Section 2: Le caractère modulable de la QPC
«Une disposition déclarée
inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 de la constitution est
abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil ou d'une date ultérieure fixée par cette décision.
Le Conseil détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en
cause»55.
En cas des décisions de non conformité à
la constitution, le Conseil constitutionnel
54.JP. THIELLAY «les suites tirées
par le Conseil d'État des décisions du Conseil
constitutionnel», RFDA 2011,p. 772. 55Loi organique op.
Cit 2008.
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précise les effets abrogatifs dans le temps. Il va
reporter sur le fondement de l'article 62 de la constitution les effets de
l'inconstitutionnalité constatée pour permettre au
législateur de modifier le cadre législatif. Au regard de la
sécurité juridique, le Conseil est investi du pouvoir de
déterminer des règles transitoires dans l'attente de l'adoption
par le parlement de la disposition pouvant remédier à
l'inconstitutionnalité. Il évite ainsi le vide juridique. Ces
effets varient selon qu'il s'agisse du temps des étrangers(A) que des
conséquences jurisprudentielles(B).
A. Inadaptation du temps de la QPC avec les droits des
étrangers.
L'avènement de la QPC est salué comme une
avancée incontestable. Ce mécanisme va permettre de rectifier les
fautes du législateur et au justiciable de se réapproprier la
constitution. Pour l'étranger frappé d'une mesure
d'éloignement, l'avènement de cette juridiction pragmatique
aurait dû être une opportunité. Il apparaît que le
temps de la QPC n'est pas celui de l'étranger. Non seulement la
durée de la procédure est longue mais également la QPC est
dépourvue d'effet suspensif. Autrement dit, la QPC ne sursoit pas
l'exécution de la mesure administrative qui frappe l'étranger, ce
qui est préjudiciable pour l'étranger qui risque se retrouver
dans son pays d'origine avant même que la juridiction saisie de la QPC ne
se soit prononcée sur l'affaire.
En outre, on aurait pensé que les étrangers en
situation irrégulière seraient préoccupés par cette
procédure. Force est de constater que leur situation administrative ne
leur permet pas de s'afficher de crainte d'être repris par la police.
L'illégalité de leur séjour les persuade de rester dans la
clandestinité et d'envisager la situation de leur droit dans le cadre de
la conventionalité où existe une jurisprudence abondante
plutôt que dans celui de la constitutionnalité. S'agissant
d'effets de la QPC, en cas d'abrogation de la disposition législative,
les droits acquis perdurent et ne peuvent être annulés
c'est-à-dire que la QPC n'a pas d'effets rétroactifs. C'est le
cas de l'hypothèse dans laquelle un acte administratif a
été pris sur base d'une loi qui vient d'être
abrogée. Il en va de la sécurité juridique. On pourrait
envisager dans ce cas, une certaine indemnisation au profit de
l'étranger requérant. On peut également s'interroger sur
le fait de savoir si, pour avoir laissé perdurer des dispositions
inconstitutionnelles dans l'ordre interne, la responsabilité de
l'État ne pourrait pas être engagée.
Dans sa décision n° 2010-10 QPC du 02 juillet 2010
Consorts C.et autres( Tribunaux maritimes commerciaux), le Conseil a
rappelé le caractère rétroactif de sa décision au
bénéfice des consorts C.: la disparition de la composition
inconstitutionnelle des tribunaux
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maritimes commerciaux (TMC)«est applicable à
toutes les infractions non jugées définitivement au jour de la
publication de la décision»56autrement dit,
à cette date toutes les personnes non jugées par les TMC et
toutes celles dont la condamnation n'a pas encore le caractère
définitif soit parce qu'elles sont dans le délai pour former un
pourvoi en cassation se sont vues reconnaître par le Conseil
constitutionnel le droit d'être jugées ou rejugées par les
TMC siégeant dans une composition des juridictions pénales de
droit commun parce que le droit au procès équitable n'a pu
être respecté.
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