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L'entrée du secteur privé dans les questions environnementales. Cas de la société Madarail

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par Josoa TOLOJANAHARY
Université d'Antananarivo ( Madagascar) - Maà®trise 2010
  

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1.2.2. Une raison économique profitant au colonisateur

Les justifications économiques étaient plus évidentes dans le cas des deux lignes suivantes, construites comme prolongement du TCE achevé en 1913, le Tananarive-Antsirabe (TA) et le Moramanga-Lac Alaotra (MLA, 168 km). Mais, tout comme pour le TCE, leur rentabilité et leur avenir furent grevés par leur conception comme axes d'exportation. Dès le départ, le chef de province de Tananarive estimait ainsi qu'un autre tracé du TA, « un peu plus coûteux, mais traversant des régions plus riches et de population plus dense », aurait mieux stimulé l'économie régionale et les échanges intérieurs9.

D'autre part, la réalisation de ces voies se fondait toujours sur la prévision erronée d'une future colonisation de peuplement blanc, espoir irréaliste qui faisait tomber le chef de province d'Antsirabe dans l'illusion lyrique10.

C'est sur la base de rapports provinciaux largement fantaisistes, dans lesquels le rêve masquait la réalité, que les autorités supérieures prirent la décision de construire le TA. Le MLA, de son côté, ne pouvait se justifier qu'à la condition que l'on entreprenne la mise en valeur, exigeant de grands travaux d'hydraulique agricole, de la cuvette de l'Alaotra. Or l'insuffisance des investissements et les conditions humaines déplorables de l'entreprise bloquèrent celle-ci pendant toute la période coloniale, voire tout le XXe siècle.

Quant au Fianarantsoa-Côte est (163 km), réalisé entre 1927 et 1936, il fit figure, avant même son achèvement, d'erreur économique préfigurant les « éléphants blancs » de la décolonisation. Les illusions d'avant 1914 sur « ces riches régions infiniment plus intéressantes que l'aride Imerina11, et sur les perspectives riantes d'un peuplement blanc du Betsileo, s'étaient évanouies. Mais il fallait tenir une vieille promesse faite aux colons du Betsileo en crise, meneurs en 1911 d'une fronde des provinces périphériques contre la concentration des dépenses d'équipement au profit de l'Imerina : le poumon devant sauver les Hautes-Terres méridionales de l'asphyxie ne pouvait être, selon les colons, qu'un chemin de fer de Fianarantsoa à la côte12, qui obtint d'être déclaré prioritaire à la conférence économique

9 J. Frémigacci (1975: 85).

10 Ibid. p. 79.

11 ARM (Archives de la République malgache), série Chambres de commerce, dossier n° 13, Fianarantsoa, PV du 22/04/1910.

12 Ibid., PV du 25/09/1911.

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de 1919 à Tananarive, puis qui fut inscrit au « programme des grands travaux à entreprendre sur une période de 15 ans13 et au plan Sarraut de 192114.

Or tout cela reposait sur une erreur d'analyse économique. Le qualificatif de « Chemin de fer du riz », d'abord abusivement donné par Gallieni au TCE15, fut ensuite accolé, avec tout aussi peu de justifications, au FCE : c'était ne pas voir que les excédents apparents de riz sur les Hautes-Terres, très médiocres en volume, ne pouvaient être dégagés que par une lourde fiscalité imposant une sous-consommation paysanne, et ne pouvaient être exportables que dans des circonstances exceptionnelles (guerre, inflation galopante en France).

Pour faire bonne mesure, Gallieni rêvait en annonçant l'exportation de productions qui n'existaient pas encore, et n'existeront jamais comme la soie, l'une de ses obsessions16. En fait, la crise de la colonisation sur les Hautes-Terres dans les années 1903-1914 était bien moins imputable au problème des transports qu'à la médiocrité de l'ordre économique colonial lui-même.

L'erreur commise avec le FCE était, de plus, beaucoup moins excusable en 1930 qu'en 1910, car entre-temps les transports routiers avaient ailleurs réalisé des progrès montrant que c'était vers eux qu'il fallait s'orienter. Mais à Madagascar, on ne faisait pas la comparaison entre le rail et la route moderne, mais entre le rail et la (mauvaise) route coloniale, simple piste ouverte à coup de prestataires. Tout comme la « route de l'Est » Tananarive-Mahatsara ouverte en 1900, une telle route existait entre Fianarantsoa et Mananjary depuis les années 1900, souvent impraticable. Avec l'effort de guerre, l'administration y organisa en 1917 un service de messagerie par charrettes à boeufs qui, en 1919, disposait de 131 charrettes et 698 boeufs, jugés plus économiques que l'auto17.

13 Bulletin économique de Madagascar, 1er trimestre 1921, p. 40-61, note de Girod, directeur des Travaux publics.

14 A. Sarraut (1923).

15 J. Gallieni (1908 : 289). Le général avoue s'inspirer de son maitre Faidherbe, qui avait appelé de Dakar-Saint-Louis « Le chemin de fer de l'arachide ». En fait, la comparaison n'a pas de sens. Comment mettre sur le même plan une culture vivrière, le riz, et une culture de rente, l'arachide, alors que, de surcroit, les conditions géographiques, physiques et humaines sont absolument différentes au Sénégal et a Madagascar ?

16 Ibid.

17 CAOM, Aix-en-Provence, fonds du contrôle, 749-751, mission Nores, Madagascar 1919- 1920. Rapport de l'inspecteur Leconte sur les messageries par charrettes à boeufs.

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En 1925, on envisagea la mise en service de camions, mais on y renonça devant l'état de la route et l'on maintint le choix du chemin de fer fait quinze ans auparavant. Nous touchons ici un autre problème, l'incroyable lenteur avec laquelle les réalisations aboutirent, en sorte qu'elles vinrent toujours trop tard. Pour en rendre compte, il faut examiner les conditions de financement des projets et leurs conséquences.

Pour le TCE, le tracé qui aurait eu la plus grande pertinence économique remontait la vallée du Mangoro jusqu'au seuil dominant la cuvette de l'Alaotra, puis descendait sur la côte par la vallée de l'Ivondro. Il était le plus long (près de 500 kilomètres) mais aurait évité la construction ultérieure du MLA. Surtout, il aurait mis la côte à moins de 200 km de la seule région des Hautes-Terres, l'Alaotra, qui avait un gros potentiel agricole (rizicole surtout) pouvant, une fois mis en valeur, alimenter une exportation.

À ce tracé, on en préféra un autre, débouchant à Brickaville (illustration 2). Le TCE était ramené à 270 km mais le trajet Brickaville-Tamatave devait se faire par la voie d'eau, en suivant les lagunes reliées par le canal des Pangalanes alors en construction qui devait rapidement se révéler un travail de Sisyphe. Les inconvénients de la formule apparurent tout de suite avec les retards que subit l'approvisionnement des chantiers du TCE dès leur ouverture en 1901.

Le prolongement du rail jusqu'à un port s'imposa donc. Un projet initial, l'avait d'ailleurs prévu, suivant un tracé qui desservait la région la plus peuplée du pays betsimisaraka central. Mais là encore, la recherche du moindre coût engendra une erreur économique. Après bien des tergiversations (en 1906, Augagneur voulait encore éviter Tamatave, une « erreur économique » selon lui), on opta pour la solution facile d'une voie établie sur le cordon littoral sablonneux entre l'océan et les lagunes, jusqu'à Tamatave. Mais ce dernier tronçon traversait sur près de 100 kilomètres une zone sans intérêt économique.

On put regretter très vite l'abandon du tracé initial qui lui, traversait ce qui allait devenir la « zone des graphites » lorsque ce minerai connut un boom en 1913. L'erreur ainsi commise se solda par une charge de portage, pour les populations, aussi lourde qu'absurde, qui culmina en 1916-1917, quand on mobilisa un total de quelque 110 000 hommes, réquisitionnés pour acheminer le minerai jusqu'à la côte, ce qui mit la région au bord de la famine en 1918.

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Illustration 2. Ce croquis, extrait de l'ouvrage de Gallieni, Neuf ans a Madagascar (1908, p. 152) fait apparaitre les deux grands obstacles à franchir : le gradin forestier betsimisaraka et l'escarpement oriental de l'Imerina.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway