Ces dernières années, la production rizicole de
notre pays connait une amélioration positive de ses indicateurs, fruit
des différents efforts et appuis consentis pour l'augmentation de la
production. Mais malgré cette avancée, la demande nationale est
couverte à 70% par les importations, soit environ 2/3 des besoins
nationaux correspondant à 270 000 tonnes de riz décortiqué
qui coûte environ 40 milliards de F.CFA par an au Burkina (ONAC, 2008).
Pourtant, des atouts et des opportunités avérés permettant
le développement de la culture sur le plan
1 « La qualité dans le domaine agro-alimentaire
», rapport de P.Mainguy, 1989.
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national existent: i) la disponibilité d'importantes
superficies aménageables et irrigables, ii) l'existence de
variétés améliorées et de paquets technologiques,
iii) l'existence d'une part de marché sûr et durable et iv)
l'évolution positive d'autre part de l'engouement des consommateurs pour
le riz local (FAO, 2011). Seulement, des contraintes réelles de la
filière situées en amont, au niveau de la production et en aval
étouffent ces faveurs et entravent son développement
(Kaboré et al, 2007) et notamment celles liées
à la transformation qui rendent fragile notre produit dans un contexte
mondial de compétition. Et, en dépit des efforts fournis depuis
des décennies pour le développement de la filière, cette
situation expose notre riz à la concurrence déloyale qu'il
mène face au riz importé des pays asiatiques surtout.
Malgré donc les apports appréciables des innovations
technologiques, l'on constate la persistance des contraintes techniques et
socio économiques dont les plus importantes sont:
· l'irrégularité de l'approvisionnement
des acteurs de la filière, liée à la saisonnalité
de l'offre de produits frais et la qualité relative du riz paddy;
· l'insuffisance de maîtrise des techniques de
transformation par les actrices qui reste préoccupante (MAHRH, 2008);
· les qualités diverses du riz
étuvé sur le marché, notamment la disparité de
couleur et l'hétérogénéité qui ne lui
permettent pas de concurrencer les riz importés par le manque de
stabilité de ses caractéristiques marchandes et culinaires;
· les difficultés pour les transformatrices
à s'approprier les innovations technologiques à cause de leurs
coûts élevés, du manque d'infrastructures et d'appuis
divers;
· la faible performance des nouvelles technologies en
cours de vulgarisation;
· la faible mise en oeuvre d'actions pour une meilleure
visibilité du riz local à l'intention des consommateurs.
La recherche de l'amélioration de la qualité du
riz étuvé est une urgence pour les pays africains dont le Burkina
Faso, pour prémunir leurs économies fragiles et sauvegarder leur
souveraineté alimentaire. Pour ce qui est des innovations
technologiques, elles se sont traduites à travers des programmes de
recherches entreprises dont les principaux résultats sont
constitués d'avancées technologiques faites par anticipation et
ce par les institutions de recherche et mises en oeuvre dans notre pays par
l'IRSAT (Institut de Recherche en Sciences Appliquées et Technologies)
et l'APIPAC (Association des Professionnels de l'Irrigation Privée et
Activités Connexes). Mais, celles-ci sont restées insuffisantes
(MAHRH, 2008) et leur état dans le domaine de l'étuvage du riz
pourrait se résumer de la façon suivante: d'abord l'introduction
en 2001/2002, par un atelier
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de mécanique burkinabè (TOMODJEMA) à
l'image d'un dispositif similaire d'autres pays de la sous région (Ghana
et Guinée) du fût d'étuvage. Il
est constitué d'un fût de 200 litres auquel est fixé en
dessous un foyer amélioré, le tout solidaire d'un battis qui
permet de faire basculer le fût. Une grille qui sert de tamis est
fixée à l'intérieur pour retenir le riz à
étuver. Le fond du fût est le réservoir d'eau dont la
vapeur à l'ébullition monte dans la masse de riz placé du
au-dessus. Un couvercle muni d'un voyant permet le contrôle du niveau de
vapeur au niveau du riz et un robinet fixé à la base du fût
permet les vidanges d'eau (ABC Burkina, 2010). Certes le fût
possède des avantages comme la séparation du paddy avec l'eau, la
cuisson à la vapeur, l'étuvage de grandes quantités de
paddy par rapport aux marmites, une économie de temps et
d'énergie par la réduction de la quantité de bois mais il
n'a pas bénéficié d'un engouement fort de la part des
femmes à cause de son coût élevé (175 000 francs CFA
l'unité). De plus, son exigence en main d'oeuvre, son entretien
difficile à cause d'attaques de la rouille, sa relative courte
durée de `'vie`' par rapport aux marmites et la persistance de la
question énergétique ont été des motifs de son
rejet (Guenguéré, 2009). Ensuite, devant la non adoption du
fût par les femmes et conscient du fait que l'étuvage du riz en
contact avec l'eau ne permet pas d'obtenir du riz de bonne qualité, un
nouveau dispositif fut mis au point par le Programme de Technologie Agricole et
Alimentaire (PTAA) de l'Institut National des Recherches Agricoles du Benin
(INRAB), appelé `' dispositif amélioré». C'est
un bac du type couscoussier composé de deux
parties essentielles:
· un bac d'étuvage de forme tronconique dont le
tiers (1/3) inférieur et la petite base circulaire (fermée) sont
minutieusement perforés;
· une marmite en alliage aluminium dans laquelle
s'insère la partie inférieure perforée du
bac lors de l'étuvage.
Ce dispositif existe en deux modèles et qui peuvent
étuver respectivement 25 kg et 45 kg. Il comporte des avantages certains
tels la résistance à la rouille, la diminution de pertes à
l'étuvage, le séchage rapide, le bon rendement au
décorticage, l'économie d'énergie et de temps, la bonne
qualité du riz étuvé, la montée uniforme de la
vapeur et enfin l'usage multiple. Mais des fuites de vapeurs, qui peuvent
porter atteinte à ses performances, sont signalées au niveau de
son couvercle et au point de jonction entre la marmite et le bac (Lawing, 2006)
et (Zoundji, 2008).
Photo 1: Une étuveuse TOMODJEMA (1) et Photo 2 :
Etuvage traditionnel (2)
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Photo ABC Burkina (1) Photo ABC Burkina
(2)
Photo 3: Système du Bac
d'étuvage
Photo Zoundji (2005)
Enfin, en réponse à la question
énergétique, très importante pour un pays sahélien
comme le nôtre, la conception et la mise en oeuvre par les techniciens du
Groupe de Coopération de l'Université de Sherbrooke de Suisse
(GCIUS) d'un foyer à balles de riz, résidus de transformation du
riz, dernière innovation dans le domaine fut salutaire. Son coût
à l'achat (35 000 FCFA l'unité) est vite amorti en 24 jours
d'activités par une économie journalière en bois de 1500
FCFA, équivalent de 0,11m3 de bois. Il contribue ainsi
à la lutte contre la déforestation, la désertification et
la préservation de l'environnement.
Photo 4: Ensemble foyer à balle- marmite
= 1,20m
Photo Guengané (2011)
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Si l'introduction du bac est appréciée pour la
qualité du produit fini et celle du foyer à balles salutaire pour
la question énergétique, la question de compatibilité des
deux innovations laisse entrevoir à l'orée des contraintes
probables. En effet, l'ensemble du dispositif constitué du foyer
à balles, de la marmite et du bac d'étuvage a une hauteur de 1,70
mètres, ce qui rend difficile le maniement au cours de
l'opération d'étuvage par les transformatrices, à cause de
sa taille.
De notre constat, tous ces efforts et innovations semblent
avoir eu peu d'impacts positifs sur l'activité d'étuvage du riz
à Bagré et ce malgré l'existence d'énormes
potentiels favorables à Bagré :
· existence du potentiel de production de plus de 3.500
ha d'aménagés pour la riziculture pour les prochaines
années;
· existence d'un centre d'étuvage
équipé qui constitue un épicentre de diffusion des
technologies;
· volonté manifeste des acteurs et
particulièrement des femmes pour le développement de
l'activité d'étuvage du riz.
La conséquence de cette situation, nonobstant les
efforts consentis tant au niveau institutionnel qu'organisationnel, est que la
plaine de Bagré connait la persistance des contraintes citées
plus haut. En effet, en dépit de l'introduction des innovations
techniques en matière d'étuvage de riz depuis 2002
(étuveuse TOMODJEMA) et la vulgarisation récente du bac
d'étuvage, les pratiques des transformatrices dans l'activité
d'étuvage du riz ont très peu changé:
·
elles restent artisanales avec seulement l'introduction de
quelques matériels nouveaux comme le foyer à balles de riz, les
marmites en aluminium, les décortiqueuses mécaniques;
· il n'existe pas de diagramme unique adopté par
les transformatrices:
- elles continuent, au sein de leur unité
individuelle, à mener l'activité avec le bois comme source
d'énergie;
- la pré-cuisson du paddy se fait toujours en contact de
l'eau;
- la réception du paddy, qui est la
vérification de la qualité avant la transformation, n'est pas
d'actualité;
- les temps des opérations importantes comme la
pré-cuisson et la réhydratation ne sont pas harmonisés et
vont de 12 à 24 heures pour la réhydratation, selon les
transformatrices;
- le conditionnement du riz est fait en fonction du client, soit
en sac ou soit en vrac.
La résultante constatée de ces actes est que
les commandes des institutions telles la SONAGESS et les ONG, honorées
par la mise en commun des différentes productions issues de processus
divers de transformations, se trouvent entachées par le manque
d'homogénéité se traduisant par les conséquences
évidentes qui sont les diverses plaintes des consommateurs.
Primo, c'est ici donc pour nous l'utilité
d'élaborer des outils d'aide à l'application et l'adoption des
innovations technologiques en matière d'étuvage du riz pour la
plaine de Bagré. Ils pourraient constituer un concours à la
résolution des contraintes de valorisation du riz paddy par
l'amélioration de la qualité du riz étuvé. Et
secundo, la nécessité de contribuer à l'élaboration
d'ébauches de labels pour le riz étuvé. Il y a
également lieu de noter ici, que notre étude est en parfaite
symbiose avec les politiques nationales en matière de
développement de l'agriculture au Burkina Faso et spécifiquement
la Stratégie Nationale de Développement de la Riziculture (SNDR).
Elle s'accorde avec son objectif spécifique n° 2 ayant trait
à la fourniture du marché en riz de façon qualitative et
quantitative et s'intègre dans l'axe 3 de la valorisation de la
production rizicole, où elle pourrait contribuer à la mise en
oeuvre de cette stratégie. Ce sont donc ces raisons qui nous ont
guidés dans le choix du présent thème.