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L'intangibilité des ouvrages publics

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par Henda EL GHOUL
Faculté de droit de Sfax Tunisie - Mastère de recherche en droit public 2013
  

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§ 2 : L'environnement juridique européen

La CEDH a clairement manifesté sa volonté d'assurer une protection réelle et effective du droit de propriété, notamment dans le cadre des procédures d'expropriation362. En matière de protection du droit de propriété, l'apport des décisions de la CEDH implique à moyen terme des transformations de plus en plus visibles sur le statut d'immunité de l'ouvrage public. « L'ordre juridique européen dans lequel évolue le droit de propriété instaure un dynamisme appuyé à son profit, qui est en effet susceptible de fragiliser certains fondements ou principes traditionnels du droit interne, tel le principe de l'intangibilité »363. Cet état du droit, certainement stimulé par l'intérêt grandissant des justiciables à faire valoir des moyens tirés de la convention européenne364.

La protection du droit de propriété est assurée par un statut supra-étatique365. En effet, l'article premier du premier protocole additionnel à

362 M-P. MAITRE, « Le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, 22 novembre 1999, n° 232, p. 8.

363 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1485.

364 R. ABRAHAM, « Les incidences de la Convention Européenne des Droits de l'Homme sur le contentieux administratif français », RFDA, 1990, p. 1054.

365 F. SUDRE, « La protection du droit de propriété par la Cour Européenne des Droits de l'Homme », D, 1988, p. 71.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

la CESDH garantit le respect de la propriété privée366. La première condamnation d'un Etat sur ce fondement est intervenue en 1982 dans l'affaire Sporrong et Lönnroth367.

Les implications du droit européen sur le régime de protection de la propriété privée exigent une prise de conscience et un regard plus attentif du juge interne. Celui-ci est appelé à élargir le contrôle de proportionnalité dans ce domaine, qui s'exprime par la recherche d'un « juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits de l'individu »368.

La CEDH a manifesté une volonté d'assurer une protection réelle et effective du droit de propriété notamment en matière des procédures d'expropriation369. C'est ainsi que la cour a considéré que l'expropriation du fait est « incompatible avec le droit de propriétaire au respect de leur bien »370. Ce constat s'est confirmé dans une affaire mettant en cause la France et qui s'apparentait à une hypothèse d'expropriation indirecte371.

366 À cette fin, il prévoit que « toute personne physique ou morale a droit du respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ».

367 CEDH, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnroth, série A, vol. 52, p. 61 ; L. SERMET, « Le contrôle de la proportionnalité dans la Convention Européenne des Droits de l'Homme : présentation générale », LPA, 5 mars 2009, n° 46, p. 26 ; A-F. ZATTARA-GROS, « Le contrôle de proportionnalité exercé par la CEDH en matière de droit de propriété », LPA, 5 mars 2009, n° 46, p. 32 ; F. SUDRE, « La protection du droit de propriété par la Cour Européenne des Droits de l'Homme », D, 1988, p. 74 ; M. FROMONT, « Le principe de proportionnalité », AJDA, juin 1995, p. 156.

368 CEDH, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnroth, série A, vol. 52, p. 69.

369 Ainsi, l'article 6-1 de la CEDH fonde la nécessaire remise en cause du principe d'intangibilité sur la définition qui a été donnée au procès équitable par la cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme : « [elle] a établi dans un arrêt Hornsby c/ Grèce du 19 mars 1997, n° 18357/91, que le droit au procès équitable unifiait trois droit particuliers ; premièrement u droit accéder à un juge, deuxièment, un droit à un jugement respectant les garanties de procédures que sont l'équité, la publicité et la célérité et, enfin, un droit à l'exécution de ce jugement, ce dernier point constituant la novation de cet arrêt [...] ». S. BRONDEL, « Le principe d'intangibilité de l'ouvrage public : réflexions sur une évolution jurisprudentielle », AJDA, n° 15, 2003, p. 765.

370 CEDH, 24 juin 1993, Papamichalopoulos, DA, 1993, n° 415 ; voir aussi CEDH, 21 février 1990, Hakansson et Sturesson, série A, n° 171.

371 R. HOSTIOU, Note sous CEDH, 21 février 1997, Guillemin c/ France, AJDA, 1977, p. 399.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

A cette occasion, l'Etat français fut pour la première fois condamné pour violation de certaines garanties relatives à la procédure d'expropriation372. En application de « ces dispositions supranationales », depuis quelques années, se dessine un mouvement jurisprudentiel interne, de plus en plus perceptible, qui tend à rendre les dispositions du droit interne en matière de privation de propriété compatibles avec les exigences de la CEDH.

« Ce contexte de contrainte supérieure atténue nécessairement la portée du principe d'intangibilité en lui ôtant son caractère irréversible. L'exigence que prône la jurisprudence européenne fait naître une nécessité, celle d'intégrer des principes de dimension européenne en droit interne »373. Par conséquent, la position du juge à l'égard de la protection de l'ouvrage public doit aujourd'hui se pilier aux effets de cet environnement juridique qui ne remet pas ouvertement en cause le régime de protection spécifique de l'ouvrage public, mais insiste sur la reconnaissance de certains droits, notamment celui de propriété374.

372 R. HOSTIOU, Note sous CEDH, 21 février 1997, Guillemin c/ France, article précité, p. 399.

373 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1489.

374 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1490.

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