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L'intangibilité des ouvrages publics

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par Henda EL GHOUL
Faculté de droit de Sfax Tunisie - Mastère de recherche en droit public 2013
  

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§ 2 : (...) Vers un contrôle plus exigeant de l'intérêt général

Dans le cadre de contrôle de l'intérêt général, l'examen de l'intérêt général s'effectuera certainement au regard d'intérêts complexes, qu'ils soient généraux ou particuliers, à l'instar de la théorie du bilan laquelle, en revanche, aboutit à un contrôle normal sur la déclaration d'utilité publique en matière d'expropriation327. Le principe bilan-coût-avantages, comme un principe général du droit, apporte aux administrés une garantie contre le pouvoir discrétionnaire de l'administration (A). Mais ses applications dans la jurisprudence récente dénaturent sa portée (B).

323 T. de première instance de Tunis, arrêt n° 12703/10 du 2 novembre 2000, cité dans l'arrêt du TA. n° 24072 du 21 mai 2004, STEG c/ Néji Stanbouli, inédit.

324 R. HOSTIOU, Note sous Cass. Ass. Plén., 6 janvier 1994, Consorts Baudon de Money c/ EDF, AIDA, 1994, p. 329.

325 Cass. Ass. Plén., 6 janvier 1994, Consorts Baudon de Money c/ EDF, AIDA, 1994, p. 339.

326 C. BOITEAU, Note sous Cass. Ass. Plén., 6 janvier 1994, Consorts Baudon de Money c/ EDF, RFDA 1994, p. 329.

327 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1474.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

A. Le principe bilan-coût- avantages : garantie des administrés

L'idée de mettre en place la technique du bilan coûts-avantages est née de la jurisprudence328 en matière d'expropriation afin de mieux contrôler une procédure qui tendait à beaucoup se développer. Pour qu'une opération soit jugée d'utilité publique, ses inconvénients doivent être équilibrés par les avantages qu'on peut en attendre. L'utilité publique n'est donc plus appréciée in abstracto. « Une opération peut, par son objet, être d'utilité publique, mais en raison de ses modalités d'exécution ou de ses conséquences, ne plus l'être »329.

Une fois pris en compte les intérêts opposés, la démolition de l'ouvrage « ne sera légale que si elle est adéquatement proportionnée aux faits. C'est-à-dire par là même, que le caractère excessif de la décision emporte son illégalité »330. Le nouveau principe apporte de sérieuses garanties aux administrés331. Il a le mérite d'accroitre et de restaurer le rôle traditionnel du juge, gardien de la légalité et protecteur des libertés.

328 CE., Ass., 28 mai 1971, Ministre de l'Equipement et du logement c/ Fédération de défense des personnes concernées par le projet actuellement dénommé « Ville- Nouvelle Est », LONG (M.), WEIL (P.), BRAIBANT (G.), DEVOLVE (P.) et GENEVOIS (B), Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Dalloz, 12éme éd., 1999, p. 639. Par la suite, cette jurisprudence s'est précisée et développée. D'abord dans un arrêt Société civile Sainte-Marie de l'Assomption, (CE., Ass., 20 octobre 1972, Rec., p. 657.) une déclaration d'utilité publique est annulée pour la première fois sur la base des principes du bilan coûts- avantages. Mais il faudra attendre vingt-cinq ans avant qu'une déclaration d'utilité publique préalable à la construction d'une autoroute soit annulée sur la base de la jurisprudence du bilan (CE., Ass., 28 mars 1997, Association contre le projet de l'autoroute transchablaisienne, concl., D. LINTON et note ROUVILLOIS, RFDA, 1997, p. 740.

329 Ph. GODFRIN, Droit administratif des biens, Armand Colin, 6éme éd., 2001, p. 380.

330 R. CHAPUS, Droit administratif général, T.1, Montchrestien, 15éme éd., 2001, n° 1264, p. 1074.

331 J-C. VITRY, « Le contrôle des opérations d'utilité publique », G.P, 1975, p. 23 ; J. LEMASURIER, « Vers un nouveau principe général du droit ? Le principe Bilan- Coût-avantages », in Le juge et le droit public, Mélanges offertes a Marcel WALINE, T.2, Paris, juillet 1974, p. 559 ; M. WALINE, Note sous CE., ass., 28 mai 1971, Ministre de l'Equipement et du Logement c/ Fédération de défense des personnes concernées par le projet actuellement dénommé, RDP, n° 2, 1972, p. 454.

Deuxième partie : L'adaptation du principe

En raison de la carence notoire du contrôle juridictionnel sur la légalité de l'utilité publique332, le juge administratif tunisien a procédé à un aménagement du principe de l'intangibilité des ouvrages publics, par l'introduction d'un nouveau contrôle du bilan, afin de protéger le droit de propriété. Ainsi dans l'affaire Ghuila333, le juge administratif a insisté sur l'idée d'équilibre entre l'intérêt général et les intérêts privés auxquels l'ouvrage public va porter atteinte. La destruction ne sera ordonnée qu'après vérification qu'elle n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général334.

La formule de l'arrêt apparaît comme une rupture avec la jurisprudence traditionnelle dans la mesure où elle fait référence à l'orientation récente du contentieux administratif. Sans doute, les termes employés par le TA dans son arrêt n'ont pas été choisi au hasard. Ils dénotent la ferme intention du juge de changer son orientation traditionnelle en faveur d'une autre moderne. Si l'on considère qu'une telle allusion n'est pas courante dans sa jurisprudence, il y a tout lieu de penser qu'il entend opérer un revirement qui ne manquera pas de caractériser pendant très longtemps le domaine de l'expropriation.

Sans abandonner le principe d'intangibilité, le TA a précisé les conditions et les limites de sa mise en oeuvre. Il ne s'agit pas d'«une démolition physique de l'ouvrage mais bien de la possibilité ou non, à

332 J. LEMASURIER, « Vers un nouveau principe général du droit ? Le principe Bilan-Coût-avantages », in Le juge et le droit public, Mél. offertes a Marcel WALINE, T.2, Paris, juillet 1974, p. 555.

333 TA., arrêt n° 1/ 17813 du 16 avril 2009, Khadija Ghuila c/ l'office national de l'assainissement, inédit.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

travers cette démolition, de perturber ou de mettre fin à l'activité d'intérêt général que sert l'ouvrage public »335.

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