B. Le juge administratif
S'agissant du juge administratif, la situation est
différente par rapport au juge judiciaire. En se référant
aux articles 81 et 82 (nouveaux) de la loi organique du 1er juin
1972255, on constate d'emblée que le juge de
référé semble disposer d'un véritable pouvoir
d'injonction en la matière, en témoigne l'expression «
peuvent ordonner ».
Néanmoins, le juge administratif statuant en tant que
juge de référé évite d'adresser des injonctions
à l'administration en lui ordonnant d'arrêter les travaux de
construction d'un ouvrage public. Cette position a été maintes
fois réaffirmée par le juge administratif256.
Jusqu'aujourd'hui, le juge administratif tunisien n'a pas
abandonné sa position ferme qui consiste au refus de surseoir à
l'exécution des décisions de rejet, s'abritant derrière le
principe de l'intangibilité des ouvrages publics. Ainsi, dans l'affaire
Sghaier, il a refusé d'ordonner le sursis à
exécution d'un travail public en décidant à cet effet que
« les compétences du juge administratif en matière de
référé ne s'étend pas à
255 L'article 81 (nouveau) de la loi organique n° 72-40
du 1er juin 1972 telle que modifiée par la loi organique
n° 96-39 du 3 juin 1996 dispose que « dans touts les cas
d'urgence, les présidents de chambre de première instance ou
d'appel peuvent respectivement ordonner, en référé toutes
mesures provisoires utiles sans préjuger du fond et à condition
de ne pas entraver l'exécution d'une décision administrative
».
L'article 82 (nouveau) de la loi organique n° 72-40 du
1er juin 1972 telle que modifiée par la loi organique n°
96-39 du 3 juin 1996 dispose qu' « En cas d'urgence, les
présidents de chambre de première instance ou d'appel devant
lesquelles une affaire est déjà enrôlée peuvent
respectivement ordonner d'urgence de contraindre le débiteur de verser
à son créancier une provision. (...). Dans les cas d'urgence,
(...) peuvent ordonner respectivement de procéder à un constat
urgent de tout fait menacé de disparition et pouvant faire l'objet d'un
litige administratif ».
256 TA., aff. n° 711336 du 1 avril 2010, Mohamed Najib El
Bey, Jamil El Bey et Abdelraouf El Bey c/ l'office national d'assainissement,
inédit ; TA., aff. n° 711375 du 10 juillet 2010, Samir Sghaier c/
Ministère d'équipements, d'habitat et d'aménagement
territorial, inédit ; TA., aff. n° 7211, rendu le 10 février
1998, clinique Taoufik c/ ministère de l'intérieur, Rec., p.
46.
57
Deuxième partie : L'adaptation du principe
arrêter les travaux publics, en particulier quand il
s'agit de la création des ouvrages publics
»257.
En France, le juge peut désormais s'appuyer sur la loi
relative au référé devant les juridictions
administratives, promulguée le 30 juin 2000 pour suspendre les travaux
d'une construction irrégulière empiétant sur une
propriété privée sur le fondement de leur
illégalité258. Le justiciable a alors
intérêt à se fonder sur l'article L. 521-2 du code de
justice administrative259, afin de demander au juge la suspension
des travaux. Une telle procédure, dite
référé-injonction, constitue une innovation importante
puisqu'elle permet au juge des référés d'adresser des
injonctions à l'administration lorsqu'une liberté fondamentale
est menacée par une décision ou des agissements de la personne
publique260.
|