B. Le Décret-Loi constitutionnel
A la chute de MOBUTU, au moment où tous les congolais
attendaient vivre une nouvelle ère où le droit devrait être
au centre de tout de façon à aspirer véritablement
à une République vraiment démocratique, son successeur,
L.D. KABILA, n'avait trouver mieux que de marcher sur les sentiers battus. Le
lion remplace le léopard.
Alors que la justice et le pouvoir judiciaire sont
considérés comme gardiens des droits et libertés, ils
seront encore une fois, comme dans la Deuxième République, soumis
au pouvoir exécutif. Un de ces signes, s'il en faut un, c'est que «
le décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 qui tient
lieu de Constitution en RDC ne mentionne nulle part que le serment du
président doit être reçu par la Cour Suprême de
Justice. Ensuite, la confiscation des biens meubles et immeubles des
dignitaires du régime déchu, opérée sans jugement
prononcé par un tribunal régulièrement constitué
pousse également à émettre des réserves quant
à l'indépendance de la justice : c'est la justice du pouvoir, or
celle-ci est toujours la négation du pouvoir de la justice
»43.
Dans ce décret-loi constitutionnel, une aporie se fait
jour. En dépit de cette dépendance de la justice
réaffirmant la valeur fictive des dispositions constitutionnelles,
l'art. 11 du même décret dispose : « L'ensemble des cours
et tribunaux forment le pouvoir judiciaire. Le pouvoir judiciaire est
indépendant des pouvoirs législatif et exécutif
». L'art. 12 ajoute : « La mission de dire le droit est
dévolue aux cours et tribunaux. Le magistrat est indépendant dans
l'exercice de cette mission. Il n'est soumis dans l'exercice de ses fonctions
qu'à l'autorité de la loi ».
43 E. BOSHAB cité par Ibidem., p.
23.
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
R.D.C. Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
A ce propos, une question peut être posée. Que
valent ces dispositions ? E. BOSHAB répond en ces termes : «
Moulés pendant trente deux ans, à l'école de la
docilité, les magistrats de la RDC protègent plus leurs postes
qu'ils ne défendent les droits et les libertés des citoyens
»44. On se rend bien compte que le peuple congolais est
toujours dans la dictature. Une guerre va éclater le 2
août 1998. Elle va amener les congolais au dialogue intercongolais qui a
abouti à l'Accord Global et Inclusif qui donnera naissance à la
Constitution de la transition.
C. La Constitution de la transition
Le Constituant congolais de la transition était
résolu de mettre sur pied un Etat de droit durable fondé sur le
pluralisme politique, la séparation des pouvoirs, la participation des
citoyens à l'exercice du pouvoir, le contrôle des gouvernants par
les gouvernés, la transparence dans la gestion des affaires publiques,
la subordination de l'autorité militaire à l'autorité
civile, la protection des personnes et de leurs biens, le plein
épanouissement tant spirituel que moral de chaque citoyen congolais
ainsi que le développement harmonieux de la communauté nationale.
Il était déterminé à garantir les libertés
et les droits fondamentaux du citoyen congolais et, en particulier, à
défendre ceux de la femme et de l'enfant.
C'est ainsi que l'art. 2 dispose : « La Constitution
de la transition garantit l'inviolabilité des libertés et droits
fondamentaux de la personne humaine ». La démocratie est la
gardienne de l'Etat de droit. Le peuple reste le détenteur du pouvoir,
ce qui lui assure la protection de ses droits fondamentaux. C'est ainsi que
l'art. 10 affirme : « La souveraineté nationale appartient au
peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce par voie de
référendum ou d'élection et indirectement par ses
représentants ». L'art. 15 dispose : « La personne
humaine est sacrée. L'Etat a l'obligation de la respecter et de la
protéger. Toute personne a droit à la vie et à
l'intégrité physique. Nul ne peut être soumis à la
torture ni à des traitements inhumains, cruels ou dégradants
». Pour dire, l'Etat de droit cherche toujours à combattre les
violations des droits et libertés. Toute atteinte à ceux-ci
serait mettre
44 E. BOSHAB cité par Ibidem.
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R.D.C. Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
l'Etat de droit en veille. De ce fait, la République a
l'obligation de garantir l'exercice de ces droits. C'est dans ce sens que
l'art. 16 dispose : « La République Démocratique du
Congo garantit l'exercice des droits et libertés individuels et
collectifs (...) ». A l'art. 17 de disposer : « Tous les
congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une
égale protection des lois ».
Il est clairement dit à l'art. 10 que la
souveraineté nationale appartient au peuple qu'il peut exercer par voie
de ses représentants. Mais ce qui est étonnant est que cet
exercice ou cette souveraineté n'existait pas. Tout était
guidé par l'Accord Global et Inclusif signé à Pretoria.
C'est dans ce sens que l'art. 99 dispose : « L'Assemblée
nationale comprend 500 membres désignés par les Composantes et
Entités du Dialogue inter-congolais dans les conditions fixées
par l'annexe IB de l'accord global et inclusif ». Du coup, c'est
l'exercice des droits et libertés des citoyens qui est sacrifié
au profit des partis politiques. C'est l'Etat de droit qui est sacrifié
cette fois-ci par la constitution elle-même.
Comme cette constitution se confie plus aux problèmes
politiques qu'à la protection des droits et libertés
malgré l'énonciation de ceux-ci, elle sera remplacée par
celle du 18 février 2006, soumise au référendum et qui
régit la IIIè République.
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