Section II : LA TRANSITION DEMOCRATIQUE (de 1990
à 2006) ET LA CONSTITUTION DU 18 FEVIER 2006
Cette transition a été marquée par une
série des textes constitutionnels et une succession de guerres et des
conflits (§1). Elle prendra fin avec la promulgation de la Constitution de
la Troisième République (§2).
§1. La période transitoire (1990-2006)
Cette période est marquée par la
démocratisation. L'organisation du pouvoir et des institutions
préoccupe plusieurs congolais. En 1991, la Conférence Nationale
Souveraine, CNS en sigle, cadre idéal de concertation, a permis au
peuple congolais d'exprimer clairement la volonté de rompre avec la
dictature et les anti-valeurs pour une société
démocratique pluraliste, fondée sur les valeurs respectueuses des
libertés et des droits de l'homme. La CNS a, au préalable,
doté le pays, en vue d'organiser l'exercice du pouvoir pendant la
période transitoire, d'un cadre juridique légal et consensuel. Il
s'agit de l'« Acte portant Dispositions constitutionnelles relatives
à la période de transition ». Nul ne peut le modifier de son
propre chef et nul ne peut y déroger.
Pour sortir du piège lui tendu par la CNS, MOBUTU a
bloqué l'application des résolutions de cet acte en refusant sa
promulgation. Il a rédigé un autre texte devant régir le
pays pendant la période de la transition. C'est l'« l'Acte
constitutionnel
i
Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
R.D.C. Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
de la transition » (A). Suite à la mauvaise
gestion du pays, une guerre éclate et renverse le régime de
MOBUTU avec la naissance d'un Décret-Loi constitutionnel (B) suivi de la
Constitution de la transition (C).
A. Acte constitutionnel de la transition
Cet acte organise l'exercice du pouvoir et se fait le
défenseur des droits et libertés des congolais. Son art. 5
dispose : « Tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce par voie
de référendum ou par ses représentants ». L'art.
7 ajoute : « Les partis politiques concourent à l'expression du
suffrage ». La participation du peuple à la gestion de la res
publica reste la condition nécessaire d'une démocratie. Nous
savons bien que, pendant cette période, le pays n'a connu aucune
élection. Seul le Président nomme les différentes
autorités politiques, pire encore les parlementaires.
Comme dit ci-haut, l'Etat de droit a ses fondements dans
l'école du droit naturel. De ce fait, la personne humaine reste sa
préoccupation majeure. Pour dire, assurer la protection de ses droits
serait l'idéal. C'est dans cette percée que les art. 9, 10, 11,
12 al. 2 et 13 disposent : Art. 9 : « La personne humaine est
sacrée. L'Etat a l'obligation de la respecter et de la protéger.
Toute personne a droit à la vie et à l'intégrité
physique ». Art. 10 : « La République du Zaïre
garantit l'exercice des droits et libertés individuels et collectifs
». L'art. 11 affirme : « Tous les zaïrois sont
égaux devant la loi et ont droit à une égale protection
des lois ». L'art. 12 al. 2 souligne : « Tout zaïrois a
droit à la paix, au développement et au patrimoine commun de
l'humanité ». Art. 13 : « La liberté de la
personne humaine est inviolable ».
Art. 37 al. 3. « Nul ne peut détourner les
attributs du pouvoir et la puissance publique à des fins personnelles
pour la réalisation d'intérêts partisans ou pour faciliter
l'ingérence d'une institution ou d'un service public dans le
fonctionnement d'une autre institution ou d'un autre service public
». Pourquoi une telle disposition alors que seul le Président
de la République avait une marge de décision ? Il avait tout
détourné à son profit. Pour dire, son intérêt
personnel primait sur l'intérêt général.
i
Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
R.D.C. Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
S'agissant du pouvoir judiciaire, cet acte écrit
à son art. 95 al. 2 : « Le pouvoir judiciaire est
indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif
». L'art. 97 dispose : « La mission de dire le droit est
dévolue aux cours, tribunaux et conseils de guerre. Le magistrat dans
l'exercice de cette mission est indépendant. Il n'est soumis, dans
l'exercice de ses fonctions, qu'à l'autorité de la loi
».
On se demande le pourquoi de l'existence de ces
différentes dispositions parce que la gestion du pays n'est
restée qu'entre les mains des acteurs de la IIè
République. On a seulement changé les vareuses mais les joueurs
sont restés les mêmes.
Après comme avant le 24 avril 1990, malgré la
suppression de quelques structures et manifestations extérieures du MPR,
en dépit d'un certain esprit de tolérance et de liberté
d'expression, les acteurs de la Deuxième République continuent
à gérer le pays avec leur mentalité, leurs
méthodes, leurs procédés et leur appareil de gouvernement
et d'administration. Evariste BOSHAB, s'inscrivant dans cette idée,
écrit : « Un système autoritaire appelé
deuxième République dont l'une dans caractéristiques
pertinentes est atrophie de la justice (...). Malgré sa condamnation
à mort par la C.N.S tenu à 1991, organisant, la deuxième
République usera de manoeuvre dilatoire pour que ne s'applique pas la
peine prononcée. Il faudra attendre l'arrivé de la coalition des
forces armées venues du Rwanda, du Burundi, de l'Ouganda et de l'Angola
pour lui administrer l'extrême onction le 17 mai 1997. Bâtie sur la
confusion de pouvoir , excellent dans le démantèlement de service
public, la deuxième République n'épargnera pas la justice
dans son dessein de concentrer tous les pouvoirs étatiques entre les
mains du chef de l'Exécutif »42, ce qui
entraîne encore une fois l'impunité et le non contrôle de
l'administration.
Cette période de transition était
caractérisée par des crises politiques et
socio-économiques d'une extrême
gravité qui plonge le peuple
congolais dans une misère indescriptible. Quelques temps
après l'ouverture du pays au multipartisme et au processus de la
démocratisation, la transition annoncée n'a, en fait, pas eu
lieu. On
42 E. BOSHAB cité par KAVUSA KALEMBA, Op.
Cit., p. 25.
i
Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
R.D.C. Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
constate un ensemble de mécanismes qui, sciemment ou
inconsciemment bloquent le déroulement harmonieux de ce processus et la
construction d'un Etat de droit.
La guerre menée par l'AFDL a abouti à la mise en
place d'un texte constitutionnel qui est le « Décret-Loi
constitutionnel » de 1997.
|