B. La portée du principe Bilan- coût-
avantages
Par le biais de la théorie du bilan, aux avantages de
l'ouvrage public sont confrontés ses inconvénients. C'est
seulement si les seconds l'emportent sur les premiers que le bilan est
négatif. Le juge ordonnera alors la démolition de l'ouvrage
public. Le choix jurisprudentiel est garant de la protection de l'Etat de
droit.
Toutefois, « il convient de ne pas se réjouir
trop tôt de cette évolution jurisprudentielle
»336. En effet, l'examen des décisions de
justice en matière d'expropriation montre que le contrôle
approfondi opéré par le juge n'aboutit que rarement à la
destruction de l'ouvrage public. De plus, les annulations prononcées en
application de la théorie du bilan concernant les projets de faible
importance337 et non des opérations de grande envergure de
portée nationale338.
De surcroît, le principe bilan- coût- avantages,
s'il dote le juge d'une arme efficace pour protéger la
légalité économique contre les abus de l'administration,
s'avère d'un maniement délicat339. Il exige de ceux
qui l'appliquent « circonspection et doigté, faute de quoi, il
risque de
335 Y. GAUDEMET, « Bien public, bien
commun », in Mél. en l'honneur de Etienne FATÔME, 2011,
Dalloz, p. 160.
336 J. BOUGHRAB, Concl. sur CE., 29 janvier
2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz
des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, « La relecture du principe
d'intangibilité des ouvrages publics », LPA, n° 101, 2003, p.
7.
337 A. BERNARD, Concl. sur CE., 26 Octobre
1973, Grassin, AJDA, 1974, p. 34. (Affaire relative à la construction
d'un aérodrome)
338 A. BOCKEL, Note sous CE., 4 mai 1979,
Département de la Savoie, AJDA 1979, p. 38 ; L. RICHER,
Note sous CE., 4 mai 1979, Département de la Savoie, D. 1979, p. 538.
(Affaire relative à la centrale nucléaire de Creys-Malville).
339 J. LEMASURIER, « Vers un nouveau
principe général du droit ? Le principe Bilan-
Coût-avantages », in Le juge et le droit public, Mélanges
offertes a Marcel WALINE, Tome 2, Paris, juillet 1974, p. 562.
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Deuxième partie : L'adaptation du principe
transformer le juge en administrateur
»340. Certes, la théorie du bilan semble constituer
un moyen très poussé de contrôle du juge. Elle le conduit,
« non seulement à exercer un contrôle normal sur les
motifs de fait, mais à contrôler l'adéquation de la mesure
administrative à ses motifs de fait, c'est-à-dire à
substituer sa propre décision à celle de l'administration
»341.
On peut estimer que « le principe
d'intangibilité dans la forme qu'on lui connaissait semble
disparaître mais pour renaître sous une forme qui tend à
mieux s'accorder avec le principe de légalité
»342. Toutefois, suite à un
infléchissement engendré par l'environnement juridique, que
l'atteinte au principe d'intangibilité de l'ouvrage public va se faire
plus sensible.
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