CONCLUSION GENERALE
On ne saurait vraiment conclure un travail qui dessine un
programme de recherche et suggère une méthode plus qu'il ne
propose une synthèse, à bien des égards encore
prématurée. Mais, du moins, peut-on essayer de reprendre
transversalement le fil de quelques points qui l'ont sous-tendu en
permanence.
Au terme de cette investigation, qu'il nous soit loisible une
fois encore de dire que l'Etat de droit, aujourd'hui en vogue, n'est pas
d'affirmation récente. Il remonte au XIXè
siècle et a pour conditions d'existence : le respect de l'ordre
juridique, la protection des droits fondamentaux et le contrôle
juridictionnel sur les actes des gouvernants.
Au regard de cette tâche noble que s'assigne l'Etat de
droit, le congolais peut être tenté de connaître sa
situation. Malgré les tentatives menées, la construction d'un
Etat de droit et de la démocratie tant souhaitée par le peuple
congolais, a difficile à se réaliser dans ce grand pays tant le
chemin pour y arriver ressemble bien à un véritable chemin de
croix dans la mesure où le parcours est plein d'embûches.
L'analyse du parcours réalisé avant l'indépendance et
aussi depuis l'indépendance jusqu'à ce jour a montré qu'il
existe des obstacles pour y parvenir tout comme il existe aussi des conditions
à remplir pour leur réalisation car il s'agit d'un
travail de longue haleine qui nécessite la mobilisation de
toutes les énergies et surtout une véritable volonté
politique.
L'histoire constitutionnelle de la RDC commence à
s'écrire du moment où le roi Léopold II débute avec
des investigations en RDC jusqu'à nos jours. Cette histoire a connu une
variété de textes constitutionnels ou à portée
constitutionnelle notamment la Charte coloniale (1908), la Loi fondamentale
(1960), la Constitution de Luluabourg (1964), la Constitution
Révolutionnaire (1967), constitution révisée en maintes
reprises jusqu'à l'institutionnalisation du MPR comme parti unique,
parti-Etat ; l'Acte constitutionnel de transition (1993) ; le Décret-loi
constitutionnel (1997) ; Constitution de la transition (2003) et enfin la
Constitution du 18 février 2006.
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
R.D.C. Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
L'analyse de l'Etat de droit dans ces différentes
constitutions montre que, d'une part, pendant la période coloniale,
toutes les méthodes et pratiques réalisées par
l'administration étaient négationnistes de l'idée d'un
Etat de droit. D'autre part, la période post-coloniale est
marquée par différentes tentatives de construction d'un
modèle type d'Etat mais qui ont été vaines suite au manque
de volonté politique. Ainsi, des violations des textes fondamentaux pour
des convenances personnelles sont enregistrées.
Parmi les principales causes de la crise congolaise, on parle
toujours de l'absence de démocratie et d'un Etat de droit qui ouvre la
voie aux violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
à la gestion chaotique et opaque des affaires de l'Etat, à la
corruption, au népotisme, au clientélisme, à
l'incompétence notoire dans la gestion des affaires et dans la conduite
du pays. Dans les pays du Tiers-Monde, la sauvegarde des droits et
libertés fondamentaux ne figurent pas parmi les missions essentielles du
pouvoir et ne préoccupe presque pas les dirigeants. S'inscrivant dans
cette idée, C. LUTUNDULA écrit : « Si en Occident l'Etat
passe pour la clef de voûte du dispositif sécuritaire des droits
de l'homme, dans les pays du Tiers monde en général et en Afrique
en particulier, la sauvegarde des droits et libertés fondamentaux est
loin de compter parmi les missions essentielles et ne préoccupe que
très peu d'hommes au pouvoir »45. La RDC n'est pas
épargnée par ce fléau. Dans chaque régime qu'elle a
connu, seul l'intérêt personnel primait sur l'intérêt
général. Pendant la colonisation, l'individu n'avait aucune place
pour exprimer son opinion voire jouir de sa liberté. D'ailleurs, c'est
une période fondée sur l'inégalité,
principe contraire à l'Etat de droit. A ce sujet, B. CHANTEBOUT
écrit : « Les sociétés des anciens régimes
dont les bases avaient été posées durant la période
soit coloniale soit dictatoriale soit néocoloniale, étaient des
sociétés fondamentalement inégalitaires et
organisées selon des structures communautaires qui ne laissaient
guère de place à l'individu. Elles ne concevaient celui-ci
qu'à travers des corps intermédiaires, tels que les ordres, les
corporations et jurandes, paroisses et
45 C. LUTUNDULA, « Des engagements et devoirs de
l'Etat en matière de protection des droits de l'homme », in
Congo-Afrique, XXXVIIIè année, n° 328,
octobre 1998, p. 453.
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confréries qui, certes, lui assuraient très
étroitement son autonomie »46. Et cela faisait,
comme dit ci-haut, ouverture de la voie aux violations des droits de l'homme et
des libertés fondamentales, à la gestion chaotique et opaque des
affaires de l'Etat47.
Depuis l'époque coloniale, l'élite congolaise
s'est rendue compte de la nécessité de vivre dans une
société démocratique. Elle réclamait l'instauration
d'une réelle démocratie et d'un réel Etat de droit dans la
Colonie, notamment le développement politique, une formation solide, une
association des indigènes à la gestion de la res publica et une
restauration des libertés fondamentales. Elle était
déjà convaincue à cette période que le
système autoritaire imposé dans la colonie était
inacceptable, comparé au système démocratique dans la
métropole. Mais jusqu'aujourd'hui, à l'heure où le Congo
fête son cinquantième anniversaire d'indépendance,
l'élite congolaise n'a pas su instaurer en RDC un Etat de droit.
La conduite à bonne fin du processus
démocratique et de construction de l'Etat de droit en RDC, exige la
prise de conscience par le peuple du fait qu'il est le premier sujet et
agent de la matérialité de ce processus. Cela
exige aussi un cadre général et des initiatives
susceptibles de redresser la Nation. Nous ne devons pas nous bercer d'illusion,
le redressement de la Nation est subordonnée, d'une part, à la
mise en place de mécanismes et procédures de droit capables de
libérer la démocratie qui favorisera la protection des droits et
libertés des citoyens ainsi que l'instauration d'un Etat de droit ; et
d'autre part, à la création d'un climat général de
paix, de justice, de concorde nationale et de solidarité. Il est
impérieux d'éduquer et de former le peuple à la
démocratie pour mieux instaurer et construire en RDC, l'Etat de
droit.
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46 B. CHANTEBOUT, Op. Cit., p. 84.
47 Cf. E. TSHIMANGA, Op. Cit., p. 10.
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