles-ci devient problématique et nécessite avant tout de régler cette question préalable mais aussi préjudicielle.

Ces difficultés induites par le commerce électronique quant au classement surviennent aussi en matière de détermination de l'origine des marchandises.

B) La détermination malaisée de l'origine

L'origine d'une marchandise peut être appréhendée comme le lien géographique qui unit celle-ci à un pays donné dont elle est réputée issue. C'est le lieu de provenance de celle-ci. A ce titre, l'alinéa 2 de l'article 22 du code des douanes de la CEMAC dispose que : « les produits naturels sont originaires du pays où ils ont été extraits du sol ou récoltés. Les produits manufacturés sont originaires du pays où ils ont été fabriqués ».

Dès lors, des problèmes d'une certaine amplitude se posent relativement aux échanges de données numérisées via le Net. En effet, les transmissions électroniques s'effectuent dans

37 Le Système Harmonisé ou Code SH est le système international de désignation et de codification des marchandises. Il est aussi utilisé pour l'élaboration des tarifs douaniers nationaux et les statistiques du commerce extérieur ainsi que pour la mise en place des règles d'origine, des tarifs de transport, des contrôles de quota et la surveillance du commerce mondial. Il est entré en vigueur en 1998.

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un environnement mouvant marqué par le flux d'éléments en constante évolution, des fonctionnalités de traitement et de communication.

Il est vrai que les marchandises dans la production desquelles sont intervenus plusieurs pays sont considérées comme originaires du pays où a eu lieu la dernière transformation ou ouvraison substantielle38, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d'un produit nouveau représentant un stade de fabrication important39.

Mais il reste que les technologies complexes permettent de reproduire facilement et de transmettre à l'infini des données numérisées. D'où la difficulté manifeste pour déterminer le dernier pays où a eu lieu la dernière transformation et a fortiori celui où s'est effectué l'ouvraison substantielle économiquement justifiée.

Ainsi, le problème majeur lié à cette question d'origine est que les transactions elles-mêmes ne sont pas de simples opérations d'un point à un autre. Le lieu où ces transmissions traversaient la frontière dépendait toujours des caractéristiques spécifiques de la série d'utilisateurs reliés au réseau ainsi que des caractéristiques tout aussi changeantes se rapportant au programme et à l'emplacement d'appareils tels que les serveurs40.

Dès lors, il existe de sérieux doutes dans l'applicabilité des règles actuelles de détermination de l'origine. Cela est d'autant plus alarmant que l'origine des marchandises détermine sensiblement les montants des droits et taxes.

En effet, les produits originaires de certaines communautés économiques telles que la CEMAC, la CEDEAO41 et l'UEMOA42 bénéficient d'un régime de faveurs à l'intérieur des pays qui constituent ces espaces économiques. C'est notamment le cas du tarif extérieur commun qui y est institué.

En somme, les activités d'échanges économiques traditionnelles bénéficient du régime tarifaire de faveur dans l'espace communautaire, tandis que le E-Commerce en est

38 C.J.C.E., 23 février 1984, Aff. 93/83, Rec. 1095 ; C.J.C.E., 26 février 1977, Aff. 46/47, Rec. 41.

39 Cass. Crim, 12 novembre 1990, Bull. Crim. N°376, P.953.

40 Ouvrage collectif dirigé par Daniel Kaplan, Guide du commerce électronique : votre entreprise sur internet, Paris, Maisonneuve et Larose, 2000, P.85.

41 Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest.

42 Union Economique et Monétaire de l'Afrique de l'Ouest.

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entièrement exclu. Il importe donc de sécréter de nouvelles normes qui prennent en charge entièrement cette réalité du net.

Cela semble également être le cas pour la détermination de la valeur dont l'appréciation devient approximative avec l'avènement du Net.

C) L'appréciation approximative de la valeur.

Le concept de valeur est polysémique. Il est ainsi possible de recenser une triple conception de la notion.

Dans un premier temps, la valeur est perçue à partir d'une cotation opérée sur un marché et résulte du jeu de la loi de l'offre et de la demande. C'est le cas pour les marchandises faisant l'objet de transactions dans une Bourse de commerce de valeur. Ensuite, la valeur peut s'établir en fonction du coût ou du prix de revient ou encore de la capitalisation des revenus. Enfin, elle peut résulter de l'appréciation purement subjective des parties à la convention portant sur la chose en question.

Pour sa part, le Code de Douanes de la CEMAC définit la valeur en douanes des marchandises importées, en son article 24 paragraphe (a) comme « la valeur des marchandises déterminées en vue de la perception des droits de douane et taxes d'effet équivalent ad valorem ».

Cependant, l'article 23 précise que « la base première pour la détermination de la valeur en douane est la « valeur transactionnelle ». Celle valeur transactionnelle est définie à l'article 26, comme « le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées lorsqu'elles sont vendues pour l'exportation à destination de l'Etat membre d'importation après ajustement conformément aux dispositions de l'article 27... »

Il en découle de ces dispositions que dans les Etats membres de la CEMAC, la valeur de la marchandise est déterminée en ajoutant au prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées, des éléments et des produits ou services qui n'ont pas été inclus dans le prix effectivement payé ou à payer, de même que des frais accessoires à l'achat, comme le coût de l'assurance, les frais de transport, de chargement, de manutention et de déchargement.

A ce niveau, Il est possible de relever une certaine convergence d'esprit entre cette valeur transactionnelle et le commerce électronique. En effet, la réalité dématérialisée et

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transnationale du Net ouvre au consommateur un marché mondial dans lequel il règne en véritable maître du jeu des échanges. Mais l'impression se révèle vite fausse, car la notion de valeur est, en réalité, des trois éléments constitutifs de l'assiette fiscale, la plus difficile à établir43.

L'avènement du commerce on-line n'est pas pour aplanir ces problèmes dans la détermination de la valeur. En l'espèce, les produits numérisés sont constitués de deux éléments bien distincts. D'une part, un élément matériel que représente le support physique (bandes magnétiques, disquettes, disques y compris les disques pour lecture par faisceaux laser, des vidéodisques, des unités de stockage, etc.). D'autre part, un élément intellectuel (enregistrements sons, images, données ou instructions).

Dès lors, comment déterminer la valeur de ces produits numérisés dont la constitution est on ne peut plus hétérogène ? Faut-il prendre en compte seulement la valeur du support ? Ou celle du contenu ? Ou les deux à la fois ?

Pour mettre de l'harmonie dans cette fixation de la valeur des produits numérisés, le Comité d'évaluation en douane de l'Organisation Mondiale du Commerce détermine un cadre, en laissant à travers la décision val/8 sur l'évaluation des supports informatiques et des logiciels, le choix aux administrations des douanes soit de taxer les supports y compris la valeur du logiciel, soit de prélever des droits sur le support seul.

Il faut cependant relativiser l'intérêt d'une telle décision puisqu'elle ne s'applique pas aux transmissions électroniques, ni aux enregistrements de son et d'images dont le transport par des moyens électroniques connaît actuellement un vif succès.

Or, il importe, étant entendu que les produits numérisés sont divers et variés, qu'une solution globale soit envisagée par la mise en oeuvre d'un cadre général qui détermine des règles homogènes de la fixation de la valeur en domaine de ces produits numérisés. Ce qui va à coup sûr permettre de réduire les risques inhérents à la non fiscalisation de ces produits.

43 Cours de M. Dione Alioune, op.cit, P.15.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote