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La question prioritaire de constitutionnalité et le droit des étrangers

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par François KONGA
Université Paris VIII - Master 2 droit comparé systèmes de droit contemporains et diversité culturelle 2012
  

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Section 2: Des garanties constitutionnelles des étrangers bien encadrées.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel a progressivement renforcé la protection des droits des étrangers en leur appliquant le principe d'égalité. En se montrant soucieux de garantir l'effectivité des droits constitutionnels, elle a rendu possible l'extension des droits sociaux aux étrangers. Et assurer la garantie des droits fondamentaux reconnus à ces derniers en abrogeant des dispositions législatives déjà promulguées dont la lettre viole des droits et garanties d'ordre constitutionnel. Si ce principe constitutionnel est affirmé comme garantie pour les étrangers (A), il demeure soumis aux exigences de l'intérêt général(B).

A. L'application du principe constitutionnel d'égalité aux étrangers.

Le principe d'égalité constitue une sorte de bouclier autour duquel gravite d'autres principes constitutionnels. Sa consécration pour les étrangers a été tardive. La formule du professeur JESTAZ selon laquelle« en France, l'étranger jouit de tous les droits qui ne lui sont pas spécialement refusés» 71 illustre cette conception. La décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1990 par laquelle le juge déclare: «l'exclusion des étrangers résidant régulièrement en France du bénéfice de l'allocation vieillesse méconnaît le principe constitutionnel d'égalité» 72 demeure fondatrice en matière des droits des étrangers. Elle ouvre accès des étrangers aux prestations d'aide sociale.

Depuis cette décision, l'assistance sociale est devenue «un droit de l'homme» comme l'a écrit Mme Schnapper 73.Elle fait de l'égalité un principe et de l'inégalité une dérogation que le législateur devra justifier sous peine d'une annulation contentieuse. Dans les

71PH. JESTAZ,«Le principe d'égalité des personnes en droit privé»,in« La personne humaine, sujet de droits», 4e journées Savatier, PUF, coll.«Faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers »,1994, p.168. 72Cons .const.n °89-269 DC du 22 janvier 1990.

73D.SCHNAPPER,«L'assistance est un droit de l'homme», pouvoirs locaux, numéro14,1992, p.18.

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domaines des droits des étrangers, le Conseil constitutionnel a rendu plusieurs décisions favorables aux étrangers. Il a pu au nom de ce principe censurer certaines dispositions législatives jugées discriminatoires. La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le principe d'égalité reste constante, le Conseil juge que «le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit»74.Il apparaît que la vérification que le Conseil constitutionnel va opérer suivant deux étapes: il y a d'abord le constat d'une différence de situation ou d'intérêt général puis le contrôle de l'adéquation entre la différence de traitement établie et la finalité poursuivie par le législateur, à savoir l'objet de la loi.

Cette interprétation est conforme aux exigences de l'article 14 de la CEDH qui impose que la jouissance des droits et libertés protégés soit assurée sans distinction aucune. Sur ce fondement, les étrangers peuvent contester la méconnaissance du principe d'égalité et de non discrimination même dans l'hypothèse où le droit en cause ne les mentionne comme destinataires d'un droit. S'agissant de cette jurisprudence, plusieurs dispositions discriminatoires entre nationaux et étrangers ont été abrogées par le Conseil dans le cadre de la QPC.

Dans sa première décision 2010-1 du 28 mai 2010 QPC- consorts L.(cristallisation des pensions), le Conseil a abrogé trois dispositions législatives relatives à la décristallisation applicables aux ressortissants des anciennes colonies devenus des étrangers en raison de l'accession de celles-ci à l'indépendance et que les lois fixant les modalités permettant à corriger les conséquences inégalitaires de la cristallisation des anciens combattants n'étaient pas conformes au principe d'égalité. Le Conseil a estimé que l'objet de la loi examinée est de garantir à toutes les personnes qui ont servi la France« des conditions de vie en rapport avec la dignité des fonctions exercées au service de l'État».75Une différence de traitement selon la nationalité ne pouvait se justifier.

Dans sa décision n° 2010-93 QPC du 04 février 2011 (comité HARKIS et vérité) relative à l'allocation de reconnaissance. En l'espèce, les requérants soutenaient que les dispositions des lois qui imposaient des conditions de résidence et de nationalité pour l'octroi des allocations et rentes portent atteinte au principe constitutionnel d'égalité. Le Conseil juge que le critère de résidence est justifié mais pas celui de nationalité et déclare

74.Décision n°97- 388 DC du 20 mars 1997, loi créant les plans d'épargne retraite, cons.27. 75.Décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, consorts L.(cristallisation des pensions), cons.9.

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contraire à la constitution celles des dispositions déferrées qui imposaient ce critère de nationalité76.

Le Conseil a censuré dans sa décision n°2010-18 QPC du 23 juillet 2010, M. Lahcène A.(carte du combattant), l'exigence de la nationalité et de domiciliation posée par le troisième alinéa de l'article 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour l'octroi de la carte de combattant. La différence de traitement qui en résulte entre nationaux et étrangers était injustifiée au regard de l'objet de la loi qui consiste à la reconnaissance de la Nation77.

Le Conseil a jugé récemment dans sa décision n° 2011-128 QPC du 6 mai 2011 Syndicat SUD AFP(Conseil d'administration de l'agence France-Presse), le requérant soutenait que le fait de réserver aux journalistes et aux agents des autres catégories du personnel de nationalité Française le droit d'élire leurs représentants au Conseil d'administration de la l'agence France-Presse en excluant d'autres nationalités méconnaît le principe d'égalité et la participation à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises garantie par le huitième alinéa du préambule de 1946.Le Conseil a estimé que puisque les élections prévues pour la désignation des représentants du personnel au Conseil d'administration de l'agence France-Presse ont pour objet de mettre en oeuvre le principe de participation, «le législateur ne pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité, instituer une différence de traitement entre les personnels de l'agence selon qu'ils sont ou non de nationalité française» 78.Ici sont déclarés contraire à la constitution, le mot« nationalité française» figurant dans le sixième et septième alinéas de l'article 7 de la loi du 10 janvier 1957 portant statut de l'AFP.

Dans sa décision n°2011- 159 QPC du 15 août 2011 Mme Elke B. et autres.(Droit de prélèvement dans la succession d'un héritier français), la QPC posée est relative à l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 qui vise à protéger les héritiers français des effets discriminatoires à leur égard d'une loi successorale étrangère. Il institue un droit de prélèvement permettant à tout français de réclamer sur les biens situés en France la part que lui octroierait la loi française et dont il a été privé par application de la loi étrangère. Les requérantes soutenaient que cette disposition méconnaissait le principe d'égalité. Le Conseil constitutionnel juge qu'en réservant le droit de prélèvement sur la succession au seul héritier français, la disposition établit une différence de traitement entre les héritiers venant également à la succession d'après la loi française et qui ne sont pas privilégiés par

76.Décision n°2010-93 QPC du 04 février 2011 comité HARKIS et vérité .( allocation de reconnaissance)

77.Décision n°2010-18 QPC du 23 juillet 2010, M. Lahcène A.( carte du combattant).

78Décision n 2011-128 du 6 mai 2011, syndicat SUD AFP( Conseil d'administration de l'Agence France-Presse, cons.5)

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la loi étrangère. Cette différence de traitement n'est pas en rapport direct avec l'objet de la loi qui tend, notamment à protéger la réserve héréditaire.79

Dans sa décision 2011-123 QPC du 29 avril 2011, M.MOHAMED T(Allocation adulte handicapé), le requérant soutenait que la condition d'inactivité posée au 2e de l'article L. 821-2 du code de sécurité sociale privait les personnes handicapées en cause les moyens convenables d'existence en méconnaissant le onzième alinéa du préambule de la constitution de 1946 qui pose le principe de la solidarité nationale et le principe constitutionnel d'égalité. En sanctionnant les personnes handicapées qui ont occupé un emploi à celles qui n'en ont pas occupé sans que la différence de traitement qui en résulte n'apparaisse en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Mais, le juge de la loi a estimé que la différence de traitement qui résulte des situations différentes était en rapport direct avec l'objet de la loi qui est de réserver l'allocation aux personnes qui ne sont pas en capacité de subvenir à leurs besoins essentiels par la perception des revenus tirés de l'exercice d'une activité professionnelle.

Les droits reconnus aux étrangers peuvent être dans leur exercice limités par les exigences d'ordre public. La prépondérance de l'intérêt général rend les droits des étrangers vulnérables en ce sens qu'ils restreignent l'exercice effectif de ces droits. Pour éviter tout arbitraire, les mesures restrictives de ces droits sont sous le contrôle du juge administratif. Ces droits étant relatifs et conditionnels.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand