Plusieurs actes interviennent dans la procédure,
même si celle-ci est dépouillée de tout incident. Certains
de ces actes sont destinés à faire placer l'immeuble sous mains
de justice ; d'autres ont pour objet l'exécution proprement dite.
- Le déplacement de l'immeuble sous main de
justice.
Dans sa première phase, la procédure se
déroule pratiquement en dehors du tribunal.
Le commandement. Il est l'élément
fondamental et tout est lié à cette phase, à cet effet son
régime est fixé par les articles 254 et suivants de l'AU/VE.
Toute poursuite est précédée d'un
commandement aux fins de saisir qui est destiné à la fois,
à mettre en demeure le débiteur de régler sa dette et de
placer l'immeuble sous la main de justice.
Le commandement est établi par l'huissier ou par agent
d'exécution. Au cours de l'établissement, l'huissier peut se
contenter des documents qui sont en sa disposition. Mais, s'il estime
nécessaire d'effectuer une visite des immeubles sur les quels doit
porter la saisie, il a le loisir d'y procéder avec au besoin
l'assistance de la force publique. Le commandement doit comporter toutes les
mentions requises pour sa validité. Il doit contenir à cet effet
les mentions évoquées par l'article 254 de l'AU. Il s'agit en
quelque sorte : la reproduction ou la copie du titre
exécutoire et le montant de la dette, ainsi que les noms, prénoms
et adresses du créancier et du débiteur et, s'il s'agit d'une
personne morale, ses formes, dénomination et siège. La copie du
pouvoir spécial de saisir donné à l'huissier ou à
l'agent d'exécution par le créancier poursuivant ;
l'avertissement que faute de payer dans les vingt(20) jours, le commandement
pourra être transcrit à la conservation foncière et vaudra
saisie à partir de sa publication.
L'indication de la juridiction ou l'expropriation sera
poursuivie ; le numéro du titre foncier et l'indication de la
situation précise des immeubles faisant l'objet de la poursuite. S'il
s'agit d'un immeuble non encore immatriculé, le numéro de la
réquisition et immatriculation ; la constitution d'un avocat.
L'omission de l'une de ces mentions entraine la nullité(1) du
commandement, si celui qui l'invoque a subi un préjudice du à
cette omission. En ce qui concerne, la signification, l'article 254 de l'AU
prévoit que le commandement est signifié au débiteur sans
aucune précision. Le décret loi française de 1938 indique
que le commandement est signifié à personne ou au domicile du
créancier.
Tout compte fait, le commandement a pour effet d'interrompre la
prescription et fait courir les intérêts moratoires ; il
produit des effets particuliers sur les baux de l'immeuble. L'AU, bien vrai
qu'il a prévu une section pour les effets du commandement, n'invoque pas
ce dernier effet. Mais la pratique nous pousse à se
référer à la solution donnée par l'article 684 du
Code de Procédure Civile français dans le quel :
« les baux qui n'ont pas acquis date certaine avant le commandement
peuvent être annulés et ceux postérieurs au commandement
doivent l'être, si dans l'un et l'autre cas, les créanciers et
l'adjudicataire le demandent ».
La saisie peut être également dirigée contre
un tiers détenteur. Si l'immeuble est aux mains d'un tiers, seuls les
créanciers ayant un droit de suite peuvent le saisir. Dans ce cas, le
créancier poursuivant doit faire une double
signification : l'une au débiteur à qui, il
signifie un commandement ; l'autre au tiers détenteur sous forme
d'une sommation de payer ou de délaisser l'immeuble.
Le délaissement se fait au greffe de la juridiction
compétente (article 255 AU/VE), la sommation rend le tiers comptable des
fruits de l'immeuble par le tiers détenteur.
La signification du commandement, même si elle est
régulièrement faite, ne produit aucun effet spécifique.
Seule la publication produite des effets.
Le commandement doit être déposé à la
conservation foncière ou auprès de l'autorité
administrative dans les trois mois(1) à compter de la
signification ; passé ce délai, le créancier ne peut
plus publier le commandement ; il peut reprendre les poursuites qu'en les
réitérant.
A partir de l'inscription, la suite de la procédure va
dépendre de l'attitude du débiteur. Le paiement va mettre fin
à la procédure, alors que le défaut de paiement marque le
point de départ d'une nouvelle étape.
Si le débiteur paye dans les vingt jours, l'inscription du
commandement est radiée par le conservateur ou l'autorité sur
mainlevée donnée par le créancier. Il est possible que la
radiation ne soit pas opérée malgré le paiement, dans une
telle hypothèse, le débiteur ou tout intéressé
pourra provoquer la radiation en saisissant la juridiction compétente
statuant en matière urgence. Les recours, selon les voies ordinaires,
peuvent être exercés contre la décision autorisant ou
rejetant la radiation. La juridiction saisie à un délai de huit
jours pour rendre sa décision à compter de sa saisie.
Si le débiteur ne paye pas, le commandement vaut saisie
à compter de son inscription. Des effets importants s'attachent à
cette situation. On peut les regrouper autour de trois
idées :
D'abord le débiteur ne pourra plus accomplir d'actes de
disposition sur l'immeuble. Le conservateur peut refuser toute nouvelle
inscription par le futur créancier hypothécaire ou par le nouvel
acquéreur jusqu'à la consignation d'une somme suffisante pour
acquitter en principal, intérêts et frais. En ce qui concerne les
tiers, ont été informés ou devaient être
informés de la saisie pratiquée ; il n'y a donc aucune
raison de leur accorder une protection spéciale.
Ensuite, les limitations au droit d'administration et de
jouissance. Le débiteur reste jusqu'à l'adjudication en
possession de l'immeuble si celui-ci n'est pas loué, mais c'est en
qualité de séquestre judiciaire. Cela signifie qu'il devra
gérer l'immeuble en bon père de famille, qu'il sera comptable des
fruits et qu'il devra rendre compte de sa gestion.
En fin, l'immobilisation des fruits. A compter du commandement,
les fruits sont immobilisés pour être distribués avec le
prix de l'immeuble et il n'ya pas lieu à distinguer selon qu'il s'agit
de fruits industriels ou civils. Les fruits perdent donc
leur caractère mobilier pour être
considéré fictivement comme des immeubles.
Après le commandement et son inscription à la
conservation foncière. Il devient obligatoire de procéder
à la réalisation de l'immeuble.
La réalisation de l'immeuble.
L'adjudication est le dénouement normal de la procédure, mais il
n'est pas exclu qu'il ait des rebondissements avec les éventuelles
surenchères. Dans tous les cas, il y'a une phase préparatoire qui
gravite autour du cahier des charges.
. La phase
préparatoire : le législateur OHADA a
prévu la rédaction et le dépôt d'un cahier des
charges pour permettre au débiteur, aux créanciers inscrits et
aux éventuels enchérisseurs d'avoir des informations sur les
conditions de la vente et de formuler, s'ils le souhaitent des observations.
Dans un délai de cinquante jours à compter de la
publication du commandement, l'avocat du créancier doit rédiger
un cahier des charges et le déposer au greffe (article 266). Certaines
mentions doivent y figurer, à peine de nullité (article 267 de
l'AU/VE) dispose que, le cahier de charges contient à peine de
nullité :
-l'intitulé de l'acte ;
-l'énonciation du titre exécutoire en vertu du quel
les poursuites sont exercées contre le débiteur et du
commandement avec la mention de sa publication ainsi que des autres actes et
décisions judiciaires intervenus postérieurement au commandement
et qui ont été notifiés au créancier
poursuivant ;
- l'indication du lieu où se tiendra l'audience
éventuelle(1) prévue par l'article 270
ci-après ;
- les noms, prénoms, profession, nationalité, date
de naissance et domicile du créancier poursuivant ;
- les noms, qualité et adresse de l'avocat
poursuivant ;
- la désignation de l'immeuble saisi contenue dans le
commandement ou le procès verbal de description dressé par
l'huissier ou l'agent d'exécution ;
- les conditions de la vente et, notamment, les droits et
obligations des vendeurs et adjudicataires, le rappel des frais de poursuite et
toute condition particulière ;
- le lotissement s'il y'a lieu ;
- la mise à prix fixée par le poursuivant, la
quelle ne peut être inferieure au quart de la valeur vénale de
l'immeuble. La valeur de l'immeuble doit être appréciée,
soit au regard de l'évaluation faite par les parties lors de la
conclusion de l'hypothèque conventionnelle, soit, à
défaut, par comparaison avec les transactions portant sur des immeubles
de nature et de situation semblables.
Au cahier des charges, est annexé l'état des droits
réels inscrits sur l'immeuble concerné, délivré par
la conservation foncière à la date du commandement.
Dans un délai de huit jours à compter de la date
du dépôt au greffe du cahier des charges, le créancier
poursuivant doit faire sommation au débiteur et aux créanciers
inscrits de prendre communication au greffe du cahier des charges et d'y faire
insérer leurs dires (article 269). Il est fixé par l'article 270
de l'AU/VE.
Selon ce texte, la sommation doit indiquer, à peine de
nullité :
Les jours et heure de l'audience éventuelle. C'est au
cours de cette audience qu'il est statué sur les dires et
observations ; de la sorte les incidents vont être
réglés avant l'audience d'adjudication (article 272 AU/VE). Au
cours de cette audience le juge peut, par exemple, ordonner la distraction de
certains biens saisis, si la valeur globale des biens saisis apparaît
disproportionnée par rapport au montant des créances. Le juge
peut également modifier le montant de la mise à prix (article
275). Ensuite, les jours et heure pour l'audience d'adjudication. Mais celle-ci
pourra être prolongée vu les différentes modifications
survenues au cours de l'audience éventuelle.
En fin, l'avertissement que les dires et observations
reçus, à peine de déchéance jusqu'au
cinquième jour avant l'audience éventuelle et qu'à
défaut de former et de faire mentionner à la suite du cahier de
charges, dans ce même délai, la demande en résolution d'une
vente antérieure ou la poursuite de folle enchère d'une
réalisation forcée antérieure, il y'aura
déchéance du droit d'exercer ces actions.
Cette phase préparatoire est clôturée par la
publicité. Cette étape est importante pour que la vente puisse se
faire au meilleur prix.
La publicité ; elle doit être
effectuée trente jours au plus tôt et quinze jours au plus tard
avant la vente(1). Un extrait du cahier des charges doit être
publié par insertion dans un journal d'annonces légales et par
apposition de placards à la porte du domicile du saisi, de la
juridiction compétente ou du notaire devant qui, il est convenu que la
vente doit avoir lieu (article 276 AU/VE).
L'extrait doit, à peine de nullité, contenir les
indications prévues par l'article 277 de l'AU. Il
s'agit :
.des noms, prénoms, domiciles ou demeures des parties et
de leurs avocats ;
.de la désignation des immeubles saisis telle qu'elle est
insérée dans le cahier des charges ;
.de la mise à prix ;
.de l'indication des jours, lieu et heure de l'adjudication du
tribunal compétente ou du notaire convenu devant qui elle se fera.
.L'adjudication.
L'adjudication est un dénouement de la procédure.
Elle a lieu à la barre du tribunal ou en l'étude du notaire
convenu. Il règle en revanche trois problèmes : le moment,
le déroulement et les effets de l'adjudication.
L'adjudication doit être à la date fixée par
l'acte de dépôt du cahier des charges.
Le moment de l'adjudication. L'adjudication doit
être à la date fixée par l'acte de dépôt du
cahier des charges sur la réquisition de l'acte du créancier ou
tout créancier inscrit (article 280).Comme nous l'avons
évoqué, cette date peut être modifiée par de
dire(1) provenant de l'audience éventuelle
Néanmoins, l'adjudication peut être remise pour
cause grave et légitime(²) par décision judiciaire
motivée sur requête déposée cinq jours au moins
avant le jour fixé pour la vente. A cet effet, si la juridiction estime
que les raisons évoquées sont légitimes, elle peut
être fixée de nouveau, le jour de l'adjudication qui ne peut
être éloigné de plus de soixante jours, dans ce cas, le
créancier poursuivant doit procéder à une nouvelle
publicité.
Cette décision judiciaire n'est susceptible d'aucun
recours sauf si la juridiction a méconnue le délai prévu
(soixante jours) (article 281 AU/VE).
Le déroulement de l'adjudication.
Après la réquisition faite par l'avocat du créancier ou
tout créancier inscrit, aura lieu enchères et
clôturées par une décision.
* Les enchères :
les offres sont portées par les enchérisseurs eux-mêmes ou
par l'intermédiaire d'un avocat (article 282 AU/VE). En principe, tout
intéressé peut enchérir.
Il y'a cependant des limites. En effet, ne peuvent
enchérir ceux qui sont frappés d'incapacité de droit
commun (le majeur incapable). Ne peuvent, non plus enchérir, les membres
du tribunal, l'avocat poursuivant, l'étude du notaire devant les quelles
se poursuit la vente, à peine de nullité de l'adjudication ou de
la surenchère et de dommages intérêts (article 284 AU/VE).
Le droit de porter les enchères dans les
législations antérieures était nécessairement
porté par ministère d'avocat, pour éviter les risques
d'incidents entre enchérisseurs.
Aujourd'hui, l'article 282, al3 l'AU/VE de l'Acte Uniforme donne
aux enchérisseurs le droit de porter eux-mêmes les
enchères.
Celui qui fait l'offre la plus élevée est
déclaré adjudicataire. Toute fois, s'il ne survient pas
d'enchères après que l'on a allumée successivement trois
bougies d'une d'environ une minute chacune, le créancier poursuivant est
déclaré adjudicataire pour la mise à prix, à moins
qu'il ne demande la remise de l'adjudication à une autre audience sur
une nouvelle mise à prix (article 283). En cas de remise, si aucune
enchère n'est portée lors de la nouvelle adjudication, le
poursuivant est déclaré adjudicataire pour la première
mise à prix (article 283 dernier alinéa AU/VE).
Lorsque la dernière enchère est portée par
ministère d'avocat, l'avocat denier enchérisseur a trois jours
pour faire connaître le nom de l'adjudicataire et fournir son acceptation
ou représenter son pouvoir. A défaut, il est réputé
adjudicataire en son nom(1).
* La décision d'adjudication. Les biens
sont adjugés à celui qui a porté l'enchère la plus
élevée par décision judiciaire ou procès verbal du
notaire à la suite du cahier des charges.
Lorsque l'adjudication est déclarée
définitive, une expédition de la décision est
déposée dans les deux mois, à l'initiative de
l'adjudicataire, à la conservation de la propriété ou
auprès de l'autorité administrative. Le défaut
d'accomplissement de cette formalité entraine la revente sur folle
enchère.
L'adjudication donne des droits à l'adjudicataire et fait
naitre des obligations à sa charge.
Comme droit, l'adjudicataire acquiert la propriété
du saisi mais seulement cela. C'est ce qu'a prévu l'article 296 aux
termes du quel « l'adjudicataire, même publiée au
bureau de la conservation foncière, ne transmet à l'adjudicataire
d'autres droit réels que ceux appartenant au saisi ». Ce qui
signifie, que, si la propriété saisie était menacée
par une action en annulation, en résolution ou en révocation,
celle de l'adjudicataire serait menacée de la même manière.
Pour protéger l'adjudicataire et éviter des actions dilatoires
des autres créanciers, l'AU prévoit la radiation de tous les
privilèges et hypothèques inscrits qui se trouve purgé par
la vente.
Comme l'adjudication, l'adjudicataire est tenu de toutes les
obligations stipulées dans le cahier des charges et spécialement
de l'obligation de payer le prix. Il doit
payer les frais ordinaires, c'est à dire les frais se
rapportant à la procédure normale. Et aussi les frais
extraordinaires, mais le tribunal peut décider qu'ils seront
prélevés sur le prix d'adjudication.
L'inexécution des obligations de l'adjudication entraine
un certain nombre de conséquence. Tout d'abord les créanciers
colloqués pourront courir aux voies d'exécution. Ensuite, le
greffier ou le notaire pourra refuser de délivrer l'expédition de
la décision ou du procès verbal (article 290 de l'AU).
L'alinéa du même article indique clairement que le défaut
de production, dans les vingt jours de l'adjudication, de la quittance de
paiement et des pièces justificatives peut entrainer les poursuites pour
folle enchère. Si l'adjudicataire exécute ses obligations, il
peut s'attendre légitimement à un transfert de
propriété à son profit. Toutefois, ce transfert ne
s'opère pas toujours, car il peut y avoir des rebondissements avec les
surenchères.
La surenchère. Elle est une
procédure qui a pour but de permettre à tout
intéressé d'obtenir la remise en vente de l'immeuble pour obtenir
un prix plus élevé. Cette procédure doit être
engagée dans les dix jours qui suivent l'adjudication, pourvu qu'elle
soit du dixième au moins du prix principal de la vente (article 287
AU/VE).
Le surenchérisseur formule sa volonté, elle ne peut
être rétractée. La déclaration est mentionnée
sans délai au cahier des charges. Il doit avertir les principaux
intéressés de l'existence de la surenchère. Cette
dénonciation doit être faite dans les cinq jours et par acte extra
judiciaire. La dénonciation comporte l'indication de deux
dates : d'une part, la date de l'audience
éventuelle au cours de laquelle seront jugées des contestations
de la validité de la surenchère. Cette audience ne peut avoir
lieu avant l'expiration d'un délai de vingt jours à compter de la
dénonciation ; d'autre part, la date de la nouvelle adjudication,
la quelle ne peut avoir lieu plus de trente jours après celle de
l'audience éventuelle.
La surenchère peut être contestée dans les
cinq jours au moins avant le jour de l'audience éventuelle. Si la
validité de la surenchère n'est pas contestée, une
nouvelle adjudication est organisée. Si lors de cette adjudication il
n'y a pas d'offres supérieures à la surenchère, le
surenchérisseur est déclaré adjudicataire. Aucune
surenchère n'est possible après cette seconde adjudication
(article 289).
La procédure qui vient d'être décrite peut
être considérée comme la procédure
dépouillée d'incidents. Il est rare, cependant, qu'il n'y en ait
pas.