Contrairement à certaines législations(1)
qui ignoraient la notion d'incidents de la saisie immobilière
(incidents au sens de contestation liées à la saisie
immobilière et soumises à un régime
spécifique), l'AU comporte un chapitre exclusivement consacré aux
incidents.
Il convient de cerner avec précision la notion d'incidents
car il existe une réglementation spécifique applicable aux seules
contestations qualifiées d'incidents de la saisie immobilière.
- La notion d'incidents
La principale difficulté est liée à la
définition même de la notion d'incidents. Les articles 298 et
suivants de l'AU sont la copie presque des articles 718 et suivant de l'ancien
Code de Procédure Civile français. L'AU, comme l'ancien Code de
Procédure Civile français, utilise l'expression
mais ne la définit pas. Il sera donc nécessaire de choisir entre
les deux conceptions envisageables.
Dans une conception extensive, on qualifie d'incident de la
saisie immobilière toute demande née au cours de la
procédure de saisie et de nature à exercer sur elle une
quelconque influence. Une telle conception englobe, dans la catégorie
des incidents, non seulement les contestations de pure procédure, mais
aussi les contestations liées au fond du droit.
Face à cette conception extensive, la conception dite
restrictive ne considère comme incidents de la saisie que les seules
contestations nées de la procédure de saisie ou qui s'y
réfèrent directement et qui sont de nature à exercer une
influence immédiate et directe sur la procédure. C'est à
cette seconde conception que s'est raillée la cour de
cassation(France) depuis un arrêt du 21 mai
1954. Une abondante jurisprudence se rattachant à cette
conception s'est développée ultérieurement. Pour la cour
de cassation, n'ont pas le caractère d'incidents de saisie
immobilière les contestations extérieures ou antérieures
à la procédure de saisie. Tel est le cas des incidents se
produisant avant la saisie et les incidents qui, n'ayant pas pour cause la
saisie, peuvent se retrouver dans toutes les instances. Le rejet, par la cour
de cassation, de la conception extensive est justifié, car cette
conception présente des inconvénients qui se manifestent
notamment en matière de voies de recours.
L'adoption de la conception extensive aurait conduit, en
considérant certaines contestations relatives au fond du droit comme des
incidents et à soumettre les décisions qui les concernent au
régime restrictif de l'article 731 du Code de Procédure Civile
français, qui interdit l'opposition et limite de l'appel.
- le régime des incidents
Il existe deux types de règles ayant vocation à
régir les incidents : les règles communes
à tous les incidents et les règles propres à chaque type
d'incident.
. Les règles communes à tous les
incidents : elles se rattachent à la
compétence et à la procédure d'une part, aux voies de
recours d'autre part.
Tout incident suppose une instance principale. Le tribunal
chargé de cette procédure de saisie est seul compétent
pour trancher les incidents de la saisie immobilière. Ce qui exclut la
compétence de toute autre juridiction.
En ce qui concerne la procédure, elle est
caractérisée par la simplicité et la rapidité.
La procédure est simple, car la contestation ou la demande
est formée par simple acte d'avocat contenant les moyens et conclusions.
C'est seulement lorsqu'elle est dirigée contre une partie n'ayant pas
constitué d'avocat qu'elle est faite par « requête avec
assignation », ainsi que l'indique l'article 298, al1 de l'AU/VE.
Pour ce qui concerne les voies de recours, elle est fixée
par les articles 300 et 301 de l'AU/VE. L'opposition ne peut être
exercée contre un jugement ayant statué sur un incident.
Contrairement l'appel qui est soumis à des règles très
strictes. Il est admis lorsque la décision statue sur le principe
même de la créance ou sur des moyens de fond tirés de
l'incapacité de l'une des parties, de la propriété, de
l'insaisissabilité ou de l'inaliénabilité des biens
saisis. L'appel doit donc être déclaré irrecevable.
Lorsque le jugement attaqué a statué sur des
incidents concernant la régularité formelle de la
procédure de saisie immobilière. En cas d'admission de l'appel,
il est exercé selon les conditions du droit commun. La juridiction
d'appel, lorsqu'elle est régulièrement saisie, doit statuer dans
les quinze jours de l'appel.
Les règles communes à tous les incidents sont
complétées par des dispositions propres à chaque type
d'incident.
. Les règles propres à chaque type
d'incident : l'AU envisage quatre types
d'incidents : les incidents nés de la pluralité de saisies,
les demandes en distraction, les demandes en annulation et la folle
enchère.
Concours des créanciers. Lorsque
plusieurs créanciers poursuivent le même débiteur, il y'a,
le plus souvent jonction des poursuites pour simplifier la procédure et
réduire les frais.
Cette procédure de jonction varie selon que la saisie
porte sur le même bien, ou sur les biens non saisis par la
première saisie, ou pratiquée sur des immeubles
différents.
Lorsque la saisie porte sur les mêmes biens immeubles, le
second créancier ne peut diligenter une procédure
indépendante de la première (règle « saisie sur
saisie ne vaut »). Le conservateur des hypothèques, à
qui est présenté le second commandement, doit refuser de le
publier, mais doit faire mention en marge de la publication du premier. Il
mentionnera également son refus en marge du commandement et y
mentionnera les saisies antérieures. La procédure est toujours
poursuivie par le premier saisissant et désormais, il ne pourrait plus
rayée sans le consentement des créanciers postérieurs.
Quant à la seconde procédure, elle est plus ample
que la première. On suppose qu'elle porte non seulement sur le
même immeuble mais, en outre sur d'autres, non compris dans la
première saisie. En ce cas, le second commandement sera publié,
mais uniquement pour les biens non visés par le premier. Le second
créancier continuera la poursuite sur le tout. En cas de
négligence du premier créancier, le second pourrait reprendre les
poursuites pour le tout.
En fin, les saisies portant sur des immeubles différents.
Si les biens concernés sont dans le même ressort, il y aura,
alors, jonction(1) des procédures, à la requête de
la partie la plus diligenté. Le premier saisissant continuera les
poursuites.
Si les immeubles sont situés dans des ressorts
différents, pas de jonction possible ; sauf si les immeubles
visés font partir d'une même exploitation.
A côté de la procédure de jonction, il y'a
des hypothèses ou un autre créancier demande à être
subrogé dans les poursuites.
Cette subrogation peut être faite dans l'amiable d'une part
(article 304 AU/VE). Lorsque le premier saisissant s'abstient de diriger les
poursuites ; dans ce cas, le second saisissant peut par un acte
écrit adressé au conservateur, demander la subrogation.
Le second cas de subrogation est prévu par l'article 305
AU/VE, ce texte autorise la demande de subrogation s'il y a collusion, fraude,
négligence ou toute autre cause de retard imputable au saisissant.
Une demande de subrogation ne peut intervenir que huit jours
après une sommation infructueuse de continuer les poursuites faite par
acte d'avocat à avocat aux créanciers. En cas de subrogation, la
procédure est reprise par le subroger ; et le premier saisissant
est déchargé des obligations qui pesaient sur lui.
A partir de ce moment, la poursuite se fait « aux
risques et périls du subrogé »
Les demandes en distraction. La distraction est
l'incident de la saisie immobilière par lequel un tiers qui se
prétend propriétaire de l'immeuble cherche à le soustraire
à la saisie. Cette demande peut être présentée
après l'audience éventuelle, mais seulement jusqu'au
huitième jour avant adjudication. La demande en distraction suspend les
poursuites si elle porte sur la totalité des biens. En cas de
distraction partielle, le poursuivant est admis à changer la mise
à prix portée au cahier des charges. L'article 308 de l'AU/VE
donne le droit de soulever au seul propriétaire et écarté
les tiers.
Les demandes en annulation. Elles constituent
les incidents les plus fréquents de la saisie immobilière, car
les conditions de fond et de forme sont nombreuses.
Lorsqu'il s'agit d'une demande dirigée contre la
procédure suivie à l'audience éventuelle, elle peut
être présentée après l'audience éventuelle,
mais seulement jusqu'au huitième jour avant l'adjudication.
L'article 313 de l'AU admet la demande en nullité de la
décision judiciaire ou de procès verbal notarié
d'adjudication. La dite demande doit être adressée dans le
délai de quinze jours à compter de l'adjudication. La demande en
nullité est prononcée, si celui qui s'en prévaut, prouve
qu'il a subit un grief. Une liste limitative est dressée par l'article
299 de l'AU/VE dans la mesure où la nullité n'est pas
subordonnée à un grief, lorsque la formule en cause n'est pas
visée par le texte.
La folle enchère. On peut d'emblée
se demander si la folle enchère est un incident de la saisie
immobilière, car, étant dirigée contre l'adjudicataire,
cette procédure intervient après l'adjudication et
l'expropriation forcée de l'immeuble. Il s'agit donc plus d'une suite de
la saisie immobilière que d'un incident.
Elle est ouverte à tout débiteur ou
créancier, si l'adjudicataire manque à ses obligations. C'est
à dire si, dans les vingt jours suivant l'adjudication, il ne justifie
pas qu'il a payé le prix et les frais et satisfait aux conditions du
cahier des charges, ou si, dans les deux mois suivant l'adjudication, il ne
fait pas publier la décision d'adjudication à la conservation
foncière (article 314 AU/VE). Dans cette hypothèse, une nouvelle
vente aux enchères est organisée, pour mettre à
néant l'adjudication précédente. Cette récente est
de nouveau soumise à diverses formalités relatives à la
publicité et aux notifications à effectuer auprès des
intéressés (articles 317 et 319 AU/VE).
Si toute fois, le premier adjudicataire, dit fol
enchérisseur, justifie avant la revente qu'il a exécutée
ses obligations, et à condition qu'il consigne une somme suffisante
pour faire face aux frais de la procédure de folle enchère,
il n'y a pas de nouvelle adjudication (article 320 AU/VE). Si la nouvelle
adjudication a lieu mais qu'il n'est pas porté d'enchère, la mise
à prix peut être réduite, dans la limite d'un quart de la
valeur vénale de l'immeuble. Si, malgré cette réduction de
la mise à prix, aucune enchère n'est à nouveau
portée, le créancier qui a intenté la procédure de
folle enchère est déclaré adjudicataire, pour la
première mise à prix (article 322 AU/VE).
Le fol enchérisseur ne peut enchérir sur la
nouvelle adjudication. Il est cependant tenu des intérêts de son
prix jusqu'à la date de la nouvelle adjudication. En outre, il est tenu
de la différence entre son prix et le prix de la deuxième
adjudication, lorsque celui-ci est plus faible. En revanche, si le
deuxième prix est plus élevé que le premier, la
différence ne lui profite pas (article 323 AU/VE).