B. Le refus de transmettre la QPC peut
générer un contentieux sur le plan
européen
Aucune décision QPC ne fait obstacle au
requérant à recourir aux juridictions européennes pour
défendre ses droits. A ce jour, aucun refus de transmission de QPC n'a
fait l'objet d'un recours soit devant la CJUE, soit devant la CEDH. Cependant,
les juridictions françaises ont saisi la CJUE à titre
préjudiciel notamment le Conseil constitutionnel sur
l'interprétation des articles 27 et 28 de la décision cadre
relative au mandat d'arrêt européen (Conseil constitutionnel,
décision n° 2013-314 QPC du 4 avril 2013, M. Jérémy
F).Cette décision du Conseil constitue un pas décisif non
seulement dans le dialogue entre les juges nationaux et européens mais
aussi dans la volonté du Conseil de participer à ce dialogue.
Dans sa décision QPC du 16 avril 2010, Melki et Abdeli,
la Cour de cassation avait saisi la CJUE à titre préjudiciel sur
la question de la conformité de l'article 23-2 de la loi organique au
traité sur le fonctionnement de l'union européenne. Bref la
question a porté sur l'euro-compatibilité du caractère
prioritaire de la QPC. La CJUE souligne «qu' afin d'assurer la
primauté et l'efficacité du droit de l'union, le juge national
doit être libre de saisir, à tout moment de la procédure
qu'il juge approprié tant avant qu'à l'issue d'une
procédure incidente de contrôle de constitutionnalité, la
CJUE d'une question préjudicielle» 96 . Rappelons
que la Cour de cassation avait estimé inutile de transmettre au Conseil
constitutionnel cette question au motif que la CJUE saisie d'une question
préjudicielle
95.D.SIMON, «Directive retour «et
sanctions pénales du séjour irrégulier », le
Conseil constitutionnel dans sa décision du 3 février 2012 refuse
de censurer la loi française, Europe 2012/3, repère 3.
96CJUE, 22 juin 2010,Melki et Abdeli,C-188/10 et
C-189/10.
avait répondu que ce contrôle était
contraire aux dispositions du traité sur fonctionnement de l'union
européenne car susceptible de revêtir un effet équivalent
à celui des vérifications aux frontières.
Cette analyse de la CJUE apparaît proche de la
méthode adoptée par le Conseil d'État dans la
jurisprudence «Arcelor»97. Face à
la délicate question de contrôle des lois de transposition, le
Conseil d'État avait estimé qu'en cas d'équivalence de
protection au plan constitutionnel que communautaire, le juge national doit
privilégier le contrôle de conformité de la directive au
droit primaire et en cas de difficulté sérieuse, il pourra saisir
la CJUE d'une question préjudicielle.
Dans sa décision QPC 2010-79 M. KAMEL. D (transposition
de la directive), le Conseil s'est déclaré incompétent en
ce sens que le respect de l'exigence constitutionnelle de transposition des
directives ne relève pas des droits et libertés que la
constitution garantit, et ne saurait, par la suite, être invoqué
dans le cadre d'une QPC. Ce dernier avait saisi la CEDH (Daoudi C/.France,
CEDH, 5e sec t. 3 décembre 2009, n°19576/08).
Le requérant est français d'origine
Algérienne, déchu de sa nationalité française avec
interdiction définitive du territoire français pour association
de malfaiteur en relation avec une entreprise terroriste. Il fit l'objet d'une
procédure d'expulsion vers l'Algérie où il risque
d'être soumis au traitement inhumain, ce qui emporterait une violation de
l'article 3 de la CEDH par la France. La CEDH a demandé à la
France de surseoir à l'expulsion vers l'Algérie le temps
d'examiner sa requête. Il est actuellement assigné en
résidence en Auvergne.
Pour la CEDH, les agissements de la personne sont sans
pertinence sous l'angle de la protection de l'article 3 de la CEDH. Ici, la
Cour refuse d'évaluer le risque de mauvais traitement que le
requérant allègue avec sa dangerosité pour la
collectivité.
Ainsi, chaque fois qu'une difficulté sérieuse se
présente, rien ne pourra empêcher le juge national de saisir la
CJUE d'une question préjudicielle en vue d'une interprétation
d'une disposition communautaire ou dans le cas échéant de la
validité d'un acte. Le juge national dispose donc de la faculté
de poser une question préjudicielle à tout moment qu'il juge
approprier sans être empêché. C'est à cette condition
que la QPC devient euro-compatible.
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97CE, ASS 8 février 2007 n°287110
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