B .Les conditions de stabilité et de
régularité du séjour pour accéder à un
droit.
La consécration des conditions de stabilité et
de régularité au bénéfice de la protection sociale
des étrangers par le Conseil constitutionnel confirme l'encrage
territorial de ces droits. Il s'inscrit dans le droit fil de la jurisprudence
de 22 janvier 1990. En effet, dans la décision«
Égalité entre français et
étrangers»65, la limitation du
bénéfice de l'allocation du fond de solidarité a
été censurée car elle rompait l'égalité au
détriment des étrangers. Quant à la condition de
stabilité, notion difficile à appréhender, elle se
retrouve renforcée par rapport à la solution retenue en 1990
où seule la régularité du séjour était
exigée, désormais elle s'étend à la
stabilité.
Dans la décision de 1990, le Conseil n'a pas
précisé la durée permettant de satisfaire à cette
condition, ni préciser à partir de quand une résidence
devient stable. Cependant, le Conseil a laissé entendre qu'il existe un
seuil temporel au delà duquel les droits des intéressés
seraient mis à mal. Toujours est-il que pour accéder à la
protection sociale, l'étranger doit remplir la condition de
résidence à la fois stable et
régulière66.
L'accès aux prestations sociales va dépendre
aussi de la détention par l'étranger de l'un des
différents titres de séjour. Ils ne sont pas les mêmes
selon qu'il s'agit d'accéder au revenu de solidarité active, au
droit au logement opposable, à l'aide personnalisée au logement,
à la couverture maladie universelle ou prestations de la
sécurité sociale. Les titres de séjour diffèrent
selon qu'il s'agit d'accéder aux prestations d'assurance
maladie-maternité ou prestations non contributives de
sécurité sociale. Pour certains étrangers, une condition
supplémentaire peut être exigée en plus du titre de
séjour. Il peut s'agir de la détention d'un document
spécifique par les enfants au nom desquels les prestations familiales
sont demandées, d'une durée minimale de résidence de cinq
ans pour le RSA ou de trois mois pour la CMU67.Il convient
nécessaire de rappeler que c'est la qualité du titre de
séjour qui détermine l'obtention d'un droit.
Dans sa décision 2011-137 QPC M. Zeljko S.( Attribution
du revenu de solidarité active aux étrangers)68, le
requérant soutenait que les dispositions de l'article L.262-4 du code de
l'action sociale et des familles qui imposent aux étrangers d'être
titulaires depuis au moins cinq ans d'un titre de séjour les autorisant
à travailler pour bénéficier le RSA est contraire au
principe d'égalité qu'au onzième alinéa du
préambule de la constitution de
65Décision n°93-325 DC du 12au13août
1993.
66O.LECUCQ, «statut constitutionnel des
étrangers en situation irrégulière»,
thèse de doctorat, faculté de droit de l'université
d'Aix-Marseille, soutenue le 30 janvier 1999, P 664.
67.M.KARINE,« le droit des étrangers
à la protection sociale»,informations sociales , juin 2007
n°142, p80-91. 68D.SEGUIN, Guide du contentieux du droit des
étrangers, éd. LexisNexis 2013, p. 168.
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1946.Le Conseil a estimé que la condition de
stabilité est essentielle à l'insertion professionnelle et n'est
pas manifestement inappropriée au but correspondant à l'objet de
la loi. La loi déférée au Conseil visait à
restreindre l'accès des étrangers au système de protection
sociale et rendre l'immigration clandestine moins attractive tout en
ménageant les comptes sociaux. Cette décision pourrait constituer
un recul important des droits des pauvres, puisque la finalité du RSA
est réduite à titre principal à l'incitation à
l'exercice ou à la reprise d'une activité professionnelle alors
qu'il s'agit d'un minimum d'existence.
Dans sa décision du 15 décembre
2005(régularité du séjour et
bénéfice des prestations familiales dans le cadre de regroupement
familial)69, saisi par l'opposition qui lui demandait de juger
contraire à la constitution l'article 89 de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2006, le Conseil a affirmé que
«le législateur pouvait sans méconnaître le
principe d'égalité conditionner le versement des prestations
sociales aux enfants étrangers à la régularité de
leur séjour dans le cadre de regroupement familial sur
place».Il ajouta cependant une réserve d'interprétation
selon laquelle l'enfant aura droit aux prestations familiales s'il est
procédé à la régularisation de l'enfant
déjà entré en France. En affirmant cela , le Conseil
reconnaît l'existence du regroupement familial sur place. Quant à
l'aide sociale, même si le critère de régularité est
toujours affirmé, elle demeure tempérée pour des
considérations humanitaires ou de santé publique70.Ainsi, un
étranger en situation irrégulière pourra
bénéficier des soins médicaux en cas de pathologie
où une prise en charge efficace n'est pas possible dans le pays
d'origine.
L'état de santé de l'étranger peut
justifier l'annulation de la mesure d'éloignement sauf qu'il doit
répondre à une double condition d'une part, l'étranger
doit justifier d'un état pathologique grave représentant un
danger réel en cas d'éloignement et d'autre part, il ne doit pas
disposer du niveau sanitaire équivalent dans son pays d'origine. Cette
double condition lui garanti une aide médicale d'État. Hormis les
éventuelles exigences d'actions positives à la charge de
l'État découlant du droit constitutionnel d'asile. Il n'y a pas
des droits fondamentaux bénéficiant aux étrangers qui sont
susceptibles de se traduire par un devoir de prestations incombant à
l'État. La seule perspective sur ce plan est offerte par le minimum de
protection sociale décelé à travers la jurisprudence du
Conseil constitutionnel. En référence au droit à la
protection de la santé et au principe de sécurité
matérielle, il paraît exister une obligation minimale d'assistance
aux étrangers s'agissant de l'accès aux soins et de leur prise en
charge dans les hypothèses d'urgence ou de nécessité.
69Cons. Const . ,déc. n°2005-528 DC,15
décembre 2005.
70F.JULIEN-LAFERRIERE, Droit des étrangers,
1ere éd. PUF 2000, p.255.
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Cette assistance peut être étendue aux structures
sociales d'hébergement. Toute fois, le législateur n'a pas
fixé la condition de régularité de séjour pour une
série des prestations d'aides sociales répondant à des
situations d'urgence ou de détresse. Signalons que cette assistance ne
peut être assimilée aux droits- créances stricto sensu qui,
pour se réaliser exige de l'État une obligation positive de faire
ou de prévoir des prestations. Ces prestations sociales se rattachent
à l'idée des droits - créances dérivés,
concept rencontré dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle
fédérale allemande qui signifie que la charge incombant à
l'État procède moins du devoir d'assurer des prestations sociales
que de l'obligation.
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