De la lieralisation des telecommunications en rdc: analyse de la loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002( Télécharger le fichier original )par Guy musimba moneo UPC - Licence 2010 |
Section 2 : des faiblesses de la loi-cadre n°013/2002 sur les télécoms.Dans tout état de choses, toute loi bien qu'elle apporte des innovations mais elle ne manque pas de failles, aussi dans cette section il nous sera utile de faire une analyse objective de certaines dispositions de la loi-cadre, de sa mise en application effective telle qu'évoquée dans notre problématique. A titre d'exemple des conflits de compétences entre l'ARPTC et le Ministère des PTT ; de la tutelle de l'ARPTC et de l'ouverture aux opérateurs privés. Ainsi, en quelques lignes nous aurons à développer et à tirer de ses faiblesses. L'une des plus grandes innovations introduites dans la quasi-totalité des lois africaines en matière de télécoms, c'est celle de l'Autorité de Régulation et en RDC c'est l'ARPTC C'est celle, qui fera objet tournant de notre critique bien que nous aurons à traiter d'autres points. §1. L'Autorité de Régulation.Avec ces évolutions, de nouvelles exigences d'encadrement des faits juridiques par un fonctionnement optimal des télécoms ont été capturées par le législateur congolais. Mais de nombreux faits juridiques de la société en mutation échappent encore à la lecture du législateur et des éminents conseillers (ARPTC, en l'occurrence) en matière de télécommunications. En effet, la loi portant création de l'ARPTC, dispose en son article 3, points j) et k) que l'autorité de régulation a pour mission d'analyser et étudier de façon prospective l'évolution, aux plans national et international, de l'environnement social, économique, technique et juridique des activités du secteur, puis de suggérer toutes modifications législateurs ou réglementaires qui lui paraissent nécessaires à l'évolution des secteurs des télécoms et au développement de la concurrence. Malheureusement, la comparaison des dispositions pertinentes de la loi n° 013/2002 du 16.10.2002 sur les télécoms, de la loi n° 014/2002 de la même date portant création de l'ARPTC et de certains actes réglementaires, comme par exemple le décret n° 003/027 du 16.9.2003 fixant les attributions des Ministères du Gouvernement de la Transition révèle de graves conflits d'attributions entre ces deux organes. Avant la correction apportée par l'ordonnance n° 07/18 du 16 mai 2007 fixant les attributions des ministères, la principale contradiction existant principalement entre la loi et les actes réglementaires (décrets et arrêtés interministériels) sue lesquels l'administration bénéficiaire se fonde pour asseoir son action au préjudice de la loi censée cependant se situer à un niveau supérieur de l'ordonnancement juridique. Les matières faisant l'objet de conflits de compétences sont reprises ci-dessous. Il y a lieu de noter également de nombreuses lacunes de nos lois ainsi que des zones d'ombres entretenues par celles-ci sans compter les faiblesses que certains textes présentent face au contrôle théorique de la légalité. A. Quelques cas concrets des conflits de compétences. 1. homologation des équipements. L'homologation qui, d'après la loi n°014/2002 précitée entre dans les attributions de l'ARPTC, est une décision par laquelle l'ARPTC attribue à un équipement traitant ou émettant des signaux radioélectriques l'autorisation d'être importé, commercialisé, vendu ou détenu sur l'ensemble du territoire de la RDC, aux regard des conditions techniques publiées par l'ARPTC. Cette même compétence est dévolue au Ministère dans le chapitre II de l'Arrêté Ministériel n°CAB/MIN/PTT/0027/31/93 du 18 nov. 2003fixant les conditions d'exercice des activités du secteur de télécoms. Dans cette confusion, le Ministre des PTT a repris cette matière comme acte générateur des recettes (5% de la valeur CIF) pour son département dans l'Arrêté Interministériel n°005/CAB/MIN/PTT/2005 et n°110/CAB/MIN/FINANCES/2005 du 29 juillet 2005 portant fixation de taux de droits, taxes et redevances à percevoir à l'initiative du Ministre des PTT. Et pourtant, sur la même matière l'ARPTC a adopté la décision n°024/ARPTC/CLG/2006 relative à la directive fixant le régime d'homologation des équipements terminaux et installations des télécoms. 2. Gestion des fréquences. L'article 8 au point e) la loi-cadre sur les télécoms de même que l'article 3 au point g) de la loi portant création de l'ARPTC attribuent compétence à cette dernière de gérer et contrôler les fréquences, assigner les fréquences nécessaires au fonctionnement de toute station de radiodiffusion sonore et de télévision. Cette même compétence était dévolue au Ministère des PTT, l'article 1er, point B.21, 3ème et 4ème tiret du Décret du 16 Septembre 2003 en ces termes : polices des ondes,-centralisation et gestion nationale des fréquences...) Cette confusion préjudicie gravement le bon déroulement de l'exploitation des télécoms d'autant plus que les fréquences constituent la ressource première et que leur assignation à plusieurs opérateurs à la fois créée des interférences qui nuisent principalement aux intérêts des consommateurs. De surcroît, bien des opérateurs se retrouvent avec des assignations de fréquences sur papier, mais techniquement inexploitable parce que l'organe d'attribution ne maîtrise aucune donne de terrain. Pour ce faire, l'on ne tient compte d'aucun état d'occupation antérieure des bandes de fréquences par les opérateurs, encore moins des assignations accordées en parallèle par le Ministère ou l'ARPTC. 3. Le plan national de numérotation. L'article 8 au point f. de la loi-cadre sur les télécoms ainsi que l'article 3 au point e. de la loi portant création de l'ARPTC confie l'élaboration et la gestion du plan de numérotation à l'ARPTC. La même compétence était dévolue au Ministère des PTT en vertu du décret du 16 Septembre 2003 précité, point 21,2ème tiret. Par conséquent, certains « harcèlements fiscaux » ont pu être constatés. La taxe sur la numérotation qui constitue l'une des ressources propres à l'ARPTC au terme de l'article 21.a.c de la loi 014/2002 du 16.10.2002 portant création de l'ARPTC fait également l'objet des réclamations de paiement de la part du Ministère des PTT sur base des points XV 22 et 26 de l'Arrêté Interministériel n°005/CAB/MIN/PTT/2005 et n°110/CAB/MIN/FINANCES/2005 du 29 juillet 2005 portant fixation des taux et redevances à percevoir à l'initiative du Ministre des PTT.37(*) En réalité, le Ministère des PTT insistait erronément sur les éléments du plan de numérotation qu'il a érigé en taxes à savoir le country code 243, le préfixe d'identification du réseau et le code sémaphore, dont les deux dernières sont créées par l'Arrêté Interministériel précité sans avoir été prévues par la loi 04/015 du 16 juillet 2004 portant nomenclature des actes générateurs des recettes. Le meilleur exemple concret des conséquences peut être fourni dans l'expérience de Celtel Congo RDC. En effet, par sa décision n°006/CLG/ARPTC/2004 du 30 Août 2004, le collège de l'ARPTC en vertu des pouvoirs lui reconnus par le législateur avait décidé d'attribuer à la Société Celtel Congo les blocs de numéros de téléphone à dix digits (099 MCDU). Après la publication de cette décision au journal officiel de la République, le Ministère des PTT a considéré comme non avenue la décision de l'ARPTC au motif que l'organe qui a pris la décision n'était pas compétente rationae materiae en la matière. Le Ministère s'appuyait sur les dispositions du Décret n°03/27 du 16.10.2003 fixant les attributions du Ministère. 4. Règlements des conflits entre opérateurs. L'article 8 au point a. de la loi n°014/2002 portant création de l'ARPTC dispose : l'ARPTC a la compétence de veiller aux dispositions légales et réglementaires et d'arbitrer avec équité les litiges entre opérateurs ; cela en vue d'instaurer et de maintenir une concurrence légale et durable. En même temps, le point B.21, 8ème tiret de l'article 1er du décret du 16.12.2003 précité confiant au Ministère des PTT l'arbitrage des conflits entre opérateurs du secteur des postes, téléphones et des télécommunications. Et pourtant, le législateur a limité de manière univoque l'intervention du Ministre des PTT en matière de règlement des litiges à la seule signature et/ ou édiction d'un arrêté relatif à la procédure, aux sanctions et aux règlements même des litiges (article 6 de la loi 014/2002 du 16.10.2002). Bien plus grave : le ministre des PTT n'a jamais pris cet Arrêté. Face à la carence d'action du Ministre, l'ARPTC a pris deux décisions normatives déjà citées supra lors de l'inventaire des textes des télécommunications. Au cours de l'année 2003, le bilan d'arbitrage des conflits par l'ARPTC fut très encourageant. Le rapport public d'activités de l'ARPTC au cours de cette année là renseigne sur sa saisine par les opérateurs dans les litiges ci-après : Oasis vs Celtel, Vodacom vs Sogetel, Celtel vs Sogetel. Tous ces litiges portaient essentiellement sur le niveau du coût et règlement de l'interconnexion, l'arbitrage de l'ARPTC a permis de vider ces différends et concilier les opérateurs.38(*) 5. Interconnexion. L'Autorité de Régulation a pour mission selon les lois n°013/2002 et 014/2002 précitées, respectivement en leurs articles 8 point d et 3 point e de définir les principes d'interconnexion et de tarification des services publics des postes, téléphones et télécommunications selon les modalités du Décret loi du 20 mars 1960 sur la réglementation des prix. Aussi, en application de ces dispositions le collège de l'ARPTC a rendu publique sa décision n°016/ARPTC/CLG/2006 du 23 juin 2006 portant définition des principes d'interconnexion.39(*) Sans désemparé, l'article 1er du Décret 03/027 du 16.9.2003 précité, au 11ème et dernier tiret de son point B, octroyait au Ministère des PTT l'attribution consistant en la définition et l'application des principes d'interconnexion et de tarification des services publics des PTT40(*). Certes, le Ministère n'avait pas encore activé cette prérogative réglementaire lui dévolue ; mais si tel devrait un jour être le cas, l'on pourrait aisément imaginer l'impact négatif d'un tel cafouillage dans un domaine aussi sensible que celui des prestations réciproques offertes par tout exploitant de réseaux ouverts au public qui permettent à l'ensemble des utilisateurs de communiquer librement entre eux quelque soient les réseaux auxquels ils sont raccordés ou les services qu'ils utilisent. Le segment du marché de l'interconnexion représente en moyenne pour les Entreprises des télécoms 30 à 35% de leur chiffre d'affaires. B. Les lacunes de la loi-cadre. 1. Tutelle de l'Autorité de Régulation. Il est repris dans l'exposé des motifs de la loi-cadre n°013/2002 du 16 Octobre 2002 sur les télécoms que l'Autorité de Régulation des Télécommunications du Congo est placée sous le pouvoir hiérarchique du Ministre des PTT. Et pourtant, la loi 014/2002 portant création de l'ARPTC stipule que l'ARPTC est une administration qui est dotée d'une personnalité juridique et relève du Président de la République. La lecture de cet exposé des motifs de la loi-cadre et des articles 1 et 2 de la loi portant création de l'Autorité de Régulation, relève une contradiction qui donne lieu à des interprétations. Dès lors un débat est né, alimenté par la lutte de préséance entre deux institutions de l'Etat opérant dans le même secteur : Ministère et l'ARPTC, un champ estimant que le ministre ayant en charge les télécommunications est l'autorité titulaire de l'organe de régulation du Congo et que, par conséquent, cette dernière doit se soumettre aux règles régissant la tutelle en RDC. Les autres soutiennent que l'Autorité de Régulation ne dépend pas du Ministre des PTT, cela est dit nulle part dans le corps de la loi qui créée cette dernière, ni encore moins dans la loi-cadre. Dans l'esprit du législateur, l'indépendance de l'ARPTC tel que libellé à l'article 1 alinéa 2, c'est vis-à-vis des opérateurs et du gouvernement. Au regard de toutes les dispositions précitées, il y a lieu de soutenir cette dernière thèse, car l'autorité de régulation ne dépend pas du Ministre en charge des télécommunications quand bien même l'exposé des motifs le souligne. En compulsant le corps des dispositions de deux lois, elles ne font aucune collusion quant à la dépendance hiérarchique de cet organe vis-à-vis du Ministre. Ce sont des rapports de collaboration et de complémentarité de deux structures en matière bien déterminée de la régulation. La loi étant claire, on ne peut pas évoquer l'exposé des motifs qui du reste, accompagne la loi et ne sert qu'à expliquer les dispositions de celle-ci lorsqu'elles sont lacunaires ou ambiguës. En évoquant l'article 2 de la loi 014/2002 qui dispose que l'Autorité de Régulation relève du Président de la République, ne serait-il pas une contradiction avec le soutènement de cette dernière thèse ? Relever la Président de la République ne s'agit-il pas d'une dépendance hiérarchique ? Lorsque nous lisons les dispositions de la loi portant création de l'ARPTC, nulle part il est dit que cette dernière a comme tutelle le Président de la République. La tutelle constitue l'ensemble des moyens de contrôle dont disposent l'institution ou l'organe titulaire de l'Entreprise. La tutelle est d'ordre administratif, judiciaire, technique, économique ou financier. Elle s'exerce sur les personnes comme sur les actes à tous les niveaux et à tous les stades de la procédure. Il n'en est pas le cas avec l'ARPTC, le président de la République n'intervient pas à tous les stades de l'activité de cet organe. Ainsi, en matière de budget de l'ARPTC, l'organe qui l'approuve est le collège et non pas le Président de la république. De même, toutes les décisions prises par le collège en matière de régulation ne sont pas homologuées par le Président de la République. Le fait de faire relever l'Autorité de Régulation de la haute autorité du pays, sert à souligner justement d'avantage cette indépendance. C'est juste un rattachement et non un pouvoir titulaire. Il est vrai que l'article 28 de cette même loi fait allusion aux comptes de l'Autorité de Régulation qui sont susceptibles de vérification par un cabinet d'audit externe. Et à cet effet, le rapport est adressé au Président de la République, au Ministre des Finances et au Ministre des PTT. Cette disposition n'apporte rien quant à la dépendance de l'Autorité de Régulation vis-à-vis de ces institutions précitées, à savoir : l'ARPTC et le Président de la République. Lepage conclut qu'il y a lieu de considérer donc la tutelle attribuée par l'exposé des motifs de la loi-cadre sur les télécoms est une coquille.41(*) 2. Décret fixant les modalités de calcul et le montant de redevance de la taxe de régulation. En combinant les articles 21 et 1re alinéa 2 de la loi portant création de l'ARPTC, il faut retenir qu'il est conféré à l'ARPTC la personnalité civile impliquant une autonomie financière. Pour autant, il doit disposer des ressources ordinaires et des ressources extraordinaires. Les ressources ordinaires de l'ARPTC comprennent : · Les revenus de ses prestations ; · Les produits des frais administratifs liés à l'étude des dossiers d'octroi ou de renouvellement des licences et/ou d'autorisations, d'agrément des équipements terminaux et, plus généralement ; · Le produit de toute redevance en relation avec la mission de l'Autorité de Régulation ; · La taxe de numérotation ; · La taxe de régulation ; · Les taxes parafiscales autorisées par la loi financière. En revanche, les ressources extraordinaires comprennent : · Les avances remboursables du trésor, d'organismes publics ou privés ainsi que les emprunts autorisés conformément à la législation en vigueur ; · Les subventions, dons, legs et toutes autres recettes en rapport avec son activité. L'alinéa 4 de ce même article dispose que les ressources ordinaires citées ci-haut doit faire l'objet d'un Décret du Président de la République pour fixer les modalités de calcul, le taux et le montant des redevances, frais. En lieu et place de ce décret du Président de la République (qui à l'époque exerçait le pouvoir réglementaire non pas par ordonnance), un premier arrêté a été pris en attendant la signature de ce Décret. Ainsi, un Arrêté Interministériel n°006/CAB/MIN/FIN&BUD/2003 et n°001/CAB/MIN/PTT/2003 du 25/01/2003 portant et fixant la taxe terminale sur les communications entrantes a été signé pour permettre à l'ARPTC qui venait d'être mise en place d'avoir les moyens financiers pour son fonctionnement, quand bien même il était illégal, les opérateurs ont contribué de bonne foi. Mais pendant qu'on attendait la signature du decret supra, la loi n°05/008 du 31/03/2005 modifiant et complétant la loi n°04/015 du 10 juillet 2004 fixant la nomenclature des actes générateurs des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participation a intégré la taxe de régulation et la taxe de numérotation au budget de l'Etat en tant que recettes non fiscales et fixe la procédure de leur perception par la DGRAD pour le compte du trésor public. La loi susdite entre en contradiction avec la loi portant création de l'Autorité de Régulation qui a une autonomie financière. Les recettes de cet organe n'ont jamais été inscrites au budget pour ordre. En sus, elles ne sont pas générées par des actes spécifiques tels que définis par la loi n°04/15 du 16 juillet 2004. Elles sont payées à l'Autorité de Régulation par les exploitants des services publics des télécoms comme une contribution pour le fonctionnement de cette dernière. Au mépris de toutes dispositions, sur décision du gouvernement 20% de la taxe de régulation sont affectés au trésor public, sur décision du Ministre des Finances répartissant le solde de 80% entre différents bénéficiaires de la manière ci-après : 38% à l'ARPTC, 5% au Ministère des PTT et le reste à l'OCPT. Sans modifier la loi portant création de l'Autorité de Régulation en ce qui concerne les dispositions relatives aux ressources de cette dernière, la procédure introduite par la nouvelle loi empêche l'Autorité de Régulation de remplir les missions qui lui sont confiées et compromet la réalisation des investissements que cette dernière s'emploie à déployer. * 37 Journal officiel, n°Spécial, 1er nov. 2005, Kinshasa, 46ème année, colonnes 57-60. * 38 Voir a cet effet page 18 du rapport public d'activités ARPTC, 2003. * 39 Journal officiel, n°15, 1er Août 2006, Kinshasa, 47ème année, col 13 et suivante * 40 Définition tirée de la loi-cadre sur les télécoms. * 41 Ndukuma Adjayi, op cit, p170. |
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