DE LULUABOURG ET LA CONSTITUTION
REVOLUTIONNAIRE
Pour mieux assurer la démocratie en RDC après
l'indépendance et pour ne pas y créer un vide juridique, le
Parlement belge préparera et va octroyer un texte à portée
constitutionnelle au nouvel Etat, le Congo indépendant. C'est la Loi
fondamentale (§1). Quatre ans après, les congolais eux-mêmes
ont élaboré leur propre texte : la Constitution de Luluabourg
(§2) qui sera remplacé par la Constitution qualifiée de
« Révolutionnaire » (§3).
§1. La Loi fondamentale
Elle est une composition de deux textes légaux. L'un du
19 mai 1960 relative aux structures du Congo indépendant et à
l'exercice du pouvoir (A) et l'autre du 17 juin 1960 relatif aux droits des
indigènes, qui était prévu bien
avant par la Charte coloniale et qui n'a vu le jour qu'à cette date
(B).
A. L'exercice du pouvoir
Il est régi par un texte du 17 juin 1960. L'Etat de
droit implique que l'exercice du pouvoir soit organisé par un texte
à valeur constitutionnelle et cela pour mieux assurer la garantie des
droits et libertés. Ainsi, est-il écrit à l'article 6 de
cette loi : « Le Congo constitue, dans ses frontières
actuelles, un Etat indivisible et démocratique ». A l'article
12 d'ajouter : « La désignation du Chef de l'Etat est acquise
à la majorité des deux tiers de tous les membres qui composent
les deux chambres réunies ». Pour vouloir montrer comme quoi
les congolais, eux-mêmes, doivent prendre leur destin en main. Ils
doivent faire usage des jeux démocratiques. La démocratie est,
à l'heure actuelle, une condition nécessaire pour l'existence
d'un Etat de droit. La démocratie bénéficie d'un prestige
dans le monde, et si elle est une
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aspiration des peuples, c'est qu'elle se ramène, en
définitive, à la protection des droits et libertés.
L'article 14 mentionne : « Les pouvoirs sont
exercés de la manière établie par la présente loi
». L'article 18 dispose : « Le pouvoir judiciaire est
exercé par les cours et tribunaux (...) ». Voilà encore
l'une des caractéristiques d'un Etat de droit. Le pouvoir judiciaire
reste jusqu'à preuve du contraire le gardien des droits et
libertés des peuples.
De ce qui précède, l'on est porté
à penser à un Etat de droit avec la loi fondamentale. Mais,
est-il que cette Loi fondamentale ferait l'objet de plusieurs sabotages de la
part et des colons et des congolais. C'est ainsi, par exemple, que lors des
élections remportées par les partis nationalistes
regroupés au sein de l'Alliance Nationale Congolaise (ANC)
présidée par Patrice LUMUMBA, l'administration coloniale qui
dirigeait encore le pays soutenait le groupe des partis politiques perdant
regroupés au sein du Parti National du progrès (PNP)
transformé par ses opposants en « Parti de Nègres
Payés »34. C'est là une preuve que
l'administration coloniale était loin d'accepter démocratiquement
la victoire des partis nationalistes, ce qui a alors entraîné de
graves conséquences au blocage du processus de construction d'un Etat de
droit.
A cela on peut ajouter le fait que le nouvel Etat s'est
heurté à l'inexpérience du peuple congolais. Le passage du
système colonial considéré comme paternaliste et
autoritaire vers un système démocratique, le 30 juin 1960, n'a
pas été aisé pour les congolais qui
n'étaient pas préparés à affronter seuls une telle
situation.
Par contre, dans les colonies anglaises comme le GHANA, la
GUINEE CONNAKRY, les élites locales étaient formées pour
mieux diriger le pays après le départ des colons.
C'est ainsi que KWAME N'KROUMA, SEKOU TOURE accompagneront leurs pays
respectifs et feront d'eux des Etats respectueux de droit. Une telle formation
n'était pas envisageable dans les colonies belges.
34 Cf. E. TSHIMANGA BAKADIABABO, La
démocratie et ses blocages au Congo-Kinshasa, L'Harmattan, Paris,
2004, p. 30.
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En RDC, après l'accession du pays à
l'indépendance, il fallait que certaines conditions politiques soient
réunies et que les acteurs politiques soient animés d'une
réelle volonté d'oeuvrer pour un système
démocratique en vue de mieux construire un Etat de droit digne de ce
nom. La culture politique, la culture même des textes, la conscience
nationale et la capacité d'organisation et de gestion font cruellement
défaut.
Suite à cette insuffisance des congolais et au manque
de culture politique, les congolais se sont confrontés à de
grandes difficultés pour maîtriser le fonctionnement de nouvelles
institutions démocratiques établies par la Loi fondamentale
à son article 8 qui dispose : « L'Etat du Congo comprend des
institutions centrales, provinciales et locales. Les institutions centrales
sont : a) le Chef de l'Etat ; b) le Gouvernement dirigé par un premier
Ministre ; c) La chambre des représentants ; d) le Sénat ; e) les
Cours et tribunaux ».
Pour mieux garantir un Etat de droit, la stabilité
politique et institutionnelle est nécessaire pour l'exerce des droits et
libertés. Dès qu'il y a crise politique ou
institutionnelle, rien ne peut marcher et la démocratie, garantie de
l'Etat de droit, ne peut avoir d'effet.
L'exercice de jeux démocratiques au sein des
institutions fait montre de la volonté de construire et d'instaurer un
Etat de droit. C'est ainsi que les articles 42, 43 et 45 de la Loi fondamentale
consacrent cet exercice. Ces articles disposent successivement : art. 42 :
« Après sa constitution, le Gouvernement se présente
devant chacune des chambres en vue d'obtenir la confiance. Celle-ci est acquise
à la majorité absolue des voix de tous les membres qui les
composent ». L'art. 43 dispose : « La responsabilité
solidaire du Gouvernement est mise en cause par le dépôt d'une
motion de défiance ». Et l'art. 45 d'ajouter : « La
responsabilité individuelle d'un membre du gouvernement est mise en
cause par le dépôt d'une motion de censure ».
Les premières entraves politiques majeures au
système démocratique et à la construction d'un Etat de
droit après l'indépendance en RDC sont :
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- La révocation du Premier Ministre Patrice Emery
LUMUMBA le 5 septembre 1960 d'une manière inconstitutionnelle par le
Président KASAVUBU engendra une crise politique et institutionnelle au
sein des institutions centrales du pays;
- Le coup d'Etat du 14 septembre 1960 mené par le
Colonel MOBUTU profitant de cette crise pour montrer son scénario ;
- Assassinat du Premier ministre LUMUMBA le 17 janvier 1961.
Après avoir parcouru l'exercice du pouvoir dans la Loi
fondamentale, qu'en est-il alors des droits et libertés des citoyens
?
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