B. La possibilité de régulariser la
violation de la règle de droit
Bien connue des pouvoirs publics, la théorie de
l'expropriation indirecte199 permet à ceux-ci d'occuper un
terrain privé et d'y engager des travaux. Dans l'impossibilité de
faire prévaloir son droit, le propriétaire n'a plus qu'à
s'incliner, l'administration pouvant ainsi acquérir ledit terrain sans
qu'aucune décision prononçant le transfert de
propriété ne soit intervenue200. La théorie de
l'expropriation indirecte porte atteinte à la prééminence
du droit.
L'illégalité d'une situation ou d'un acte peut
être corrigée à travers la théorie de
régularisation201. « Marquée du sceau de
réalisme »202, cette théorie
présente sans nul doute l'intérêt de permettre au juge de
couvrir
198 M. LAKHDHAR, « La protection de la
propriété privée immobilière par le Tribunal
Administratif », RTD, 1983, p. 286.
199 On admettant la théorie de l'expropriation
indirecte, « le juge concevait qu'une procédure
particulièrement souple, ignorant les garanties offertes par la
procédure régulière de l'expropriation, puisse
après coup régulariser n'importe quelle possession
irrégulière pouvant même constituer une voie de fait. Le
droit semblant davantage servir le fait accompli que les intérêts
du propriétaire ». C. BOITEAU, Note sous cour
de cassation, assemblée plénière, 6 janvier 1994, Consorts
Baudon de Money c/ Electricité de France, « Les avatars de
l'expropriation dite « indirecte », RFDA, n° 10,
novembre-décembre 1994, p. 1123.
200 R. HOSTIOU, « La Cour
Européenne des Droits de l'Homme condamne la théorie de
l'expropriation indirecte », AJDA, 6 février 2006, p. 225.
201 La régularisation peut se définir en la
correction postérieure d'une illégalité
préexistante. J. CHARRET et S. DELIANCOURT, Note sous
OE., 29 janvier 2003, Syndicat interdépartemental de
l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et commune de Clans
c/ Mme Gasiglia, « Une victoire à la pyrrhus du droit de
propriété sur le principe d'intangibilité de l'ouvrage
public », LPA, n° 113, 6 juin 2003, p. 23 ; P.
SABLIÈRE, Note sous TC, 6 mai 2002, M. et Mme Binet c/
Electricité de France, AJDA n° 19, 18 novembre 2002, p. 1231.
202 L. DI QUAL, « Une manifestation de
la désagrégation du droit de propriété : La
règle ouvrage public mal planté ne se détruit pas »,
JCP, 1964, I, fasc. n° 1852, p. 16.
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Première partie : L'ambivalence du principe
des irrégularités et de régulariser des
situations souvent complexes203. Elle lui évite d'ordonner
des démolitions qui peuvent apparaître comme inutilement
coûteuses et socialement injustifiables204.
Une telle théorie permet, lorsqu'elle est
possible205, de conformer l'action de l'administration au principe
de légalité. Elle permet d'éviter la qualification de voie
de fait. L'administration, dans un souci de simplification et de
rapidité, peut alors s'affranchir de longues et complexes
procédures d'expropriation, pourtant élaborées dans un
souci de protection des administrés, notamment pour garantir un de leurs
droits les plus fondamentaux, celui du respect de la légalité.
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