CONCLUSION
Nous voici au terme de notre étude dont l'objet
était d'analyser le cadre juridique de l'amnistie et son impact sur le
processus de paix en RDC.
Le point de départ de notre travail portait sur un
double questionnement articulé comme suit :
· Qu'entendre par l'amnistie en droit ? et quel
rapport existe-t-il entre l'amnistie et d'autres notions voisines comme la
grâce présidentielle, la prescription, l'abrogation d'une loi
pénale et la réhabilitation ?
A cette question nous avons vu que l'amnistie est une mesure
de clémence relevant de la compétence du pouvoir
législatif dont bénéficient les criminels dans le but
d'effacer rétroactivement le caractère infractionnel de leurs
actes ou faits punis par la loi. Elle se rapproche d'autres notions voisines
par le fait que toutes mettent les auteurs des crimes à l'abri soit des
poursuites, soit de l'exécution de la peine soit en remettant le
criminel dans la situation légale et, si possible, sociale qu'il avait
perdu suite à une juste condamnation. Elle se distancie également
de ces autres notions qui lui sont voisines par le fait qu'elle émane de
l'autorité législative et concerne toutes les personnes qui se
trouvent dans son champ d'application tant matérielle que temporelle.
· Quelle expérience la RDC a-t-elle de
l'amnistie ? Comment les différentes lois intervenues ont-elles
contribué à consolider la paix souvent fragile dans ce
pays ?
La RDC dispose d'une riche expérience en matière
de pratique d'amnistie comme instrument de recherche de la paix et de
l'apaisement social.
L'histoire législative congolaise en matière
d'amnistie est marquée par les différents textes pris dans
différentes périodes résumées comme suit :
Ø Décret-loi n°03-001 du 15 avril 2003 qui avait
accordé une amnistie provisoire suite à l'Accord Global et
Inclusif de 2002 pour les faits de guerre et les infractions politiques et
d'opinion.
Ø Loi N°05/023 du 19 décembre 2005
adoptée par le parlement de transition pour abroger le décret
présidentiel de 2003, elle a repris les crimes
énumérés dans le décret précité mais
a étendu la période : du 20 août 1996 au 20 juin 2003.
Ø la loi n°09/003 du 7 mai 2009 portant amnistie
pour faits de guerres et insurrectionnels commis dans les provinces du
Nord-Kivu et du Sud-Kivu pendant la période allant du mois de juin 2003
au 07 Mai 2009.
Ø La loi d'amnistie du 11 février 2014 portant
amnistie pour faits de guerre, faits insurrectionnels et infractions
politiques.
Ce bilan législatif a été facilité
grâce aux différentes concertations tenues çà et
là dans le pays et à l'extérieur du pays dans le but de
contribuer à la restauration de la paix en RDC. Il
s'agit de :
DIC qui s'est tenu à Sun City (Afrique du Sud) du 25
février au 17 décembre 2002. Les germes de ce dialogue se
retrouvent dans les conflits armés qui secouent la RDC durant la
période allant de 1998 à 2002. A l'issue de ce dialogue, il en
résultera, après des multiples trajectoires, un accord global et
inclusif qui sera signé le 21 avril 2003 par tous les
délégués et dotera la RDC d'un agenda devant permettre la
fin des hostilités. Suite à l'accord global inclusif de 2002, il
a été promulgué un décret-loi n°03-001 du 15 avril
2003 accordant une amnistie provisoire pour les faits des guerres et les
infractions politiques et d'opinion. Le parlement de la transition adoptera par
la suite la loi n° 05-023 du 19 décembre 2005 en abrogation du
présent décret.
Conférence sur la paix, la sécurité et
le développement dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu ténue à
Goma du 6 au 23 janvier 2008. Les accords de paix du 23 mars 2009 ont
été élaborés par le gouvernement de la RDC et le
CNDP d'une part et, d'autre part, avec différents autres groupes
armés du Nord et du Sud Kivu. Ils sont le résultat de longues
négociations menées tour à tour à Nairobi et
à Goma et dont il avait recommandé l'adoption d'une loi
d'amnistie, ce qui avait été fait par l'Assemblée
nationale congolaise qui a adopté un projet de loi le 12 juillet 2008.
Finalement, le 5 mai 2009, à la suite d'une procédure quelque peu
discutable, le Parlement a adopté la loi d'amnistie sur base du rapport
de la commission mixte paritaire, loi qui a été par la suite
promulguée par le Président Kabila le 7 Mai 2009.
Les négociations entre le gouvernement congolais et le
groupe rebelle du M23 ont été sanctionnées par le Sommet
des Chefs d'État et de Gouvernement de la CIRGL qui s'est tenu en date
du 24 novembre 2012 en Ouganda sur la situation sécuritaire dans l'Est
de la RDC. Ce sommet s'est ouvert après l'échec de l'option
militaire et la chute de la ville de Goma le 20 novembre 2012 entre les mains
des éléments du M23. A l'issue de ces négociations,
plusieurs recommandations ont été prises, parmi lesquelles un
projet de la loi d'amnistie devant bénéficier aux ex-rebelles du
M23 pour faits insurrectionnels, faits de guerre et infractions politiques.
Pour mener à bien notre étude et de
manière la plus rigoureuse possible, nous avons utilisé la
méthode exégétique qui nous a permis d'analyser et
d'interpréter des textes juridiques mis à notre disposition, en
l'occurrence ceux qui réglementent l'amnistie dans notre pays ; et
la méthode sociologique qui nous a permis de placer le sujet dans son
contexte social afin de dégager le contexte des crises qui ont toujours
précédé l'adoption des différentes lois d'amnistie
prises en RDC.
Pour appuyer ces méthodes, nous avons fait recours,
dans ce travail, à la technique documentaire qui nous a permis de
ressasser les opinions des auteurs de droit sur les différentes
questions que soulèvent la problématique du présent
travail.
Ainsi, ce travail de validation de nos hypothèses dont
le premier chapitre cadre avec les notions générales de
l'amnistie en droit congolaisoù nous avons développé sa
genèse et ses notions voisines.
Le second chapitre portantanalyse des législations
congolaises en matière d'amnistienous a permis de valider la seconde
hypothèse en donnant l'état de la législation congolaise
en matière d'amnistie. L'amnistie qui est la loi de l'oubli, doit en
tout cas apaiser les esprits des personnes qui ont subi des exactions par
d'autres personnes et comprendre qu'après tous ces
événements elles sont appelées à vivre ensemble
pour préparer un meilleur avenir. L'analyse de différentes lois
intervenues dans l'histoire législative et leur contexte d'adoption nous
a renseigné que l'Etat dans sa politique d'adoption des
différentes lois, respecte les normes internationales qui veulent
à ce que les crimes internationaux ne puissent pas être
concernés par l'amnistie. Cependant nous avons remarqué ;
qu'en dépit de la volonté de l'Etat de respecter ses obligations
internationales en matière des crimes internationaux, il en subsiste des
failles quant aux réparations civiles qui ne sont pas concernées
par l'amnistie.
Les différentes lois intervenues en RDC en
matière d'amnistie devraient être l'initiative de cette population
qui a été victime de ces faits dommageables pour qu'elle
même puisse comprendre et prendre une décision résolue qui
traduit leur volonté du pardon et de cohabitation pacifique.
Etant une oeuvre humaine, nous ne prétendons pas par ce
travail avoir épuisé toutes les questions en rapport avec cette
thématique. Puisse notre postérité suppléer
à cette oeuvre ! Puisse enfin que tout autre chercheur qui voudrait
parfaire ce travail, élargir le champ de son étude ou approfondir
la problématique que nous en dégageons en abordant les questions
qui n'ont pas été entamées ici !
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