Sous l'empire des législations antérieures des
Etats parties, la saisie des créances à fin d'exécution
était essentiellement connue sous la dénomination de saisie
arrêt.
La saisie arrêt encore appelée saisie opposition est
une saisie par laquelle un créancier saisissant bloquait entre les mains
d'un tiers appelé tiers saisi les sommes ou objets mobiliers corporels
appartenant à son débiteur et qui étaient en la possession
de ce tiers, de se faire attribuer ultérieurement par décision de
justice ces sommes ou le prix de vente des biens meubles.
L'AU adopte des terminologies nouvelles en distinguant deux
sortes de saisie de créances à fin d'exécution : la
saisie attribution et la saisie et cession de
rémunérations(²).
-La saisie-attribution
Elle est la voie d'exécution forcée qui permet
à un créancier de saisir entre les mains d'un tiers,
appelé tiers saisi les créances portant sur une somme d'argent
autres que les créances de rémunération du travail et de
se faire attribuer les dites sommes dès l'exploit de saisie. On retrouve
ici le mécanisme de la saisie arrêt traditionnelle mais, elle
était malheureusement soumise à une procédure longue et
complexe. C'est pour quoi le législateur OHADA a fait recours à
cette nouvelle forme de saisie pour simplifier désormais la
procédure au profit des créanciers qui détiennent un titre
exécutoire.
Mais exceptionnellement, seule la législation
malienne(1) l'avait prévue. La saisie attribution est
exclusivement une saisie à fin d'exécution. La suppression de sa
nature conservatoire aura des incidents aussi bien sur les conditions, la
procédure que les incidents de la saisie attribution.
Les conditions. Elles font intervenir trois
personnages et deux créances.
Les sujets de cette catégorie de saisie,
comprennent ; le créancier, le débiteur saisi et le tiers
saisi.
Tout créancier personnel du débiteur saisi qu'il
soit chirographaire ou privilégié, peut pratiquer la saisie
attribution des créances de sommes d'argent de son débiteur qui
se trouve en la possession d'un tiers, le tiers saisi (article 153 de l'AU).
Les ayants causes universels (héritiers, légataire) peuvent
procéder à une saisie attribution à la place de l'auteur.
La même solution s'impose pour l'ayant cause particulier (donataire,
cessionnaire d'une créance).
A la place du créancier saisissant peuvent agir d'autres
personnes. Il peut s'agir de représentant légal (par
exemple ; tuteur) ou conventionnel (mandataire).
Le deuxième personnage est le débiteur saisi.
Comme dans toutes les saisies, le débiteur saisi est le débiteur
du créancier saisissant. On rappellera ici quelques règles
générales sur les saisies. Ainsi la saisie attribution ne pourra
être dirigée contre les personnes qui bénéficient
d'immunité. Les créanciers de l'Etat ne pourront poursuivre, par
voie de saisie attribution, le recouvrement de leurs créances.
Aucune saisie ne serait possible contre les collectivités
publiques telles que le département ou la commune, ni contre les
établissements publics.
Le troisième personnage est le tiers saisi. Les articles
153 et suivants de l'AU font simplement référence au tiers saisi
comme étant le détenteur de créance de sommes d'argent
appartenant au débiteur saisi. Comme son nom l'indique, le
tiers doit d'une part, avoir la qualité de tiers à
l'égard du saisi, être débiteur envers lui. Mais une
situation plus curieuse se présente en cas de saisie sur soi
même.
Avoir la qualité signifie que le tiers doit être
débiteur du débiteur saisi en principe. A côté de
cette qualité, peuvent être considérés comme des
tiers, les personnes qui agissent au nom et pour le compte du débiteur.
Tel est, notamment, le cas de l'avocat, du notaire ou du représentant
légal du débiteur mineur. Ils bénéficient de cette
qualité en vertu d'un pouvoir autonome.
De même, peuvent avoir la qualité de tiers saisi, le
banquier du débiteur saisi ou de séquestre (pour ce dernier cas
uniquement en matière de saisie vente).
Au contraire, un préposé du débiteur saisi
(par exemple : son caissier) n'a pas la qualité d'un tiers. L'on
peut affirmer que l'existence d'un lien de subordination est exclusive de la
qualité de tiers saisi.
De plus l'on peut invoquer, en faveur de la validité de la
saisie attribution sur soi même (article 106, al2 AU/VE) dont les
dispositions autorisent le créancier saisissant à pratiquer une
saisie sur soi même lorsqu'il détient légitimement des
biens appartenant à son débiteur. Aussi, si le créancier
saisissant se retrouve à la fois créancier et débiteur du
débiteur saisi, il peut faire pratiquer une saisie attribution des
sommes dues par lui au saisi en se fondant sur la dette réciproque de
celui-ci à son égard en attendant de faire jouer les
règles de la compensation. La compensation ne peut jouer que si les deux
dettes sont liquides et exigibles. La saisie attribution sur soi même est
accordée au créancier d'une part, pour lui protéger contre
l'insolvabilité du débiteur et d'autre part, contre
l'intervention des autres créanciers.
Après les sujets, les conditions de la saisie attribution
prend en compte deux catégories de créances.
Il s'agit d'une part la créance, cause de la saisie
attribution et d'autre part la créance, objet de la saisie attribution.
La créance, cause de la saisie est la créance du
saisissant contre le débiteur saisi. Selon les termes de l'article 153
de l'AU cette créance doit être liquide et exigible et figure sur
un titre exécutoire. Contrairement à l'ancienne saisie
arrêt qui pouvait commencer sans titre, la saisie attribution sans un
titre exécutoire n'existe pas (une innovation de l'AU sur les
conditions de forme).
La créance, objet de la saisie attribution est la
créance du débiteur saisi contre le tiers saisi. La saisie
attribution ne porte qu'exclusivement les créances de sommes d'argent
à l'exclusion des créances de salaire (article 153). Cette
solution s'explique par le fait que l'AU a institué une
spécifique aux rémunérations (article 173 et suivants). La
créance que l'on désire bloquer doit exister au jour de la saisie
sous peine de nullité de la saisie attribution pour faute d'objet. Ainsi
le créancier ne peut pratiquer la saisie attribution de créances
que le débiteur serait appelé à recueillir dans une
succession non ouverte. Ainsi contrairement à la créance, cause
de la saisie attribution, la créance, objet de la saisie attribution n'a
pas besoin d'être certaine et exigible. Il suffit que la créance
soit fondée seulement dans son principe.
Elle peut être une créance à terme ou une
créance conditionnelle. Ex : créance de
loyer. Elle doit aussi être une créance disponible,
c'est-à-dire une créance saisissable. En effet les
créances de sommes d'argent déclarées insaisissables par
la loi telles que la provision et pension alimentaires ne peuvent, en principe
constituer l'objet d'une saisie. Une fois, ces conditions réunies, la
procédure peut être engagée.
La procédure de la saisie-attribution
. L'opération de saisie. A la
différence de la saisie vente, la saisie attribution de créance
ne nécessite pas la signification préalable au débiteur
d'un commandement de payer. La procédure est initiée au moyen de
la signification par l'huissier au tiers saisi d'un acte de saisie (article
157). L'AU contient des dispositions détaillées quant à la
procédure qui doit être poursuivie par l'huissier.
Ainsi, dans un délai de huit jours, à peine de
nullité, la saisie doit être dénoncée au
débiteur par acte d'huissier. Cet acte doit notamment contenir
l'indication que le débiteur peut soulever des contestations dans le
délai d'un mois de la dénonciation (article 160 AU/VE). En ce qui
concerne les banques et les établissements financiers, une
procédure spéciale leur en est prévue.
C'est ainsi que pour les banques et établissements
financiers, l'AU prend un certains nombre de disposition. En effet, si le tiers
saisi est une banque ou autre établissement financier, il doit
déclarer la nature des comptes du débiteur, ainsi que leur solde
au jour de la saisie. Ces soldes deviennent indisponibles à cette date,
s'il peut être démontre, dans le délai des quinze jours
ouvrables qui suivent la saisie, que des opérations de crédit ou
de débit avaient été effectuées avant la date de la
saisie mais n'avaient pas encore fait l'objet d'une inscription au compte.
Dans de tels cas, le solde indisponible peut être
augmenté ou diminué afin de tenir compte de ces opérations
(article 61 AU/VE). Par Exemple : si un chèque a
été remis à l'encaissement par le débiteur avant la
saisie, il pourra être porté au crédit du compte
après. A l'inverse, si ce chèque a été
crédité avant, mais qu'il revient impayé, son montant peut
encore être débité du compte dans les quinze jours. Comme
en droit français, les règles posées par l'article 161 de
l'AU prennent quelques libertés avec les principes admis en droit
bancaire (et notamment avec les règles de transfert de la provision des
chèques et effet de commerce) dans le souci de protéger le
saisissant.
. Les contestations. Dans le cas ou le
débiteur soulève des contestations. Le juge autorise le paiement
immédiat de toute partie de la créance qui n'est pas
contestée (article 171). Par ailleurs, lorsqu'il apparait que ni le
montant de la créance du saisissant ni la dette du tiers saisi ne sont
sérieusement contestables, le juge peut ordonner l'exécution
provisoire, assortie ou non de la constitution par le créancier de
garantie (article 171). Cette disposition vise à protéger le
créancier de toute contestation purement dilatoire.
. Paiement. Le tiers saisi procède
directement au paiement du créancier sur présentation d'un
certificat du greffe attestant qu'aucune contestation n'a été
formée par le débiteur avant l'expiration du délai d'un
mois dont-il dispose, ou sur présentation d'une décision
exécutoire de la juridiction rejetant la contestation, selon le cas
(article 164 AU/VE). Le débiteur peut également consentir par
écrit au paiement avant l'expiration du délai de contestation. Si
la saisie porte sur une créance à exécution successive, le
tiers saisi se libère à la fin et à mesure des
échéances prévues (article 167 AU/VE). Le paiement est
effectué par le tiers saisi contre quittance entre les mains du
créancier saisissant ou du mandataire de celui-ci justifiant d'un
pouvoir spécial (article 165 AU/VE).
Les incidents. A ce niveau, nous faisons recours
aux règles générales communes à la saisie vente
mais avec quelques spécificités.
Le débiteur peut exercer l'action en réduction
lorsque la cause de la saisie avait été antérieurement
diminuée avant la saisie. Le débiteur peut exercer l'action en
nullité lorsque la créance (cause) est prescrite. Cette action
peut également être exercée par le tiers saisi mais cette
fois-ci c'est l'objet de la saisie qui est prescrite. Le débiteur peut
également exercer l'action en nullité si les conditions de fond
ou de forme ne sont pas réunies.
L'incident peut être soulevé aussi par les autres
créanciers. Ici, il y'a lieu de distinguer les créanciers. Toute
action exercée par le créancier postérieur à la
saisie est nulle. Le créancier, qui pratique la saisie le même
jour d'une saisie précédente, participe à la distribution
du prix.
Quel que soit l'incident, la juridiction territorialement
compétente est celle du domicile ou du lieu où demeure le
débiteur. Si celui-ci n'a pas de domicile connu, la juridiction du
domicile ou du lieu ou demeure le tiers saisi sera compétente (article
169 AU/VE).
- La saisie et cession des rémunérations
. La saisie des
rémunérations :
Conditions. Tout créancier muni d'un
titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et
exigible peut faire procéder à la saisie des
rémunérations dues à son débiteur par l'employeur
de ce dernier (article 173 AU/VE). Toutefois, compte tenu de la nature
particulière de la créance saisie, ainsi que de la gravité
de la situation qu'une telle saisie pourrait créer pour le
débiteur, il est nécessaire de passer tout d'abord par une
tentative de conciliation devant la juridiction du domicile du
débiteur (article 175 et 179 et suivant). Une saisie ne peut être
pratiquée qu'en cas d'échec de cette tentative de conciliation et
après vérification
par la juridiction compétente du montant de la
créance et le cas échéant, de toutes les contestations
soulevées par le débiteur (article 182 AU/VE).
Tous les montants ne sont pas saisissables, c'est ainsi que
chaque Etat membre de l'OHADA détermine dans sa législation
nationale, la proportion de la rémunération qui demeure
insaisissable, afin que le débiteur ne soit pas privé de
l'intégralité de ses ressources. En outre, l'AU dispose que tous
les montants qui sont compris dans la rémunération brute, mais
qui sont retenues à la source par l'employeur pour le paiement des taxes
et autres cotisations obligatoires, toutes indemnités de frais, et
toutes prestation pour charge de famille, etc. Sont insaisissables, tout comme
les indemnités déclarées insaisissables par la
législation de l'Etat membre concerné (article 177 AU/VE). Il
convient donc de vérifier les dispositions légales de chaque Etat
membre lorsqu'une saisie sur rémunération doit être
effectuée. Au Mali la solution est donnée par l'article 705 du
Code de Procédures Civiles, Commerciales et Sociales.
Procédure. L'opération de saisie.
La saisie n'est pas pratiquée par huissier, comme c'est le cas pour les
autres types de saisie, mais par le greffier de la juridiction
compétente. Le greffier notifie l'acte de saisie à l'employeur,
par lettre recommandée avec accusé de réception ou par
tout autre moyen laissant trace écrite dans les huit jours de l'audience
de conciliation ou dans les huit jours suivant l'expiration des délais
de recours si une décision a été rendue (article 183).
L'employeur doit déclarer au greffe la situation de droit existant entre
lui-même et le débiteur, ainsi que toute saisie
préexistante (article 184 AU/VE). L'employeur qui n'effectue pas cette
déclaration ou dont la déclaration est inexacte peut être
déclaré personnellement débiteur des retenues à
opérer, sans préjudice d'une condamnation aux dommages
intérêts (article 185). Il doit également déclarer
au greffe toute modification de ses relations juridiques avec le
débiteur qui sont de nature à influencer sur la procédure
(article 186 AU/VE).
Paiement. Une fois que la saisie lui a été
notifiée, l'employeur doit adresser tous les mois au greffe (ou à
l'organisme spécialement désigné à cet effet par
l'Etat membre concerné), le montant des sommes retenues sur le salaire
du débiteur en vertu de la saisie (article 188). Cette somme est
immédiatement reversée au créancier (article 195).si
l'employeur omet d'effectuer un versement, il peut être
déclaré personnellement débiteur (article 189 AU/VE).
Changement d'employeur. Si le débiteur change
d'employeur au cours de la procédure, le créancier peut
poursuivre la saisie entre les mains du nouvel employeur, à condition
d'en faire la demande dans l'année qui suit la déclaration que
doit faire l'ancien employeur de cette modification de ses relations juridiques
avec le débiteur (article 204 AU/VE). En cas de pluralité des
créanciers. Tout créancier muni d'un titre exécutoire peut
intervenir à la procédure de saisie, par requête
adressée à la juridiction compétente (article 190 AU/VE).
Dans ce cas, aucune procédure de conciliation n'est nécessaire,
et les créanciers viennent en concours, sous réserve des causes
légitimes de préférence. C'est une différence
essentielle avec la saisie attribution de droit commun, dans laquelle, on l'a
vu, le premier saisissant l'emporte en principe sur tous les autres.
.Cession des
rémunérations :
A l'instar des législations antérieures des Etats
parties(1), l'AU réglemente la cession de
rémunération parallèlement à la saisie de
rémunération
Au lieu des versements effectués par
l'intermédiaire du greffe, le débiteur peut autoriser, dans la
limite de la fraction saisissable, par déclaration au greffe, à
la cession d'une partie de sa rémunération à son
créancier (article 205 AU/VE). Par la suite, l'employeur verse alors
directement au créancier les sommes cédées par le
débiteur (article 207 AU/VE). Si une nouvelle saisie intervient
ultérieurement, le créancier cessionnaire est
réputé saisissant pour les sommes qui lui restent dues, et les
versements qui lui restent dues, et les versements qui lui reviennent doivent
être effectués auprès du greffe (article 208 et 209 AU/VE).
Si la nouvelle saisie prend fin avant la cession, le cessionnaire retrouve les
droits qu'il tenait de l'acte de cession, et les versements sont de nouveau
effectués directement par l'employeur au créancier cessionnaire
(article 210 AU/VE). S'il existe de fortes présomptions que la cession
n'a été faite par le débiteur que pour se soustraire
à des obligations dues à un autre créancier, ce dernier
peut intenter une procédure en annulation de la cession. En attendant
une décision définitive, les sommes concernées peuvent
être consignées entre les mains du greffier (article 211
AU/VE).
Lorsque le créancier est un Créancier
d'aliments, les articles 213 et suivant de l'AU instituant une
procédure simplifiée de saisie des rémunérations.
Cette procédure qui est dépourvue de toute formalité (et
pour laquelle, semble t-il le créancier est dispensé de la
tentative de conciliation), ne peut porter que sur les sommes saisissables. Le
créancier d'aliments peut toutefois, se voir accorder une
priorité absolue par rapport à tous les autres créanciers
quels que soient le rang de leur privilège.
Les incidents. Comme toute saisie, la saisie de
rémunération peut être aboutir à des incidents. Tout
créancier muni d'un titre exécutoire peut, sans tentative de
conciliation préalable, intervenir à une procédure de
saisie des rémunérations en cours, afin de participer à la
répartition des sommes saisies (article 190, al1). L'intervention du
créancier second saisissant doit être formée par
requête.
L'intervention de ce second saisissant doit, par suit, être
notifiée au débiteur saisi et au(x) premier(s) saisissant(s) par
lettre recommandée ou par tout autre moyen laissant trace écrite
(article 191 AU/VE).
Le débiteur saisi peut contester cette intervention par
déclaration au greffe de la juridiction compétente à tout
moment de la procédure de saisie. En ce cas, la contestation est jointe
à la procédure en cours (article 192, al1 AU/VE).
C'est le président qui procède à la
répartition des sommes versées entre les mains du
créancier. Il dresse un procès verbal indiquant le montant et
frais à prélever, le montant des créances
privilégiées s'il en existe, et le montant des sommes
attribuées aux autres créanciers (article 198, al2). Ce
procès verbal peut faire l'objet de contestation. Cette contestation
doit être faite dans le délai des quinze jours qui suivent la
notification du procès verbal (article 200 AU/VE). Dans ce cas, les
sommes revenant au créancier sont consignées.
Pour ce qui concerne la mainlevée, les
règles générales communes à tous les incidents sont
applicables à la saisie de rémunération. Elle doit
être notifiée à l'employeur dans les huit jours qui suivent
(article 201, al2 AU/VE).
Contrairement à la saisie vente et à la saisie
conservatoire, existe un autre type de saisie qui a pour objectif d'assurer
l'exécution d'une obligation de faire et non d'une obligation de
payer.