B. Les conséquences jurisprudentielles de la QPC et
ses effets pour les
étrangers.
L'effet abrogatif de la déclaration
d'inconstitutionnalité s'oppose à ce que les juridictions
appliquent la loi en cause non seulement dans l'instance ayant donné
lieu à la question prioritaire de constitutionnalité mais
également dans toutes les instances en cours à la date de cette
décision.
Cette règle est d'ordre public pour le juge
administratif et judiciaire. Ils ne peuvent déroger sauf mention
expresse du Conseil pour faire application de la disposition
déclarée non conforme à la constitution. La
décision rendue par le Conseil a un effet erga omnes
et bénéficie non seulement au requérant de
la QPC mais également à tous ceux ayant un contentieux en cours.
Lorsque le Conseil déclare la disposition législative conforme
à la constitution, celle-ci conserve sa place dans l'ordre juridique
interne. La juridiction doit l'appliquer en prenant en compte les
éventuelles réserves d'interprétation formulées par
le Conseil constitutionnel. Lorsqu'une décision de non conformité
est arrêtée par le Conseil constitutionnel, la disposition
législative litigieuse disparaît de l'ordre juridique parce
qu'elle est abrogée. Cependant, le Conseil ne peut se substituer au
parlement pour décider des modalités à adopter afin de
remédier à l'inconstitutionnalité prononcée. Le
Conseil n'écrit pas la loi, il n'en a pas la légitimité et
comme a dit Jean-Louis Debré, le Conseil possède une gomme et non
le crayon.
Dans sa décision n°2010-1 QPC sur la
décristallisation des pensions et la décision n°2010-14/22
QPC sur la garde à vue qui ont nécessité l'intervention du
législateur, le Conseil avait modulé les effets de ses
décisions dans le temps pour permettre à l'organe de la loi
d'adopter une nouvelle disposition conforme. Ainsi, on pourrait se poser la
question de savoir si le report dans le temps des effets de
l'inconstitutionnalité prive ou non le requérant du
bénéfice de son action en QPC. En principe, ce délai
accordé au
56 CC, 2 juillet 2010, Consorts C.et autres,
n°2010-10 QPC.
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législateur comme l'a affirmé Mathieu DISANT ne
saurait altérer en lui-même les efforts consentis pour faire jouer
dans la mise en oeuvre de ce pouvoir, le principe selon lequel la
déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier
à l'auteur de la QPC. Une sorte de prime au requérant, et il
affirme que l'absence de précision sur le report des effets abrogatifs
est interprétée comme le souhait du Conseil constitutionnel
d'écarter ce principe et de consacrer celui selon lequel les effets
abrogatifs doivent bénéficier au requérant et à
toutes les instances en cours.
Toutefois, certaines décisions rendues par le Conseil
peuvent se suffire à elles-mêmes sans l'intervention du
législateur. L'exemple de la décision n°2010-6/7 QPC
du11juin 2010 M. Stéphane A.et autres (Article L.7 du code
électoral) qui fait disparaître l'article L.7 du code
électoral.
La fixation dans le futur de la date de prise d'effet de la
déclaration d'inconstitutionnalité doit résulter d'une
mention expresse dans la décision du Conseil constitutionnel. Un tel
report s'oppose à la prise en compte de l'inconstitutionnalité
dans les instances en cours et son absence pourrait être
interprétée comme limitant les effets aux seuls litiges en
cours.
En effet, le mécanisme de la QPC comme le fait
remarquer Fanny Jacquelot, est le reflet de bouleversement de la
répartition des rôles dans la protection des droits fondamentaux
en droit interne français voulu par la révision constitutionnelle
de 2008.Si elle s'insère dans les conduits procéduraux des
juridictions des droits communs, elle en redessine dans le même temps les
contours et les perspectives dans le seul intérêt supérieur
de garantir la suprématie de la constitution et de son garant.
Pour l'étranger, le fait que la procédure de la
QPC dure 6 mois et qu'elle est dépourvue d'effet suspensif constituent
un obstacle à faire valoir ses droits dans le cadre de ce nouveau
mécanisme. Tout ceci relativise la portée de cette
procédure au profit des étrangers notamment, ceux en situation
irrégulière qui font l'objet de mesure d'éloignement du
territoire français.
PARTIE II: La complémentarité de la QPC au
contrôle a priori pour la protection des droits des
étrangers
On aurait pensé que le contrôle a priori
était destiné à rester dans l'ombre de la QPC et qu'une
fossé infranchissable devait séparer les modalités et les
résultats de ces deux
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contrôles. Le Conseil constitutionnel a contribué
à rapprocher les deux. Certes, les deux contrôles se distinguent
par des règles qui les encadrent. Le contrôle a priori est
fermé, politisé et monopolistique en revanche, le contrôle
a posteriori se présente sous les signes de l'ouverture, de la
dépolitisation voire de la concurrence. En dépit de ces ruptures
engendrées par l'entrée en scène de la QPC, les deux
contrôles s'influencent réciproquement et s'articulent de
manière complémentaire. La QPC crée une rupture en terme
d'ouverture et de transparence du jugement constitutionnel de la loi.
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