§ 2 : L'indemnisation des servitudes
administratives
Il est certain que l'existence d'un ouvrage public dans le
cadre des servitudes administratives cause des dommages aux
propriétaires. La question qui soulève l'existence de ces
dommages est celle de l'indemnisation. « C'est probablement, un des
problèmes les plus importants existant dans le droit des servitudes,
puisqu'il permet de compenser les torts causés aux particuliers, mettant
ainsi en lumière le constant compromis entre l'intérêt
général et les intérêts particuliers
»281.
La lecture des textes régissant les servitudes
administratives, permet de constater la multiplicité des dispositions
relatives à l'indemnisation. Cette diversité a
généré une complexité non seulement au niveau du
régime juridique de l'indemnisation (A) mais
également au niveau de l'évaluation de l'indemnité
(B).
A. Le régime juridique de l'indemnisation
Les lois régissant les servitudes administratives ont
adoptés des positions divergentes, sur le problème de
l'indemnisation des propriétaires282. On peut classer les
textes relatifs aux servitudes administratives en trois catégories. Les
textes qui prévoient l'indemnisation283, d'autres qui
l'excluent284 et enfin les textes qui restent
muette285.
281 M. PIQUEMAL, Droit des servitudes
administratives. Les servitudes traditionnelles, Paris, Berger-Levrault,
Collection « L'administration nouvelle », 1967, p. 156.
282 M. SAYARI, Les servitudes
administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public,
FSJPS, Tunis, 2005-2006, p. 341.
283 Telle est la position adoptée notamment par
l'article 10 du décret beylical du 12 octobre 1887 qui disposait que
« lorsque des supports ou attaches seront placés à
l'exécution de murs ou façades, ou sur de toits ou terrasses, ou
encore non clos, il ne sera dû au propriétaire d'autre
indemnité que celle du préjudice résultant des travaux de
construction de la ligne ou de son entretien ». Ainsi, en
matière d'occupation temporaire pour les travaux publics, le
décret beylical du 20 aout 1888 disposait dans son article 7
alinéa 1, que « l'entrepreneur peut occuper le terrain et y
commencer les travaux
63
Deuxième partie : L'adaptation du principe
Le recours à la voie juridictionnelle n'est pas
obligatoire en matière d'indemnisation. De nombreux textes
précisent d'ailleurs que le recours au juge n'a lieu qu'à
défaut d'accord amiable286. En cas de désaccord entre
les parties, l'intéressé peut saisir le juge compétent.
Aucun texte ne prévoit la compétence du juge
administratif. Mais plusieurs textes ne désignent pas la juridiction
compétente287 ou se contentent de confier l'indemnisation des
servitudes administratives à « la juridiction compétente
»288, aux « tribunaux compétents
»289 ou, tout simplement, « aux tribunaux
»290.
Découle du renvoi à la législation
relative à l'expropriation291, l'indemnisation des servitudes
administratives est la compétence de la juridiction
judiciaire292. Le TA a été maintes fois
réaffirmé cette règle293.
autorisés (...) tous les droits du
propriétaire étant réservés en ce qui concerne le
règlement de l'indemnité ».
284 On peut citer en ce sens l'article 23 du CATU qui dispose
que « les servitudes résultant des règlements
d'urbanisme (...) ne donnent droit à aucune indemnité
». C'est le cas aussi de l'article 40 du code des eaux qui dispose
que la servitude de franc bord « ne donne pas droit à une
indemnité ».
285 P-S. DE BIEUSSES, « Le statut des
aisances et des servitudes », AJDA n° 6, 20 juin 1992, p. 400. C'est
le cas par exemple de la loi du 19 août 1998 relative aux chemins de fer
qui ne contient aucune indication concernant l'indemnisation des assujettis aux
diverses servitudes ferroviaires. M. SAYARI, Les servitudes
administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public,
FSJPS, Tunis, 20052006, p. 343.
286 Voir par exemple : l'article 42 alinéa 2 de la loi
du 7 mars 1986 portant refonte de la législation relative au domaine
public routier de l'Etat ; l'article 45 alinéa 3 du Code des
télécommunications.
287 Voir par ex ; Décret du 20 août 1888 relatif
à l'occupation temporaire pour les travaux publics.
288 Article 45 alinéa 3 du code de
télécommunications.
289 Article 48 du code des eaux dispose que « (...)
Les dommages qui résultent des travaux sont fixes, à
défaut d'accord amiable, par le tribunal compétent
».
290 Article 80 du code minier ; Article 86.1 alinéa 2 du
code des hydrocarbures.
291 M. SAYARI, Les servitudes
administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public,
FSJPS, Tunis, 2005-2006, p. 394.
292 C'est ainsi, que l'article 30 alinéa 1 de la loi du
11 août 1976 (nouveau) dispose que « Les actions liées
à l'expropriation pour cause d'utilité publique, à
l'exception du recours pour excès du pouvoir, sont de la
compétence des juridictions de l'ordre judiciaire avec ses
différents degrés prévus au code de procédure
civile et commerciale ». L'article 30 (nouveau) alinéa 1 de la
loi du 11 août 1976 portant refonte de la législation relative
à l'expropriation pour cause d'utilité publique telle que
modifiée et complétée par la loi du 14 avril 2003, JORT,
18 avril 2003, p. 1032.
64
Deuxième partie : L'adaptation du
principe
Toutefois, dans un arrêt datant du 2005, il a
considéré que le juge compétent en matière
d'indemnisation des servitudes administratives est le juge
administratif294.
S'agissant de la question de la prescription de la demande
d'indemnité, l'article 12 du décret de 12 octobre 1887 fixait ses
délais à deux ans295 à partir de la date de fin
de travaux. En contrepartie, le juge administratif adopte une solution
favorable aux assujettis en appliquant, dans tous les cas, le délai de
prescription de droit commun296, prévue par l'article 402 du
COC297, à savoir du délai de quinze
ans298.
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