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La question prioritaire de constitutionnalité et le droit des étrangers

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par François KONGA
Université Paris VIII - Master 2 droit comparé systèmes de droit contemporains et diversité culturelle 2012
  

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CHAPITRE II: l'influence des engagements internationaux et européens dans la protection

des droits des étrangers.

La QPC a transporté le Conseil constitutionnel dans l'espace de l'application de la loi et dans le temps du procès 82 .Dans ce champ, la pression des droits fondamentaux européens issus de la CEDH et du droit de l'union européenne est plus forte que dans l'exercice du contrôle a priori de constitutionnalité de la loi. La QPC est marquée par une ambivalence: d'abord par son caractère prioritaire par rapport au contrôle de conventionalité par lequel le législateur organique rappelle la place de la constitution au

81Ibid, 12-13 août 1993.

82.A.JAUREGUIBERY,«influence des droits fondamentaux européens sur le contrôle a posteriori »,RFDA 2013, p10.

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sommet de l'ordre juridique interne, puis le caractère a posteriori du contrôle qui conduit à l'intensification les interactions entre les droits fondamentaux constitutionnels et européens. L'influence du droit européen et international est déterminant dans la protection des droits des étrangers, la convergence de ces droits s'impose en vu d'une protection efficace des droits des étrangers(section 1) et dont est tributaire la protection constitutionnelle(section2).

Section 1: La convergence entre les droits constitutionnels et les droits d'origine européenne

et internationale.

La contrainte qui pèse sur le Conseil constitutionnel tient à la cohérence des droits fondamentaux. Depuis longtemps, le Conseil était la seule juridiction en Europe à exercer le contrôle a priori de surcroît sur saisine d'autorités politiques. Il était de ce fait un gardien des droits fondamentaux mais non le gardien. L'avènement de la QPC marque une étape importante parce qu'elle a contraint la France à repenser ses liens avec les droits européens qu'il s'agisse du droit de l'union et surtout celui de la CEDH83.

La QPC a renforcé la mission du Conseil de gardien des droits fondamentaux(B) mais lui confère dans le contexte européen la responsabilité de la cohérence des droits fondamentaux dans l'ordre juridique français, ce qui passe par l'intégration des arrêts de la CEDH dans ses décisions(A).

A. L'intégration des arrêts de la CEDH dans les décisions de la QPC.

A l'heure actuelle, aucune décision rendue par le Conseil constitutionnel dans le cadre de la QPC n'a fait référence de manière expresse à la CEDH, pas même à titre confortatif. Depuis l'entrée en vigueur de la QPC, le Conseil constitutionnel est devenu une juridiction constitutionnelle au même titre que les autres Cours constitutionnelles européennes. Elles sont soumises aux règles procédurales de la CEDH. Il en résulte donc une standardisation du procès constitutionnel.

La règle de l'épuisement des voies de recours internes n'a pas encore concerné le procès constitutionnel. En l'état actuel de la jurisprudence européenne, le requérant français n'est pas tenu de poser la QPC avant de saisir la Cour de Strasbourg. S'agissant de la soumission de la QPC aux exigences du procès équitable, il est acquis que l'ensemble des juridictions françaises concernées par la procédure de la QPC sont tenues de

83.A.LEVADE,«le Conseil constitutionnel aux prises avec le droit communautaire», RDP 2004, p.909.

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respecter l'article 6paragraphe1de la CEDH84. Ce qui constitue en soi une conséquence procédurale de la QPC découlant des obligations conventionnelles de la France.

Cet article a pour but de protéger les droits des individus. A ce jour, la QPC s'inscrit dans le cadre de la jurisprudence Ruiz-Mateos85. Les règles de procès équitable s'appliquent sans hésitation devant non seulement le Conseil constitutionnel mais aussi devant le juge se prononçant sur le bien-fondé de la question. L'inclusion du procès constitutionnel dans le champ de l'article 6§1 de la CEDH participe d'avantage de la légitimation de la justice que de sa banalisation. L'alignement du procès constitutionnel français sur les standards procéduraux de la CEDH apparaît une évidence mais l'intégration des arrêts de la CEDH ne sera systématique qu'en cas de condamnation de la France. Depuis l'avènement de la QPC, une nouvelle incidence s'impose à la juridiction constitutionnelle, celle de l'harmonisation de plus en plus forte de la jurisprudence constitutionnelle et conventionnelle en matière des libertés. Elle est marquée sur le plan institutionnel par la création de la QPC et sur le plan matériel par son ouverture progressive sur le droit européen.

Le Conseil constitutionnel se retrouve à l'intersection de deux ordres juridiques: français et européen. D'une part, il se devait d'assurer l'ouverture du droit national sur le droit international afin de permettre l'adaptation du texte constitutionnel aux exigences liées à l'appartenance de la France à un ordre supranational. Et d'autre part, il doit veiller à l'intégrité de la norme fondamentale dont il est le garant. Le Conseil a su se familiariser avec le droit européen soit au titre du contrôle de la conformité constitutionnelle des traités ou du contrôle de la constitutionnalité des lois de transpositions des directives86.

En revanche, l'ouverture du Conseil au droit de la CEDH apparaît embryonnaire. Il demeure à ce jour l'une des rares Cours en Europe à ne jamais se référer expressément à la CEDH dans les motifs de ses décisions. Cela n'exclue pas des similitudes entre les deux jurisprudences tant dans les techniques d'interprétation que de contrôle, que dans l'attachement à des valeurs communes. On peut difficilement contester la paternité européenne du droit à la dignité humaine dégagée dans sa décision du 27 juillet 199487. La place résiduelle laissée à la CEDH semble s'expliquer selon Professeur (D)

84.O. DUTHEILLET de LAMOTHE,«Conseil constitutionnel et la convention européenne pour la sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales: un dialogue sans parole», mélanges en l'honneur du Président Bruno Genevois, Paris, Dalloz, 2008 p. 403.

85.CEDH, arrêt du 23 JUIN 1993, Ruiz Mateos c. Espagne( série A-262°)

86D.SZYMCZAK,« Convention européenne des droits de l'homme et juge constitutionnel national», Bruxelles, Bruyant 2007,p.432.

87.Conseil cons., décision n°94-343 DC du 27juillet 1994:« la loi sur la bioéthique »(Rec.100).

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SZYMCZAK, «par la volonté du Conseil de préserver la «pureté» de ses normes de référence et de se préserver de la concurrence exercée par la Cour de Strasbourg en matière de protection des droits de l'homme»88.

L'intégration des exigences des droits européens dans le cadre spécifique du droit français fait transparaître cette volonté du Conseil. Il est victime de la cohérence réalisée par la réception constitutionnelle du droit fondamental européen considéré comme équivalent et complémentaire.89

L'exemple de la GAV montre que la jurisprudence de la CEDH constitue un cadre dans lequel le droit constitutionnel va évoluer. Dans sa décision GAV I, le Conseil a reconnu au gardé à vue le droit de garder le silence et d'être assisté d'un avocat dès le début des interrogatoires. Or la Cour de Strasbourg avait jugé que ces deux droits découlaient de l'exigence d'un droit au procès équitable. Dans le prolongement de cette décision sur la GAV, le Conseil a considéré que le procureur de la république auquel la personne est déférée à l'issue de sa GAV sans la présence d'un avocat ne saurait être autorisé à consigner les déclarations de celui-ci sur les faits qui font l'objet de poursuite. Le Conseil peut faire montre de divergence par rapport au droit européen relatif aux droits des étrangers.

C'est en référence aux visas de la directive «retour» et des arrêts EL DRIDI et ACHUGHBABIAN de la CJUE que la chambre criminelle de la Cour de cassation a émis un avis d'illégalité de la GAV. On peut souhaiter que l'introduction et le succès de la QPC permettent d'harmoniser la jurisprudence constitutionnelle et celle de la Cour de Strasbourg. Comme le souligne Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE «le Conseil constitutionnel, s'il veut garantir l'unité de l'ordre juridique français et la sécurité juridique qui en découle pour les justiciables, est tenu de s'inspirer étroitement de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg comme celle de la Cour de justice de l'union européenne»90. Depuis la loi n°2011-392 du 14 avril 2011, la GAV n'est encourue que pour un crime ou un délit puni d'emprisonnement. Ainsi, la GAV utilisée pour contrôler la situation migratoire d'une personne interpellée est devenue illégale.

Le Conseil est soucieux d'être perçu avant tout comme protecteur des droits fondamentaux des requérants. Si la CEDH est sensible à l'effectivité du recours, selon

88D.SZYMCZAK, op.cit.,p .432.

89.R.TINIERE,« la question prioritaire de constitutionnalité et le droit européen des droits de l'homme ,entre équivalence et complémentarité», RFDA, 2012,p. 621.

90.O.DUTHEILLET DE LAMOTHE,« Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'homme: un dialogue sans parole ,mélanges en l'honneur du Président Bruno GENEVOIS»,Panis, Dalloz, 2008,p.403.

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Philippe BLACHER «le Conseil constitutionnel est sensible à l'effet utile de la QPC pour le justiciable qui l'a posée»91.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams