L'exploitation du monopole conféré par la propriété industrielle et l'exercice des pratiques anticoncurrentielles en zone OAPI ( organisation africaine de la propriété intellectuelle )( Télécharger le fichier original )par Brice WAKAP CHONGANG Université de Dschang Cameroun - Master en droit option : droit des affaires et de l'entreprise 2013 |
Paragraphe II : Répression des pratiques anticoncurrentielles en UEMOATout comme en CEMAC, les pratiques anticoncurrentielles ont été sanctionnées en zone UEMOA. Cependant, la Cour de justice de l'UEMOA consacre une sorte d'exclusivité du droit de la concurrence de l'Union écartant ainsi les droits nationaux des Etats membres dans le domaine des pratiques anticoncurrentielles304(*). Cette exclusivité affirme donc une osmose entre les différents marchés internes et le marché communautaire faisant ainsi défense aux Etats membres de légiférer en cette matière. Néanmoins, on assiste à une survivance des législations nationales de concurrence, encore que la Cour dans le même Avis305(*), leur donne compétence exclusive pour prendre toutes les dispositions pénales réprimant les pratiques anticoncurrentielles sur leur marché. Dans cette veine, les législations nationales ne peuvent être placées totalement en marge du droit de la concurrence en UEMOA. Ainsi, avant l'examen du régime de répression des pratiques anticoncurrentielles en droit communautaire de l'UEMOA (B), il est intéressant de faire l'état des lieux de cette répression dans certaines législations nationales existantes en zone UEMOA (A). A. L'état de lieu de la répression des pratiques anticoncurrentielles par certaines législations internes de l'UEMOAMalgré la consécration de la compétence exclusive de l'Union en cette matière, il est constaté306(*) que certains Etats de l'UEMOA ont organisé la répression des pratiques anticoncurrentielles par leur législation interne. Ceci est tout de même justifiable dans la mesure où la compétence nationale des Etats de l'Union est retenue pour prévoir des sanctions pénales contre les pratiques anticoncurrentielles307(*). Il s'agit entre autre du Burkina Faso (1) et du Mali (2). 1- Répression des pratiques anticoncurrentielles au Burkina Faso Au Burkina Faso, la répression des pratiques anticoncurrentielles est l'objet de la loi n°15/94/ADP du 5 mai 1994 modifiée par la loi 33-2001 du 4 décembre 2001 relative à la concurrence. Comme la législation gabonaise, ce texte vise à assainir toute l'activité économique dans le pays. A ce titre il sanctionne aussi les pratiques anticoncurrentielles. Ce dispositif prévoit comme ses homologues, tout d'abord la nullité. Ainsi, l'article 7 dispose qu' « est nul de plein droit tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles 5 et 6 ci-dessus ». Ajoutons pour mieux comprendre cette disposition que l'article 5 incrimine les ententes illicites et l'article 6 régit l'abus de position dominante. Concrètement, il y a donc anéantissement rétroactif des actes renvoyant à ces deux pratiques. A côte de cette sanction, le législateur a pris le soin de poser le principe de la réparation du préjudice subi par les victimes des pratiques anticoncurrentielles308(*). A cet effet, le montant des dommages-intérêts sera calculé sur la base du manque à gagner subi du fait des ententes illicites ou de l'abus de position mis en cause. A côté de ces sanctions civiles, le texte burkinabé par opposition au texte camerounais de 1998, a institué des sanctions pénales et notamment des peines d'emprisonnement. C'est ainsi que l'article 53 sanctionne toute personne qui commet les abus de position dominante ou des ententes illicites, d'une amende d'un million (1.000.000) à vingt-cinq millions (25.000.000) FCFA et d'un emprisonnement de deux (2) mois à deux (2) ans ou de l'une de ces deux peines. En cas de récidive pour de telles infractions, le juge peut ordonner la cessation temporaire ou définitive de toute activité commerciale de son auteur sur l'ensemble du territoire national. Pour ce qui est de la procédure, les enquêtes sont menées par les fonctionnaires assermentés de l'administration compétente. Après coup, ceux-ci peuvent constater l'existence des pratiques anticoncurrentielles sur procès-verbal. Puis le dossier est transmis au parquet après avis du Conseil National de la Concurrence et de la Consommation309(*). Toutefois, après enquête et constatation des pratiques anticoncurrentielles, l'administration peut engager une première transaction avec les agents économiques concernés. En cas d'échec, le procès-verbal est transmis à la juridiction compétente pour que cette dernière prononce des sanctions si l'infraction est confirmée310(*). Avant le jugement définitif, la procédure peut être suspendue et une nouvelle possibilité de transaction est laissée aux parties. Dans ce cas, le dossier est remis à l'administration compétente qui dispose d'un délai fixé par l'autorité judiciaire pour réaliser cette transaction. Ce délai qui court du jour de la transmission du dossier, ne peut excéder un (1) mois311(*). Les décisions de la Commission Nationale de la Concurrence et de la Consommation peuvent être attaquées en appel devant la Cour d'appel d'Ouagadougou et plus particulièrement en sa chambre commerciale. Au final, les procédures engagées sont menées selon les règles de droit commun burkinabé du procès pénal ou civil selon le cas. Toutefois, il est intéressant de rappeler à la suite du dispositif burkinabé que, le Mali n'en est pas du reste en matière de répression des pratiques anticoncurrentielles en général, et celles pouvant découler des monopoles de propriété industrielle y comprises. 2- Répression des pratiques anticoncurrentielles au Mali Le Mali organise sa législation sur la concurrence autour de l'ordonnance n°92-021/P-CTSP du 13 avril 1992 portant sur la liberté des prix et de la concurrence. C'est dans ce vaste cadre que le législateur malien réprime les abus de position dominante et ententes illicites. Ceci étant, envisageons les sanctions prévues et leur mise en oeuvre. S'agissant des sanctions prévues, tout part comme partout ailleurs, de l'interdiction des pratiques anticoncurrentielles. Mais le législateur malien s'est cantonné à cette interdiction sans caractériser cette interdiction. Néanmoins, nous estimons que celle-ci peut être largement interprétée pour recouvrir des sanctions comme la nullité ou la dissolution des pratiques nocives pour le marché. En outre, le droit de la concurrence malien reste à l'image de celui du Gabon et du Burkina Faso, fidèle à la pénalisation des pratiques anticoncurrentielles. A ce titre, les ententes et les abus de position dominante sont punis d'une amende de trois millions (3.000.000) à trente millions (30.000.000) FCFA et d'un (1) an à cinq (5) ans d'emprisonnement ou de l'une de ces deux peines seulement312(*). De plus, dans les cas de poursuite judiciaire, le Directeur National des Affaires Economiques peut, avant de transmettre le dossier au Parquet compétent, faire procéder à la fermeture des locaux, notamment les boutiques, magasins, ateliers ou usines jusqu'à décision judiciaire. Pareillement à ce qui a été constaté dans les autres législations, les pratiques anticoncurrentielles selon la législation malienne sont constatées sur procès-verbal dressé par les agents des services du ministère du commerce après enquêtes. De même, ceux-ci sont dotés de tout pouvoir nécessaire pour mener à bien leur enquête. Soulignons aussi que ces infractions peuvent faire l'objet de transaction devant le Directeur National des Affaires Economiques ou son représentant313(*). A l'analyse, la poursuite judiciaire est engagée dans deux cas. Soit en cas de refus d'un arrangement transactionnel et après décision du Ministre chargé du Commerce, soit lorsque le contrevenant ne s'est pas acquitté du montant de la transaction dans les délais prescrits. Au demeurant, précisons que l'avis du Directeur national des affaires économiques est requis par le procureur pour toutes les infractions poursuivies. En tout état de cause, on saurait clôturer l'analyse de ces législations nationales de concurrence des Etats de l'UEMOA, sans rappeler que celles-ci devront être adaptées conformément à l'Avis de la Cour, pour ne régir que l'aspect purement pénal des pratiques anticoncurrentielles. Au final, il est important de constater qu'il existe un vaste clivage entre les diverses sanctions applicables aux pratiques anticoncurrentielles. Tandis que certains optent pour la dépénalisation, d'autres optent pour le maintien des peines d'emprisonnement. De plus, dans cette dernière hypothèse, le quantum des peines d'emprisonnement diffère selon les Etats. A l'examen, cette divergence est tout à fait justifiable eu égard à la nécessité pour chaque pays d'adapter sa législation à ses réalités économiques. Mais un trop grand fossé rend la répression des pratiques anticoncurrentielles éparse en zone OAPI. * 304« Le Traité de Dakar consacre ainsi un nivellement par le haut du marché de l'Union où les différents marchés nationaux sont confondus dans un marché unique qui ignore toute stratification des marchés nationauxet communautaires ; en somme, il s'est produit en quelque sorte un processus de phagocytose du Droit national de la concurrence par le Droit communautaire qui exerce la plénitude de sa primauté par pure substitution », Avis n° 003/2000 du 27 juin 2000 relatif à l'interprétation des articles 88, 89, 90 du Traité sur les règles de concurrence de l'Union », Cour de Justice de L'UEMOA, « Recueil de la jurisprudence de la Cour », pp. 119-132. * 305 « Le Droit pénal de la concurrence de ces Etats qui ont la compétence retenue en cette matière, devra en conséquence caractériser les infractions pénalement punissables », Avis n° 003/2000 du 27 juin 2000 de la Cour justice de l'UEMOA, op.cit. * 306 COULIBALY (A-S.), op. cit., pp. 19-20. * 307 Avis n° 003/2000 du 27 juin 2000 de la Cour justice de l'UEMOA, op.cit. * 308 Article 52 de la loi de 1994 modifié. * 309 Article 48 de la loi de 1994 modifiée. * 310 COULIBALY (A-S.), op. cit., p. 20. * 311 Article 51 de la loi de 1994 modifiée * 312 Article 39 de l'ordonnance du 13 avril 1992. * 313 Article 23 de l'ordonnance du 13 avril 1992. |
|