§2. La Constitution de Luluabourg
Promulguée le 1er août 1964, cette
Constitution proclame l'adhésion de la RDC à la DUDH et affirme
la détermination de consolider l'unité nationale du pays. Elle a
associé le peuple congolais à la gestion du pouvoir, pour dire la
souveraineté nationale appartient au peuple, et lui a reconnu les
différents droits politiques, civils, sociaux,
économiques et collectifs. Dans un Etat de droit le peuple
participe à la vie publique en élisant ses représentants.
C'est dans ce sens que l'art. 3 de cette Constitution dispose : « Tout
pouvoir émane du peuple qui l'exerce par ses représentants ou par
voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne
peut s'en attribuer l'exercice ».
Le problème du respect des droits et de la protection
des gouvernés est un des plus importants dans l'Etat de droit. Il ne
peut y avoir Etat de droit que si les différents pouvoirs respectent les
droits fondamentaux des citoyens et au même que s'ils assurent
la protection de leur vie et de leur personne. C'est dans cette perspective que
les art. 12, 13, 15 et 16 disposent : art. 12 : « Le respect des
droits consacrés dans la présente Constitution s'impose aux
pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire de toute la nation et
des provinces ». L'art. 13 ajoute : « Tous les congolais
sont égaux devant la loi et ont droit à une égale
protection des lois ». L'art. 15 affirme : « Toute personne
a droit au respect et à la protection de sa vie et à
l'inviolabilité de sa personne. Nul ne peut être soumis à
la torture ni à des peines ou traitement inhumains ou dégradants
». Aux termes de l'article 16, « Nul ne peut être tenu
en esclavage ou en servitude ni dans une condition analogue. Nul ne peut
être mis à mort si ce n'est dans le cas prévu par la loi
nationale et dans les formes qu'elle prescrit ».
Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
R.D.C. Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
Pour qu'existe un Etat de droit, le pouvoir judiciaire,
gardien des libertés et des droits, doit être indépendant
vis-à-vis des autres pouvoirs dits politiques. Cette indépendance
constitue une garantie majeure contre l'arbitraire du pouvoir et en
réalise par là même la limitation. Elle représente
un des prolongements les plus intéressants et les plus souhaitables de
la théorie de la séparation des pouvoirs. C'est dans ce sens que
l'art. 122 dispose : « Le pouvoir judiciaire est indépendant
des pouvoirs législatif et exécutif. Il est dévolu aux
cours et tribunaux. En aucun cas, il ne peut être exercé par les
organes du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif ».
Cette garde des droits et libertés se manifeste par le contrôle de
l'action du gouvernement ou encore mieux de l'administration par un
contrôle de légalité des actes ou des décisions
administratives. Ainsi, l'art. 126 dispose : « La Cour Suprême
de Justices comporte deux sections : la section administrative et la section
judiciaire. La section administrative est compétente pour
connaître en premier et en dernier ressort des recours en annulation pour
violation de la loi, formés contre les actes, règlements et
décisions des autorités administratives centrales ». Au
niveau local, c'est la Cour d'appel, section administrative, qui est
compétente pour connaître des recours en annulation contre les
actes des autorités locales et cela en premier ressort (art. 125).
On vient de le voir, cette Constitution était porteuse
d'un grand nombre d'éléments pour la construction d'un Etat de
droit en RDC. Fort malheureusement, elle n'a pas été
respectée.
A ce propos, Evariste BAKADIABABO écrit : « Le
grand problème auquel les congolais ont toujours été
confrontés depuis l'indépendance c'est le non respect
traditionnel des textes. Bien souvent, les textes ne sont pas respectés
ou ils sont tout simplement interprétés en fonction des
intérêts personnels. Le droit qui est en principe le soubassement
de tout Etat qui aspire à une vie démocratique et qui garantit
les libertés des citoyens et leur donne l'égalité des
chances pour participer à l'édification nationale ; Etat de droit
; est presque toujours bafoué (...). Les congolais ont
toujours
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
R.D.C. Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
(...) élaboré de meilleurs textes, mais
l'application de ces documents souvent riches en contenus a toujours
été biaisée (...) »36.
En date du 25 novembre 1965, cette Constitution perdra tout
son sens à cause du coup d'Etat de Mobutu dans la nuit du 24 au 25
novembre 1965. Automatiquement, le pays va connaître de nouveaux textes.
On peut citer l'ordonnance-loi n° 7 du 30 novembre 1965 accordant de
pouvoirs spéciaux au Président de la République, notamment
celui de prendre, par ordonnance-loi, des mesures qui sont normalement du
domaine de la loi. Par l'ordonnance-loi n° 66/92 bis du 7 mars 1966, il
s'attribue le pouvoir législatif qu'il exercera par ordonnances-lois et
ces ordonnances-lois étaient transmises pour « information »
à la Chambre des Députés et au Sénat. Du fait que,
lui aussi, trouvait qu'il menaçait la démocratie, il remit ce
pouvoir au Parlement par l'ordonnance-loi n° 66/621 du 21 octobre 1966.
Le Haut Commandement militaire de l'Armée Nationale
Congolaise avait servi de soutien à Mobutu dans la prise du pouvoir le
24 novembre 1965. Il était animé par l'esprit d'amener les hommes
politiques congolais à la réconciliation
nationale, esprit contraire aux visées de Mobutu. Pour remettre la
culture démocratique dans le pays, le Haut Commandement militaire avait
réussi, par l'entremise du Président Mobutu et du Premier
ministre MULAMBA NYUNYI, à promulguer une nouvelle Constitution devant
régir le pays. Cette nouvelle Constitution est dite «
Révolutionnaire » et a été promulguée le 24
juin 1967.
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