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La question prioritaire de constitutionnalité et le droit des étrangers

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par François KONGA
Université Paris VIII - Master 2 droit comparé systèmes de droit contemporains et diversité culturelle 2012
  

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B. Étranger, comme détenteur d'un patrimoine des droits et libertés fondamentaux.

Dans la perspective de la reconnaissance des droits aux étrangers, la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993( censurant la loi Pasqua ) énonce les principes essentiels d'un statut constitutionnel des étrangers: «le législateur doit respecter les libertés et les droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République»20.On peut déduire qu'en reconnaissant aux étrangers des droits et libertés élevés au rang constitutionnel, ce mouvement de constitutionnalisation a

20.DC n°93-1027 du 24 août 1993 JO n°200 du 29août 1993.

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transformé leur nature pour les rendre moins étrangers et plus français.

La reconnaissance des droits fondamentaux aux étrangers permet d'observer la relation entre l'État et cette catégorie. Elle se situe à la rencontre de deux logiques qui imprègnent le statut des étrangers :l a logique de la souveraineté et celle des droits fondamentaux. Ces droits relèvent de la sphère individuelle en opposition au pouvoir des autorités publiques. Il peut s'agir des droits-libertés (§1)ou des droits-créances(§2) que nous analyserons plus précisément encore dans la deuxième partie de notre travail relative à la question de la protection sociale des étrangers.

Il convient de signaler que certains droits fondamentaux que le législateur est tenu de respecter lorsqu'il institue une procédure d'éloignement des étrangers irréguliers peuvent conduire l'autorité à annuler la mesure administrative. Ils constituent de véritables obstacles à l'éloignement de ces derniers. Comme l'a affirmé Olivier LECUCQ: il n'est plus question de limiter le pouvoir de procéder à leur éloignement mais l'interdire. Ces droits fondamentaux dont il s'agit concernent une catégorie limitée des étrangers: les étrangers en situation irrégulière, les combattants de la liberté, les membres de famille et les individus en situation précaire en raison de leur état de santé. Il faudra donc conjuguer cette catégorie avec non seulement le droit de mener une vie familiale normale mais aussi le droit d'asile et les droits de la défense.

§ 1. LES DROITS-LIBERTES.

Contrairement aux droits-créances ou «droits à» qui nécessitent l'intervention de l'État sous forme d'action ou de prestations sociales, les droits-libertés ou «droits de» impliquent son abstention.

1.Le droit d'asile.

Le droit d'asile a été proclamé par l'alinéa 4 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946.Ce préambule fait parti de bloc de constitutionnalité. A partir de là, sa valeur constitutionnelle ne fait aucun doute et la qualité d'étranger irrégulier ne constitue pas non plus un obstacle au bénéfice de ce droit.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 12-13 août 1993 a affirmé que les étrangers pouvaient se prévaloir du droit reconnu par l'alinéa 4 qui est propre à certains d'entre eux aussi, dès lors que l'irrégulier est un combattant de la liberté, il a droit à l'asile en France. C'est ainsi que l'étranger est devenu un protégé constitutionnel.

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Il s'agit ici d'un asile Constitutionnel par opposition à l'asile conventionnel réservé aux étrangers appelés demandeurs d'asile sollicitant le statut de réfugié sur le fondement de la convention de Genève de 1951.

La révision constitutionnelle du 25 novembre 1993 a restreint l'exercice de l'asile constitutionnel. Elle rappelle que la convention de Dublin permet de refuser d'examiner la demande d'un étranger fondée sur la Convention de Genève. Elle permet de le renvoyer vers le pays qui a laissé entrer volontairement ou non celui-ci dans son territoire. Ce pays devient responsable du traitement de sa demande d'asile.

Dans sa décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997: la constitution et les fichiers, le Conseil constitutionnel a confirmé que le droit d'asile prévu au 4ealinéa du préambule de la constitution de 1946 était une «exigence constitutionnelle» 21 dont les étrangers ne doivent pas être légalement privés. Or une disposition relative à la consultation des fichiers des empreintes digitales des demandeurs d'asile devint permettre aux policiers d'accéder à ces fichiers. Le Conseil a estimé que le caractère confidentiel de ces fichiers gardés par l'OFPRA est une garantie essentielle du droit d'asile. Un principe de valeur constitutionnelle qui suppose que les étrangers bénéficient d'une protection particulière empêchant aux policiers de consulter ces fichiers.

Comme l'a affirmé AUBIN (E), «le droit des étrangers est un droit inconstant prisonnier de ses obsessions sécuritaires»22.Un étranger pourrait se voir refuser le renouvellement de plein droit de sa carte de séjour pour menace à l'ordre public ou être exclut du bénéfice de la protection subsidiaire s'il a commis des crimes graves de droit commun ou lorsqu'il se livre aux activités menaçant l'ordre public.

Dans sa décision QPC n° 2010-79 du 17 Décembre 2010, Kamel D.(transposition d'une directive), dans cette affaire, la CNDA refusant d'accorder la protection subsidiaire en application de la clause d'exclusion. Le requérant soutenait que les dispositions de l'article L.712-2 du CESEDA méconnaissait le principe de la dignité humaine et l'article 66-1 de la constitution aux termes duquel: «nul ne peut être condamné à la peine de mort».

Le Conseil constitutionnel réaffirme sa jurisprudence IVG de 1975 selon laquelle il ne lui appartient pas de contrôler la constitutionnalité de la loi aux stipulations d'un traité ou accords internationaux. Le Conseil a décliné l'examen de la question au motif que les dispositions contestées se bornent à tirer les conséquences nécessaires des dispositions

21Décision n 97-389 DC du 22 avril 1997.

22.E.AUBIN, Droit des étrangers, 2è éd. Gualino Lextens nov.2011, p.124.

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inconditionnelles et précises de la directive du 29 avril 2004 qui ne mettent en cause aucune règle, ni aucun principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France. Le Conseil va prononcer un non-lieu à statuer sur la QPC.

En tant que principe de valeur constitutionnelle, le respect de droit d'asile implique que l'étranger qui se réclame de ce droit soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce que sa demande ait été statuée23.

Il bénéficie de ce fait du principe coutumier de non refoulement sous réserve de la conciliation de cette exigence avec la sauvegarde de l'ordre public. Le Conseil juge «s'agissant d'un droit fondamental dont la reconnaissance détermine l'exercice par les personnes des droits et libertés reconnus de façon générale aux étrangers résidant dans le territoire par la constitution, la loi ne peut en réglementer les conditions qu'en vu de le rendre plus effectif ou de le concilier avec d'autres règles ou principe de valeur constitutionnelle»24.

La décision 2011-120 QPC M. Ismaël A25.(recours devant la Cour nationale du droit d'asile) illustre parfaitement l'interprétation restrictive de changement de circonstance par le Conseil constitutionnel. Dans cette décision, le Conseil écarte une QPC transmise par la Cour de cassation relative à l'absence de caractère suspensif du recours devant la CNDA pour les demandeurs placés en procédure prioritaire. Dans sa décision du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel avait admis que le législateur pouvait ne pas reconnaître au requérant le droit au maintien sur le territoire français pendant l'examen de son recours, dès lors que cet examen était garanti. Mais la CNDA avait, en avril 2009, opéré un revirement de jurisprudence en admettant l'interruption de l'instruction du recours en cas de renvoi du demandeur. Le changement de circonstance n'étant pas constitué a répondu le Conseil constitutionnel, dès lors que la jurisprudence dégagée par la CNDA n'a pas été soumise au Conseil d'État à qui, il revient de s'assurer qu'elle garantit ou non le droit au recours.

L'admission au séjour accordée à l'étranger demandeur d'asile doit lui permettre d'exercer les droits de la défense qui constitue pour toute personne quelque soit sa nationalité: Française, étrangère ou apatride un droit fondamental.

Notons que la notion d'appartenance au groupe social comme motif de persécution est au

23.A.TOPPINO, Les droits des étrangers,2e éd. ESF éditeur, 2009, p.35. 24Ibid relatif à la décision du Conseil constitutionnel du 12-13août 1993. 25.Décision n° 2011 -120 QPC 8 avril 2011 .

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coeur des progrès réalisés en faveur des étrangers. En ce sens que cette notion a permis la protection des étrangers en raison de leur refus de se soumettre à une certaine norme sociale(cas des homosexuels).Aussi, la qualité de réfugié peut être reconnue aux femmes persécutées en raison de leur refus de se soumettre à des violences spécifiques (cas des mutilations génitales ou mariage forcé)26.Ce droit est mixte appartenant à la fois à la catégorie des droits-libertés et des droits-créances.

2.Les droits de la défense.

Érigés en principe fondamental reconnu par les lois de la république par le juge constitutionnel dans sa décision du 2 décembre 1976, les droits de la défense sont déterminants à la garantie d'une bonne administration de la justice. Personne ne doit être condamnée sans avoir été interpellée et mis en demeure de se défendre avait affirmé la Cour de cassation dès 1828.

En droit administratif, depuis l'arrêt du Conseil d'État Aramu de 1945, les droits de la défense ont été consacrés en tant que principe général de droit liant l'administration sous le regard du juge administratif. On peut penser que le juge constitutionnel fait référence à ce principe général de droit lorsqu'il affirme que le principe constitutionnel du droit de la défense s'impose à l'autorité administrative sans qu'il soit besoin pour le législateur d'en rappeler l'existence.

Ce principe de droit à la défense est inspiré de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales relatif aux droits à un procès équitable. Les étrangers irréguliers qui constituent la catégorie destinataire de ces droits ne cessent de l'invoquer. Le juge constitutionnel, dans certaines décisions antérieures reste vigilant à l'égard du respect des droits de la défense et cela indépendamment de la nationalité de la personne concernée.

Ce droit permet aux étrangers et personnes concernées par des mesures administratives (de rétention administrative, reconduite à la frontière, garde à vue) de demander un interprète, un avocat dès le début du maintien. Tout cela participe selon le juge constitutionnel de la lutte contre l'arbitraire d'un internement parce qu'il permet à l'étranger maintenu de présenter ses moyens de défense.

26.V.FRAISSINIER-AMIOT,« les homosexuels étrangers et droit d'asile en France » n°2 du 9 septembre 2011, RFDA , p 291.

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C'est au regard des droits de la défense que le régime de la garde à vue a été censuré par le Conseil constitutionnel. Dans sa décision 2010-14/22 QPC, Le requérant soutenait que le régime portait atteinte à l'article 6 § 1 de la CEDH et au principe constitutionnel de la dignité humaine. La CJUE a sanctionné plusieurs fois la France dans ses arrêts Medvedieuv C/ France du 29 mars 2010 et BRUSCO C/France du 14 octobre 2010 pour absence d'avocat. Ainsi, le Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 juillet 1989 a précisé:« le principe du respect des droits de la défense constitue un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la république réaffirmés par le préambule de la constitution de 1946 auquel se réfère le préambule de la constitution de 1958» et «implique notamment en matière pénale l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties»27.

Le respect des droits de la défense s'impose dans la phase contentieuse. Elle suppose que la personne soit régulièrement et complètement informée des faits qui lui sont reprochés dans une langue qu'elle comprend. Elle doit avoir la possibilité d'accéder au dossier, d'être entendue verbalement ou par écrit avant toute mesure la concernant. Elle doit disposer du temps suffisant pour préparer sa défense, d'avoir la liberté de choisir et de consulter un avocat, de connaître les motifs de la décision prise et de disposer des voies de recours juridictionnelles assorties du droit de demander et d'obtenir le cas échéant un sursis à exécution de la décision en cause. Son statut d'étranger ne doit pas le discriminer des autres justiciables, ni constituer un handicap à la protection des droits et libertés constitutionnels.

Pour les étrangers en situation irrégulière frappés d'une mesure de reconduite à la frontière ou de mesure de rétention. On peut imaginer la difficulté de la mise en oeuvre effective d'une voie de recours ou même des droits de la défense à l'appui d'une QPC. Cette difficulté tient aux délais contentieux dont on pourra regretter que le juge constitutionnel ne se soit appuyé sur des considérations plus concrètes. Le juge considère que la procédure de reconduite à la frontière s'inscrit dans le cadre de la sauvegarde de l'ordre public à laquelle répond la lutte contre l'immigration illégale.

Dans une décision récente 2011-153 QPC du 23 juillet 2011,M.Samir A.(appel des ordonnances du juge d'instruction et du juge des libertés et de la détention), le requérant contestait dans cette affaire, l'article 186 du CPP parce qu'il n'incluait pas l'article 146 du CPP dans la liste des articles prévoyant des ordonnances du juge d'instruction et juge des libertés et de la détention dont le mis en examen peut faire appel. Il invoque une violation

27.Décision n°89-261 DC du 28juillet 1989.

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des articles 6 et 16 de la DDHC de 1789.Le Conseil a estimé que le droit de la défense n'est pas méconnu.

Les droits de la défense reconnus aux étrangers supposent qu'ils puissent agir en justice. Le recours juridictionnel pour l'étranger doit constituer un moyen de réalisation concrète des droits fondamentaux. Les étrangers auront l'assurance de faire valoir les autres droits dans les bonnes conditions. Toute fois, l'existence de ces droits implique que l'État exerce son devoir de protection juridictionnelle envers les étrangers. Ce qui fait de ce droit un droit mixte. Pour l'étranger rentré irrégulièrement sur le territoire, l'aide juridictionnelle permettant l'accès des citoyens à la justice lui est refusé alors même qu'il est justiciable.

Dans sa décision du 12-13 août 1993, le juge constitutionnel énonce «que parmi les droits reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République, figurent la liberté individuelle et la sûreté, notamment la liberté d'aller et venir, la liberté du mariage, le droit de mener une vie familiale normale»28.Par cette décision, le Conseil a élargi la notion de liberté individuelle en ce sens que les étrangers vont bénéficier ce droit parce qu'ils habitent sur le territoire de la république.

3. La liberté de mariage.

Concernant cette liberté, la question qui se pose est de savoir si la condition de régularité du séjour est opposable à l'étranger désirant se marier avec un autre étranger ou avec un national. Autrement dit, un étranger en situation irrégulière peut-il se marier sans éprouver des difficultés liées à son statut29.Certes, le Conseil constitutionnel a affirmé que le droit au mariage constituait l'une des libertés fondamentales de l'homme mais il n'en demeure pas moins que le dispositif actuel accorde une grande marge de manoeuvre à l'administration quant aux règles de célébration du mariage que de ses effets30.

Le Conseil constitutionnel lors de l'examen de la loi de 1993 relative à la maîtrise de l'immigration, loi par laquelle le gouvernement organisait les pouvoirs des maires et du parquet en matière de mariage présumé frauduleux a reconnu la valeur constitutionnelle à la liberté de mariage. Pour la première fois, il en a fait une portée générale sans distinction des bénéficiaires. Il faut reconnaître que les irréguliers ne sont pas empêchés de se marier cependant, la jouissance de ce droit reste difficile du fait de leur situation administrative qui constitue par elle-même un obstacle.

28L.FAVOREU/L.PHILIP, les grandes décisions du Conseil constitutionnel, 13è éd. Dalloz 2005, p 742. 29C.DAADOUCH,le droit des étrangers, éd. MB FORMATION, 2004, Paris, p 75. 30.X.VANDENDRIESSCHE, le droit des étrangers, 5e éd. Dalloz, 2012, p.139.

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La loi Pasqua de 1993 exprimait la volonté du gouvernement de l'époque de restreindre les conditions de délivrance des titres de séjour de plein droit résultant d'une union matrimoniale. Le but était de lutter contre les détournements des procédures et de s'opposer à l'acquisition du titre de séjour pour de motif d'ordre public. Se trouvant visé dans cette optique, le détournement de la procédure de l'union matrimoniale qui permettait à la suite d'un mariage de complaisance au conjoint étranger d'obtenir un titre de séjour ou carte de résidant de plein droit31 .

Pour ce faire, le législateur va poser une double condition pour la délivrance de titre de séjour: une année de mariage et d'une communauté de vie effective.

Lorsqu'il existe des indices sérieux laissant penser que le mariage est envisagé dans un autre but que l'union matrimoniale, la loi autorise l'officier de l'état civil de saisir le procureur de la république qui pourra s'opposer à sa célébration ou pourra la surseoir pendant une période de trois mois32.Notons qu'une circulaire du 2 mai 2005 considère que le mariage est simulé du moment où il ne repose pas sur une volonté libre et éclairée de vouloir se prendre pour mari et femme et qu'il ait été conclu exclusivement à des fins migratoires. Cette circulaire considère que la situation irrégulière du candidat au mariage constitue un indice faisant suspecter un défaut de sincérité de l'intention matrimoniale.

Ainsi, dans sa décision 2012-264 QPC M. Saïd K. (condition de contestation par le procureur de la République de l'acquisition de la nationalité par le mariage), le requérant soutenait que l'article 21-2 du code civil résultant de la loi du 16 mars 1998 qui pose le principe de la présomption de fraude en cas de rupture de la vie commune dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration dont les deux années suivant le mariage portait atteinte au droit à la vie privée (article 2 de la DDHC de 1789). Le juge répond que la présomption de la fraude est destinée à faire obstacle à l'acquisition de la nationalité par des moyens frauduleux et que la conciliation n'est pas déséquilibrée entre les exigences de l'ordre public et le droit au respect de la vie privée. Le mariage n'exerce aucun effet sur la nationalité c'est-à-dire qu'il existe des présomptions de détournement des fins de l'union matrimoniale par l'acquisition de la nationalité justifiée par les exigences de la sauvegarde de l'ordre public. On pourrait constater que désormais, tout mariage entre étranger et un ressortissant français ou mariage avec une personne en situation irrégulière est suspect aux yeux de l'administration, ce qui traduit une certaine incompatibilité avec la volonté d'intégration que le mariage tend à manifester.

31.Décision n°2006-542 DC du 9 novembre 2006 : loi relative au contrôle de la validité des mariages. 32V.TCHEN, Droit des étrangers, Ellipses, 2è éd. 2011, p.84.

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Dans sa décision n°2011-186 QPC du 21octobre 2011 Mlle Fazia C.et autres (Effets sur la nationalité de la réforme de la filiation), le Conseil a opté pour une solution qui a pour effet de refuser de faciliter l'attribution de la nationalité française, cette fois à la naissance, aux enfants nés hors mariage avant l'entrée en vigueur de la réforme. Le dispositif de la réforme aboutissait à créer une différence de traitement entre les enfants du même âge selon qu'ils étaient nés dans le mariage ou hors mariage, d'une part, entre les enfants nés hors mariage selon leur date de naissance, d'autre part, et elle empêchait les enfants nés hors mariage et ayant atteint l'âge de la majorité avant le 2 juillet 2006 de se voir reconnaître la nationalité française du seul fait de la désignation de leur mère, de nationalité française, dans leur acte de naissance puisque cette désignation ne suffisait pas avant la réforme à établir juridiquement le lien de filiation. Le Conseil estime que la différence de traitement ainsi créée présente un caractère résiduel et qu'elle est en lien direct avec l'objectif d'intérêt général de stabilité des situations juridiques.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°2012-259 QPC M.Mouloud A. (Statut civil de droit local des musulmans d'Algérie et citoyenneté française) a confirmé l'interprétation donnée par la Cour de cassation de la disposition de l'ordonnance du 7 mars 1944 qui avait conféré des droits politiques à certains musulmans d'Algérie. Dans cette affaire, le requérant contestait la conformité de l'article 3 de l'ordonnance précitée qui limitait les effets de la citoyenneté française accordée aux musulmans d'Algérie aux seuls droits politiques les privant de revendiquer la nationalité française en 1962 alors que les musulmans ayant obtenu la citoyenneté française en vertu du senatus-consulte de 1865 ou de la loi de 1919 ont pu conserver la nationalité française. Par ce biais, l'article 3 a crée une discrimination injustifiée au sein des musulmans d'Algérie ayant obtenu la citoyenneté française avant l'indépendance. Et que le législateur ne pouvait séparer l'octroi des droits politiques et civils sans porter atteinte au principe d'égalité devant la loi. Le requérant ne demande pas la censure de la disposition contestée mais une déclaration de conformité sous réserve permettant de reconnaître l'octroi dans le même temps des droits politiques et du statut civil de droit commun. Pour le Conseil, le fait d'avoir conservé leur statut personnel avait privé les intéressés de l'accès à la nationalité française au moment de l'indépendance. En déclarant ainsi, le Conseil constitutionnel évite d'ouvrir à des Algériens une voie d'accès à la nationalité française.

4. La liberté d'aller et venir.

Le statut de l'étranger quant à la jouissance de la liberté de circulation est spécifique. L'inexistence d'un droit à l'entrée et au séjour est un élément de distinction entre nationaux

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et étrangers. Il explique le caractère précaire de la situation de l'étranger de même la garantie d'un droit à l'immigration ne lui est pas reconnu.

Cette liberté est consacrée à l'article 2 du protocole n°4 de 1963 additionnel à la CEDH qui reconnaît à quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d'un État le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence, de quitter n'importe quel pays. Cette liberté ne bénéficie aux étrangers que sous un seul de ses aspects: la liberté de quitter le territoire de résidence qui ne peut pas être subordonnée à un préalable. Un étranger peut librement quitter le territoire pour éviter l'exécution d'un arrêté de reconduite à la frontière. Cette liberté est encadrée en France indifféremment des étrangers. Elle se traduit par de contrôle d'identité dont le principe est posé à l'article 78-1 du CPP qui astreint toute personne se trouvant sur le territoire national à accepter de se prêter à un contrôle d'identité.

Seuls les étrangers communautaires peuvent sous certaines conditions revendiquer un droit au séjour. L'étranger n'a pas l'assurance de rester en France. Parmi les étrangers, les irréguliers violent la réglementation de l'État sur son droit à admettre sur son sol les étrangers qu'il désire et de ce fait, se placent dans les conditions d'illégalité justifiant de mesure d'éloignement.

La reconduite à la frontière, la rétention administrative, l'autorisation de quitter le territoire national sont des procédés privatifs de liberté visant principalement les étrangers en situation irrégulière et participent à la lutte contre l'immigration illégale ou irrégulière. Toutefois, le principe de la détention administrative est admise en droit Français, elle est encadrée des garanties suffisantes pour écarter tout risque d'arbitraire.

La protection de l'étranger relative à la rétention administrative comprend trois éléments qui lient le législateur: la nécessité de la rétention de l'étranger, le rôle du juge judiciaire quant à sa prolongation et qu'elle ne doit être décidée que dans des délais stricts.

Les exigences d'ordre public en matière des droits des étrangers renforcent tout l'arsenal de lutte contre l'immigration illégale, ce qui fait que l'irrégularité du séjour d'un étranger sur le territoire français devient pénalement réprimée33.

Ainsi donc, dans sa décision 2011-217 QPC du 03 février 201234 M.Mohamed Alki B (délit d'entrée ou de séjour irrégulier en France), le requérant et les parties intervenantes

33.Décision n°2003-484 DC du 20 novembre 2003 : loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

34.Décision 2011-217 QPC du 3 février 2012, M.MOHAMED Alki B.

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soutenaient que les dispositions de l'article L .621-1 du CESEDA méconnaissent l'article 8 de la déclaration de droits de l'homme et du citoyen de 1789 dans la mesure où elles prévoient une peine d'emprisonnement d'un an et d'une amende de 3750 euros pour un étranger non communautaire au seul motif qu'il demeure sur le territoire sans raison justifiée. Alors même que l'article 8 dispose que la loi ne peut établir que des peines strictement et évidemment nécessaires.

Le Conseil constitutionnel déclare que la peine d'emprisonnement d'un an n'est pas disproportionnée, l'article précité ne méconnaît pas l'article 8 de la déclaration de droits de l'homme et du citoyen de 1789.Il s'agit pour le Conseil de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre la peine et l'infraction et au législateur le pouvoir d'appréciation de la nécessité de la peine. Ici, le Conseil a refusé de prendre en considération le droit de l'union pour apprécier le caractère éventuellement disproportionné de la peine d'emprisonnement infligée à l'étranger séjournant irrégulièrement en France. Cependant, la jurisprudence de la CJUE en interdisait le prononcé mais le Conseil a répliqué que le grief tiré du défaut de compatibilité d'une disposition législative avec les engagements internationaux et européens de la France ne saurait être regardé comme un grief d'inconstitutionnalité.

De même, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°2010-13 QPC du 09 juillet 2010 M.Orient O.et autres( Gens du voyage) a refusé de considérer comme contraire au principe d'égalité des dispositions applicables aux gens du voyage notamment le régime de stationnement sur les aires d'accueil au motif qu'elles seraient fondées sur une différence de situation entre les personnes dont l'habitat est constitué des résidences mobiles et qui ont choisi un mode de vie itinérant et celles qui vivent de manière sédentaire. Ainsi, sur base des critères objectifs et rationnels exclusifs de toute discrimination fondée sur une origine ethnique. S'agissant, des restrictions à la liberté d'aller et venir résultant de l'évacuation forcée des résidences mobiles, il les a jugées proportionnées aux nécessités de l'ordre public. Position du Conseil contraire aux avis de la HALDE et du comité européen des droits sociaux sur le caractère discriminatoire du statut des gens du voyage. Signalons que sont visés derrière tout ceci, sont les Roms.

5.Le droit de mener une vie familiale normale .

La protection constitutionnelle de ce droit pour les étrangers est restée terne. Depuis longtemps, le Conseil d'État a tiré de l'alinéa 10 du préambule de constitution 1946 un principe général de droit visant à protéger le droit de mener une vie familiale normale.

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Le Conseil constitutionnel l'a reconnu parmi les droits fondamentaux de tous ceux qui habitent sur le territoire national dans sa décision relative à la maîtrise de l'immigration. Cette reconnaissance a ouvert la perspective d'un droit d'entrée et de séjour dans le cadre de regroupement familial pour les étrangers disposant d'une carte de résident. Elle bénéficie aux étrangers réguliers. Le juge constitutionnel a précisé: les étrangers dont la résidence est stable et régulière ont comme des nationaux le droit de mener une vie familiale normale. Et qu'ils ont droit sous réserve de faire venir auprès d'eux leur conjoint et leurs enfants mineurs. Le Conseil par cette décision fait du regroupement familial un droit spécifique reconnu aux étrangers.

La question qui se pose est de savoir si les étrangers irréguliers peuvent bénéficier ce droit. Le juge constitutionnel affirme que le droit de mener une vie familiale normale figure parmi les droits fondamentaux reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire. Cette affirmation inclut les irréguliers parmi les étrangers et donc protégés comme les autres dans la mesure où la disposition n'a pas catégorisé les étrangers.

Le Conseil constitutionnel précise que les étrangers en situation stable et régulière bénéficient comme les nationaux de ce droit. Ce qui exclut les irréguliers du champ d'application de cette disposition. La Convention européenne des droits de l'homme proclame dans son article 8:le droit au respect à la vie privée et familiale. Cela implique la protection de l'individu contre toutes les ingérences injustifiées dans sa vie privée et familiale. Le droit de mener une vie familiale normale bénéficie à tous les étrangers en tant que composante de la liberté individuelle mais en revanche, l'accès à la jouissance de ce droit est difficile pour les étrangers en situation irrégulière.

Dans sa décision du 12-13 août 1993 35l'article 7 de la loi incriminée soumettait la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire aux étrangers mineurs ou qui, dans l'année qui suit leur huitième anniversaire à la réunion de deux conditions: d'une part, la présence de l'étranger ne doit pas représenter une menace à l'ordre public et d'autre part, l'étranger doit justifier d'une résidence habituelle en France depuis l'âge de six ans.

Dans ce cadre, l'étranger irrégulier pourrait bénéficier de ce droit s'il justifie d'une attache familiale susceptible d'éviter l'expulsion ou l'éloignement sous réserve des exigences liées à l'ordre public. Le juge constitutionnel invite le législateur à apprécier les conditions dans lesquelles les droits de la famille peuvent être conciliés avec les impératifs d'intérêt public. Ce qui permettra d'attribuer un titre de séjour temporaire à certaines catégories

35.DC n°93- 1027 du 24 août 1993 JO n°200 du 29 août 1993.

30

d'étrangers en situation irrégulière sous réserve de menace à l'ordre public. L'étranger ne doit pas vivre en polygamie, devra être mère ou père d'un enfant français de moins de seize ans résidant en France à la condition qu'il subvienne effectivement à ses besoins.

Dans sa décision n°2013 - 312 QPC du 22 Mai 2013, M.JORY ORLANDO T. (condition d'attribution d'une carte de séjour mention «vie privée et familiale» au conjoint étranger d'un ressortissant français), le requérant de nationalité bolivienne ayant conclu un PACS avec un ressortissant français sollicite la délivrance d'un titre de séjour en qualité de compagnon d'un ressortissant français au même titre que le compagnon marié. Il soutenait qu'en accordant pas à un étranger lié avec un ressortissant français par un PACS les mêmes droits à une carte de séjour temporaire que ceux accordés à un étranger marié avec un ressortissant français, le 4e alinéa de l'article 313-11 du CESEDA porte atteinte au droit de mener une vie familiale normale et au principe d'égalité.

Le Conseil a estimé que les dispositions contestées sont conformes à la constitution et qu'elles portent sur le mariage et que le PACS ne peut pas être assimilé au mariage. Compte tenu des objectifs d'intérêt public, le législateur n'a pas méconnu la liberté de mariage, ni porter une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale.

Le droit de mener une vie familiale normale implique une protection minime pour les irréguliers. Il a un caractère prestataire. L'alinéa 10 du préambule de la constitution de 1946 énonce: la nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Il résulte de cette affirmation que l'État doit mettre en place les conditions nécessaires au développement de la famille. Ce qui suppose les moyens matériels et des prestations propres à garantir ce développement. Pour les étrangers réguliers ou nationaux, ce droit a un caractère défensif et son exigence résulte de l'abstention de la part de l'État. Il ne peut se permettre de s'ingérer dans les relations familiales de l'étranger en instituant une procédure d'éloignement que dans une certaine limite. Ce droit ainsi reconnu est réputé mixte en ce sens qu'il a à la fois un caractère prestataire lorsqu'il exige une action de la part de l'État et défensif quant il fixe une limite à l'intervention des autorités publiques. La jouissance des droits fondamentaux n'est pas absolue, elle est conditionnée aux exigences d'ordre public. Il convient d'observer que les droits fondamentaux reconnus aux étrangers se bornent par leur caractère défensif à constituer une limite à l'intervention des autorités publiques. Cette limitation est de surcroît marquée par la prépondérance d'un intérêt public justifiant l'ingérence de l'État.

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