2. L'achèvement du chemin de fer favorise les
échanges et le développement du pays
2.1. L'évolution du trafic
En 1938, les chemins de fer de Madagascar transportèrent
57 millions de voyageurs par kilomètre et 58 millions de tonnes de
marchandises également par kilomètre18.
En 1948, ces chiffres ont été portés
à 86 millions pour les voyageurs, et 81 millions pour les
marchandises19.
En 1957, 153 millions de voyageurs par kilomètre ont
été transportés par le chemin de fer pour 133 millions de
tonnes par kilomètre de marchandises. Ce qui fait qu'en 1957, le trafic
représentait un accroissement de 170% pour les voyageurs et de 126% pour
les marchandises, par rapport en 1938. Par ailleurs, l'augmentation moyenne
annuelle du trafic représentait 8% pour les voyageurs et 6% pour les
marchandises.
18 Historique et évolution des chemins de
fer Malagasy 1909-1989.
19 Ibid.
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L'entrée du secteur privé dans les questions
environnementales, cas de MADARAIL S.A
Pendant 45 ans, la FCE a servi les besoins de transport des
riverains, qui sont entièrement dépendants du train pour assurer
l'écoulement de leur production agricole, l'alimentation des villages en
produits de première nécessité, le transport vers les
écoles et les hôpitaux etc.
Le commerce import/export a connu des périodes
florissantes : rien que pour le café, plus de 20 000 Tonne ont
été exportées en 1970-197120.
2.2. Entre développement des échanges et
pillage de colons
Le coût du transport, dans les années 1930, rend
à peu près inexportables les produits agricoles des
Hautes-Terres, les « produits pauvres » comme on disait alors. En
1934, le riz d'Indochine arrive sur la côte Est moins cher que celui de
l'Imerina ou du Betsileo...en attendant que, à une époque plus
récente, le riz ne circule à nouveau sur le TCE et le FCE, mais
à la montée cette fois, ce que Gallieni n'avait certes pas
prévu.
Pour l'économiste René Gendarme, le niveau trop
élevé des tarifs de chemin de fer figurait dans les années
1950 au nombre des handicaps économiques majeurs de Madagascar : en
1958, le transport d'une tonne de ciment de Tamatave à Antsirabe (521
km) coûtait plus cher que son acheminement de Marseille à
Tamatave, lui-même d'un coût jugé
exorbitant21.
Le fond du problème est que les chemins de fer n'eurent
qu'un faible effet de stimulation sur les régions traversées. On
peut le lire sur la courbe du trafic du TA22 : le maximum, en
particulier à l'exportation, fut atteint dès la première
année de fonctionnement ! Pour l'ensemble TCE/TA/MLA, le trafic
marchandises est même inférieur en 1935 à celui de
192323.
Le FCE, en 1957, transportait moins de la moitié du
tonnage fixé en 1925 comme objectif à atteindre au bout de 10 ans
d'exploitation24.
20 Le train de la vie, FCE par icco Madagascar
21 R. Gendarme (1963: 97-98).
22 Cf. annexe I
23 E. Guernier (1947: 143).
24 C. Richard, op. Cit. p. 81.
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L'entrée du secteur privé dans les questions
environnementales, cas de MADARAIL S.A
Or ces données ne reflètent pas une stagnation
économique de Madagascar : l'île a en fait a connu une
réelle croissance dans les années 1930. Mais celle-ci ne s'est
pas produite dans la zone des chemins de fer en générale. On peut
s'en faire une idée en analysant les exportations de la colonie en 1938
: des quatre produits qui en fournissent la moitié, le café (31,7
%), la vanille (9 %), le girofle (4,4 %) et le sucre (4,4 %), aucun ne vient
des Hautes-Terres et ne doit son exportation au chemin de fer. Et il en est de
même pour les produits secondaires comme les pois du Cap, le raphia, le
mica.
Le riz, qu'on avait accolé au TCE, puis au FCE, ne
fournissait que 2 % des exportations, livrées surtout par la
région de Marovoay, dépourvue de voies ferrées. Sur
celles-ci, comme la montre les courbes du TA, le trafic se faisait de plus en
plus à l'importation, pour l'approvisionnement des foyers
urbains des Hautes-Terres, Tananarive en premier lieu.
La faiblesse de la mise en valeur de la zone des chemins de fer
souligne le caractère peu capitaliste et investisseur d'une colonisation
qui laissa se développer des comportements spéculateurs et
prédateurs. Pour l'illustrer, nous évoquerons brièvement
l'exemple de deux compagnies dont l'histoire est restée dans l'ombre, la
Compagnie coloniale et la société La Grande
île.
Sur la base de conventions passées en 1897 et 1898 avec le
ministère des Colonies pour l'étude du futur chemin de fer TCE -
conventions qui ne reçurent qu'un semblant d'application et que le
ministère considéra très vite comme caduques, ces deux
sociétés, grâce à leurs relations politiques en
France, obtinrent, par une série de décrets de 1902 à
1906, à titre de « compensation » pour des dépenses
minimes ou fictives, d'énormes concessions forestières de part et
d'autre du TCE.
Renforcées par un troisième larron, la
Compagnie foncière et minière, elles purent alors
développer une véritable économie de pillage pendant des
décennies. En 1930, on estimait que les 2/3 des forêts de la
province de Moramanga avaient disparu en moins de 30 ans25.
25 J. Frémigacci (1998).
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Mieux encore, exploitant abusivement une clause des
décrets de concession, les deux sociétés
revendiquèrent les terrains entourant la gare de Tananarive, et
grâce à un procès interminable, bloquèrent le
développement urbain de l?actuelle ville basse jusque vers
192526.
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26 ARM, série Compagnies et
sociétés, dossier n° 6, société La Grande
Ile.
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