B/ DE LA COMPETENCE RESPECTIVE DE L'UNION ET DES ETATS
MEMBRES EN DROIT INSTITUTIONNEL DE
L'UEMOA.
Les dispositions du Traité de l'UEMOA ne sont pas
très explicites en matière de répartition des
compétences entre l'Union et les Etats qui ont entendu transférer
partie de leurs droits souverains au profit de la Communauté. Les
principes en ce domaine sont dégagés de l'esprit et de la lettre
des différentes dispositions du Traité, qui en effet, s'est en
général contenté de mettre en évidence certains
principes de base, de fixer des objectifs précis à l'Union dont
notamment la réalisation de l'union douanière, plus
précisément le Marché Commun, l'union économique
dans un marché ouvert et concurrentiel, etc. Pour ce faire, le
Traité a mis à la disposition des organes de l'Union, des
instruments juridiques appropriés et des techniques juridiques comme les
directives et les prescriptions minimales pour l'accomplissement de ces
missions, tout en prescrivant aux organes d'agir dans les limites des
attributions à eux conférées et aux Etats d'apporter leur
concours à la réalisation des objectifs définis et surtout
de s'abstenir de prendre des mesures inhibitives de l'application du
Traité et des actes pris en son application. C'est de
l'appréciation de l'ensemble de ces dispositions qu'il a pu être
déduit que le Traité constitutif, Charte constitutionnelle de
l'Union, a reconnu à la Communauté, des compétences
d'attribution, à côté des compétences retenues des
Etats membres.
Ces compétences d'attribution peuvent coexister avec
des compétences portant sur le même objet reconnues aux Etats
membres mais, exercées à l'échelle nationale parce que
basées sur des faits juridiques et des techniques juridiques comme les
directives et les prescriptions minimales, réputées n'avoir aucun
objet communautaire ni d'effet susceptible d'influer sur les relations entre
les Etats membres, en somme, il s'agit de domaines strictement et purement
nationaux qui laissent indifférentes les autorités
communautaires. C'est ce principe de coexistence du Droit communautaire et du
Droit national qui est d'application subsidiaire et interne que le droit
européen a consacré en matière de Droit de la
concurrence.
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Quant à la compétence exclusive de l'Union, elle
peut se lire à travers les dispositions du
Traité notamment à l'exemple des articles 89 et
90 lorsque ces dernières instituent un régime juridique propre
à la compétence attribuée, détermine les actes
juridiques utilisables à cette fin, organise les mécanismes de
l'exercice de la compétence qu'il délimite en définissant
la matière sur laquelle elle porte et désigne les organes de
l'Union chargés de la mise en oeuvre de cette compétence voire
leurs conditions de fonctionnement en la matière.
Il y a donc compétence exclusive, lorsque la
connaissance d'un certain domaine normatif d'intervention est
réservée et aménagée pour un organe ou une
organisation, seule habilitée à l'exercer dans un
intérêt collectif. Elle a un caractère exceptionnel
notamment dans le cadre communautaire où elle s'impose toutes les fois
que le fait de laisser aux Etats, une capacité d'initiative dans le
même domaine est incompatible avec l'unité du Marché Commun
et l'application uniforme du Droit communautaire. Elle retire ainsi aux Etats
membres tout droit de légiférer ou réglementer dans la
matière faisant l'objet de la compétence exclusive sauf s'ils ont
été dûment investis de ce pouvoir par l'Union. A l'analyse,
l'organisation du Marché Commun apparaît comme le domaine
privilégié de la compétence exclusive aux termes du
Traité constitutif de l'UEMOA, le Droit de la concurrence en tant
qu'élément constitutif du Marché Commun ne peut que lui
emprunter son caractère de domaine relevant de la compétence
exclusive de l'Union.
III CONCLUSIONS
Si l'on part de ce principe de la simple barrière qui
correspondrait à l'option du Traité de Dakar, il faudra en tirer
toutes les conséquences de droit notamment en ce qui concerne les
rapports entre les Droits nationaux de la concurrence existants et le Droit
communautaire émergent. Ce principe exclusiviste de la compétence
ne permet pas aux Etats membres de légiférer de plein droit dans
les matières de l'article 88 du Traité surtout lorsqu'il a pour
objet ou effet quelconque de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence
dans le Marché Commun de l'Union, exception faite de prescriptions
formelles des autorités communautaires les associant à l'exercice
de cette compétence qui lui est dévolue. La concurrence
déloyale, entendue comme agissements fautifs dans l'exercice d'une
profession commerciale ou non, tendant soit à attirer la
clientèle, soit à la détourner d'un ou plusieurs
concurrents, entre dans ce cadre, lorsqu'elle prend des formes qui tombent sous
le coup de l'article 88 a.b.
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Les Etats membres restent somme toute, compétents en
toute exclusivité, pour prendre toutes dispositions pénales
réprimant les pratiques anticoncurrentielles, les infractions aux
règles de transparence du marché et même à
l'organisation de la concurrence. Dans cette perspective de la
compétence exclusive retenue par le Traité de Dakar, deux
hypothèses peuvent se présenter :
1) Celle où il a préexisté un Droit
national, civil ou commercial de la concurrence dans l'Etat
membre, antérieur à la mise en vigueur du Droit
communautaire. Dans ce cas de figure, ce Droit de la concurrence devient
inapplicable même s'il subsiste matériellement, il se produit donc
un mécanisme de substitution en faveur du Droit communautaire applicable
de façon uniforme dans tous les Etats membres.
Le Droit pénal de la concurrence de ces Etats qui ont
la compétence retenue en cette matière, devra en
conséquence s'adapter au Droit communautaire pour caractériser
les infractions pénalement punissables. Désormais, toute
initiative de ces Etats en matière de Droit de la concurrence devient en
raison de la compétence exclusive de l'Union dans cette matière
du Droit de la concurrence en tant que partie intégrante du
Marché Commun, contraire aux engagements de l'Etat membre qui, aux
termes de l'article 7 du Traité prescrivent aux Etats de s'abstenir de
toutes mesures faisant obstacle à l'application du Traité de
l'Union.
2) Celle où le Droit national, civil ou commercial de
la concurrence, n'existe pas ou est en cours d'élaboration. Dans ce cas
de figure, il n'y a aucune raison ni de droit ni de fait d'envisager ou de
poursuivre l'élaboration d'un tel droit, dès lors que le Droit
communautaire en vigueur est venu régir de façon
impérative et uniforme ce domaine devenu du reste de la
compétence exclusive de l'Union. Toutefois, la répression
pénale d'actes anticoncurrentiels reste de la compétence des
Etats pourvu qu'elle soit compatible au Droit de la concurrence communautaire
de l'Union.
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En résumé si selon le principe de la double
barrière, c'est le régime juridique de la coexistence des Droits
nationaux et communautaire agissant sur un même objet mais dans des
champs d'actions différents, qui prévaut, en revanche le principe
de la simple barrière exclut la coexistence des deux Droits en faveur du
régime de la substitution qui privilégie l'existence solitaire du
Droit communautaire qui absorbe le Droit national de la concurrence dans son
application uniforme. En tout état de cause, dans ce dernier cas, les
services administratifs de la concurrence des Etats membres auront certainement
une vocation à opérer une conversion dans l'objet et les
modalités d'exécution de leurs nouvelles missions de
coopération avec les autorités communautaires. Compte tenu des
considérations qui précèdent, la Cour est d'avis :
- Que les dispositions des articles 88, 89 et 90 du
Traité constitutif de l'UEMOA relèvent de la compétence
exclusive de l'Union
- Qu'en conséquence, les Etats membres ne peuvent
exercer une partie de la compétence en ce domaine de la concurrence.
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