4.3 MENACES
Le développement du DST implique deux menaces
principales qui freinent l'implication des syndicats dans ces instances de
dialogue. D'une part, la surabondance des structures de DST qui pose des
problèmes de crédibilité. D'autre part, le risque de voir
le DST, à la portée parfois floue, prendre trop d'importance par
rapport à la négociation collective traditionnelle qui produit
les normes reconnues de travail et d'emploi.
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4.3.a L'IMPLICATION SYNDICALE FREINEE PAR L'ABONDANCE DES
LIEUX DE DST
La surabondance des lieux de DST freine l'implication des
syndicats.
Nous l'avons déjà évoqué, les
organisations syndicales manquent de moyens et assurent difficilement le
partage des travaux des mandatés dans les lieux de DST. Ainsi, les
syndicats peinent à valoriser le travail fait dans ces structures de
DST. En priorité, le risque est de voir la base des militants des
organisations ne pas comprendre l'intérêt de siéger et de
s'investir dans ces lieux. Il peut alors s'opérer une scission entre les
mandatés qui ont des responsabilités au niveau régional et
départemental82. C'est ainsi que le CESE dans son rapport sur
le DST met en garde contre la tendance à opposer la négociation
de branche et l'interprofessionnel territorial. Ce que Jacques Perrat
complète lorsqu'il exprime que ces projets de dialogue sur les
territoires posent «de réels problèmes de
redéfinition des responsabilités et des légitimités
et instaure une coupure grandissante entre ceux qui, au niveau régional,
doivent se faire porteurs de projets de développement et ceux qui, dans
l'entreprise, doivent gérer au quotidien les restructurations et les
plans sociaux »83.
La pléthore d'instances territoriales est
également pointée du doigt par le CESE car elle crée un
millefeuille d'institutions dont les compétences se recoupent. Ce manque
de clarté ne joue pas en la faveur d'une crédibilisation du DST.
Même si le dialogue social est un principe réaffirmé par
les récents gouvernements et que l'échelon infranational est
reconnu, il semble nécessaire d'éclaircir les compétences
et missions des structures afin de valoriser l'action syndicale en ces
lieux.
4.3.b LE FLOU ENTOURANT LE DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL
Un deuxième risque pour les syndicats peut les freiner
à s'engager. Le DST a une portée floue qui pourrait fragiliser le
rôle des syndicats dans la production de règles et de normes.
Le DST bouscule le rôle traditionnel des syndicats qui
est celui du dialogue social classique. Il se manifeste par la signature
d'accords collectifs et de normes. Or, le DST fait apparaître un autre
mode de travail pour d'autres finalités. Il en ressort que les syndicats
sont amenés à à adopter des positions assez fragiles dans
les structures de DST. Cette fragilité se manifeste par les fruits du
DST, que sont les chartes, avis, positions communes, ou engagements
réciproques, dont la consistance juridique et l'impact sur les
politiques publiques sont parfois très flous.
Les travaux issus des lieux de DST produisent de la norme bien
plus informelle. Cela entraine une certaine méfiance de la part des
organisations syndicales, surtout si le DST vient empiéter sur la
négociation collective traditionnelle. Pour Jacques Perrat, cette
montée des « arrangements » implique la
nécessité de clarifier les compétences des structures de
DST et de les articuler avec les formes classiques de négociation
collective. Le rapport du CESE pointe ainsi la faiblesse du cadre juridique
entourant les lieux de DST. Cette insécurité contribue à
freiner l'engagement des partenaires sociaux.
De plus, la volonté même d'intégrer les
partenaires sociaux de manière effective dans les projets de DST n'est
pas garantie. Ainsi, Annette Jobert pointe le fait que la participation des
syndicats « se limite (souvent) à la phase de diagnostic de la
situation, les capacités
82 Ce sont souvent les permanents et les
mandatés des union régionales et départementales qui
représentent leur organisations dans les structures de DST.
83 Jacques Perrat (2007), « Appropriation
syndicale des enjeux territoriaux : la question nodale du rapport
firme/territoire », La Revue de l'IRES, n°54, 2007.
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d'expertise et plus largement les ressources
(financières et autres) étant inégalement réparties
au sein du territoire » (Jobert, 2009).
Ainsi, les menaces pesant sur la crédibilité du
DST peuvent placer les partenaires sociaux sur une pente savonneuse. Il
n'empêche que ce nouveau type de dialogue entre organisations
d'employeurs et de salariés est porteur de promesse car il pourrait bien
renforcer, à termes, le poids et l'impact dans les systèmes de
régulation socio-économique en France et sur les territoires.
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