Section 2: La protection constitutionnelle des droits
des étrangers tributaires des conventions internationales et
européennes.
L'effectivité de la protection des droits des
étrangers suppose une harmonisation de jurisprudence et des
interprétations qu'elles comportent. Les droits reconnus aux
étrangers par les conventions internationales permettent de renforcer
cette protection. La mutation de la question de constitutionnalité
opérée par le législateur doit écarter
l'hypothèse de concurrence en dissociant le type de contrôle.
Cette transformation du paysage constitutionnel français doit permettre
un effort sérieux d'assimilation de ses décisions à la
lumière de celles du droit européen ou du droit conventionnel.
Dans l'intérêt du justiciable et la cohérence de la
protection des droits fondamentaux des étrangers, la convergence des
décisions QPC et celles de la CEDH est nécessaire
(A) et le refus de transmission de la QPC pourra donner lieu
à un contentieux sur le plan européen(B).
A. La convergence des décisions QPC et celles de la
CEDH.
Le mécanisme de la QPC doit obéir à une
exigence de variété permettant à une technique juridique
de s'adapter à son objectif. La prise en compte par le Conseil
constitutionnel du droit de la convention et la jurisprudence de la CEDH dans
le cadre de ses décisions demeurait très timide et pour
l'essentiel implicite. La procédure de la QPC a provoqué une
standardisation du procès constitutionnel. Elle devra permettre une
harmonisation des jurisprudences relatives à la protection des droits
fondamentaux et mettre fin au «dialogue sans parole»
92qui a longtemps prévalu entre le Conseil
constitutionnel et la CEDH. En examinant les QPC auxquelles le Conseil a eu
à répondre, on peut être frappé par la similitude
des questions abordées et celles rencontrées dans la
jurisprudence européenne. Espérons que la QPC va accroître
les points de contact et les Zones de friction entre les deux juridictions.
Dans sa décision n°2011-155 QPC du 29 juillet 2011
Mme Laurence L.( Pension de réversion et couples non mariés), le
Conseil constitutionnel a refusé d'étendre aux couples non
mariés le bénéfice d'une pension de réversion. Il a
rejeté le grief d'atteinte au principe d'égalité
invoqué par la requérante à propos de l'article L.39 du
code des pensions civiles et militaires de retraite. L'analyse des juges avait
porté sur la comparaison des obligations réciproques des
époux, partenaires liés par un PACS et concubins. Cette
décision rappelle la jurisprudence administrative93 et celle
de la CJUE.94 Bien que, le Conseil ne mentionne
92O.DUTHEILLET DE LAMOTHE, op.cit.,2008, p. 403.
93.C E, 6 décembre 2006, n°262096 : «
si le législateur a subordonné le droit à pension de
réversion, en
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pas toujours expressément le droit au procès
équitable, il a rendu quelques décisions s' y rapportant
notamment la décision 2010-10 QPC sur la composition des tribunaux
maritimes commerciaux pour atteinte au principe d'indépendance et
d'impartialité du juge, sur la décision 2010-14/22 QPC sur la
garde à vue, le Conseil est venu abroger les dispositions
législatives pour atteinte aux droits de la défense et 2010-
15/23 QPC sur l'article 575 du code de procédure pénale pour
atteinte aux droits de la défense.
En outre, trois décisions ont fait mention expresse du
droit au procès équitable depuis 1er mars 2010 bien qu'aucune ne
prononce sur cette base une annulation des dispositions en cause. Il s'agit de
décision n° 2010-10 QPC, 2010-38 QPC, 2010-119QPC.
Au titre des décisions concordantes, on doit mentionner
la décision Labane du 28 mai 2010 relative à la
décristallisation des pensions des «anciens combattants».Dans
cette affaire, la CEDH a été mobilisée depuis 2001,
l'arrêt DIOP ayant permis de censurer sur le fondement combiné des
articles 14 CEDH et 1er du protocole n°1, une discrimination quant au
montant des pensions versées aux anciens combattants selon leur
nationalité. Le critère de résidence et de pouvoir d'achat
peuvent être pris en compte pour le calcul de pension mais à la
condition qu'il soit appliqué pour tous y compris aux français
vivant à l'étranger. De ce point de vue, la décision
Labane apparaît compatible à la jurisprudence
européenne.
Il convient de constater que certaines décisions du
Conseil divergent de celles de la CJUE. Dans sa décision du 17 juin 2011
relative au RSA, le Conseil a adopté une position contradictoire avec la
charte sociale européenne. Elle prévoit à son article
13§1 que les parties doivent «veiller à ce que
toute personne qui ne dispose pas des ressources suffisantes et qui n'est pas
en mesure de se procurer celles-ci par ses propres moyens ou de les recevoir
d'une autre source, notamment par des prestations résultant d'un
régime de sécurité sociale, puisse obtenir une assistance
appropriée».Les conditions
d'antériorité du séjour pour l'assistance sociale et
médicale sont condamnées et le comité européen des
droits sociaux rappelle souvent la France. La HALDE a estimé que ces
exigences violent le principe de non-discrimination protégé
par
l'absence d'enfants, à une stabilité du mariage
de quatre années, une telle condition destinée à faire
dépendre de la dette de l'État de la stabilité du mariage
en limitant les risques de fraude, est fondée sur un critère
objectif et rationnel en rapport avec les buts de la loi» et ne
méconnaît pas les exigences européennes( notamment, le
principe de non discrimination posée par la convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
94.CJUE, 1er avril 2008, Maruko aff C-276/06 ; CJUE,
10 MAI 2011, aff C-147/08, RÖmer «l'appréciation de la
comparabilité(des modes de conjugalité) doit être
focalisée sur les droits et obligations respectifs des époux et
des personnes engagées dans un partenariat de vie, tels qu'ils sont
régis dans le cadre des institutions correspondantes, qui sont
pertinentes compte tenu de l'objet et des conditions d'octroi de la prestation
en question »
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de nombreux textes internationaux.
Plus récemment, dans sa décision 2011-217 QPC
relative au délit d'entrée ou de séjour irrégulier
en France, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article L.621-1
du CESEDA conforme à la constitution alors que la CJUE réunie en
grande chambre avait déclaré contraire à la directive
retour ce même article dans l'arrêt ACHUGHBABIAN.95
Le mécanisme de la QPC n'interdit pas au justiciable de
saisir les juridictions européennes en vue de faire valoir les droits
qu'il tire de ces conventions et engagements internationaux pour lesquels la
France est partie ou ayant ratifié. Ainsi, le refus de transmettre une
QPC pourra générer un contentieux sur le plan européen
avec risque de condamnation de la France pour non respect de ses obligations
internationales.
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