2-2-2/ Caractéristiques individuelles et
sociales des redoublants au CM2
L'appartenance sociale des élèves est une des
causes les plus souvent évoquées pour expliquer la
réussite scolaire. Dès 1966, Bourdieu montre une forte
corrélation entre l'origine sociale d'un élève et ses
chances de réussite à l'école. Cette corrélation a
ensuite été régulièrement vérifiée et
elle reste toujours importante aujourd'hui. On peut interpréter ce
phénomène selon plusieurs facteurs. En invoquant les
déficiences du milieu familial (handicap socioculturel),
l'héritage culturel (intérêt pour la lecture et les
activités intellectuelles, etc...) est parfois fort
éloigné des normes scolaires. Aussi l'écart entre le
langage à l'école et le langage à la maison est parfois
important, en particulier lorsque la langue maternelle est différente.
D'autre part, le système des valeurs de la famille détermine
l'attitude de l'élève vis à vis de l'école.
Certains parents accompagnent la scolarité de leurs enfants. D'autres
l'ignorent, ou sont bloqués par des obstacles (activité
professionnelle, tâches domestiques). A l'inverse, d'autres parents, du
fait de leurs exigences « entravent la volonté propre de leurs
enfants ». (G. Chabert-Ménager, 1996). Il apparaît donc
que du fait de leur origine familiale, certains enfants doivent faire un
travail d'apprentissage beaucoup plus important que d'autres. Jacques
Lévine (2001) exprime ces difficultés familiales en ces
termes ; « il devient de plus en plus fréquent de voir des
enfants envahis par les problèmes familiaux, qui arrivent donc en classe
en étant ailleurs, qui ne sont pas disponibles pour les
apprentissages ».
· Caractéristiques démographiques de
l'élève redoublant aux CM2
Les caractéristiques démographiques de
l'élève redoublant que nous considérons dans le cadre de
cette étude sont l'âge, le sexe, résidence en famille ou en
tutorat.
L'âge de l'élève redoublant au CM2 peut
influencer ces performances en classe et lors des examens. Un enfant de seize
ans n'aurait pas les mêmes réactions qu'un élève de
onze ans face aux exactions de leurs enseignants. Il serait moins soumis que le
second, et n'est donc pas disposé à apprendre comme ses pairs. Ce
sont les élèves plus âgés qui deviennent les
élèves perturbateurs, dont l'influence serait imitée par
les autres redoublants (Duru-Bellat, 2004). Au Togo, surtout dans cette
étude nous avons constaté que la majorité des
élèves de CM2 ont moins de seize ans. Moins de 50% de nos
enquêtés ont entre 6 ans et 11 ans, et moins de 50%
également ont un âge situé dans l'intervalle de 11 ans et
16 ans. Le croisement de cette donnée avec les données de
l'âge règlementaire au CP1 nous permet d'affirmer que cette
seconde moitié de notre échantillon a un retard scolaire qui peut
être dû à un retard d'entrée au CP1, ou aux
redoublements précoces successifs. Dans cette seconde moitié,
nous avons observé plus d'élèves dans les
établissements publics que dans les établissements privés.
De même, le sexe est déterminant dans la
réussite scolaire au Togo. Au Togo, comme dans la plupart des pays de
l'Afrique la fille est plus proche de sa mère que le garçon. Elle
aide plus souvent sa mère dans les tâches ménagères.
Chaque matin, avant d'aller à l'école, une fille au Togo a
l'obligation de rendre la maison propre avec sa mère avant de se
préparer pour l'école. Dans l'exécution de ces
tâches, elle se fatigue avant d'arriver à l'école, elle est
souvent en retard ou elle se réveille vite et ne dort donc pas
suffisamment, elle n'a pas autant de temps que le garçon pour la
révision de ses cours. Cette étude nous confirme que la
majorité des redoublants au CM2 sont de sexe féminin. Elles font
plus de la moitié de nos enquêtés. Elles
représentent 56,90% des élèves enquêtés. Ce
fait est observé tant dans les écoles publiques que dans les
écoles privées.
Par ailleurs, nous avons également identifié un
autre facteur qui influence significativement la réussite à un
examen, ici le CEPD. Il s'agit de la résidence de l'enfant. Dans cette
étude, nous nous sommes intéressés à la
résidence des élèves avec leurs parents ou avec les
tuteurs. Il a été prouvé par d'autres études que le
suivi des élèves en classe par leurs parents soit un facteur de
réussite des enfants. Ainsi selon que l'enfant réside avec ses
parents est un facteur de motivation scolaire. Ces derniers, qu'ils soient du
milieu favorisé pour la réussite scolaire ou pas transmettent
à l'enfant leur vision ou leur attente de ce dernier. Ce qui constitue
une motivation pour les performances scolaires des enfants. Dans le contexte de
cette étude, un élève redoublant a beaucoup plu besoin
d'un soutien financier, d'affections et d'encouragement pour pouvoir s'adapter
aux conditions requises pour la réussite scolaire. En interrogeant les
redoublants enquêtés dans cette étude, nous constatons que
la plus part des redoublants résident avec leurs parents. Ils seraient
alors suffisamment protégés, motivés et soutenus par leurs
parents pour réussir au CEPD. Cependant, s'ils reprennent plusieurs fois
le CEPD, il serait plus raisonnable d'identifier les causes plus dans les
redoublements successifs que dans une manque de soutien familial.
· L'origine sociale des redoublants qui échouent au
CM2
Certaines approches théoriques ont essayé
d'expliquer, par le passé la réussite et/ou l'échec
scolaire au moyen de leurs disciplines respectives comme la psychologie, la
sociologie, la philosophie, la biologie et autres. Certaines tendances
utilisent le déterminisme social pour expliquer la réussite et/ou
l'échec scolaire des élèves. Ces courants de pensée
tiennent pour principales responsables des redoublements les familles des
redoublants. Les redoublements ont pour origine essentielle l'environnement
socioculturel du redoublant. Même si ces théories ont
été nuancées par Duru-Bellat et Mingat cités par
Francine Best (1997), force est de constater après analyse de cette
étude que les redoublements sont plus fréquents dans les familles
en situation défavorisée pour réussir à
l'école. Dans le cadre de cette étude les indicateurs tels la
profession du père et de la mère de famille, le niveau
d'instruction du père et de la mère de famille et la langue
parlée à la maison sont très déterminants pour la
réussite au CEPD des redoublants enquêtés.
La profession du père de famille conditionne la
réussite scolaire des enfants au Togo. Le père étant le
premier responsable de la famille, sa profession détermine sa
disponibilité et sa capacité de financement pour
l'éducation des enfants. Au moyen de cette analyse, on compte sur le
champ de cette étude presqu'autant de redoublants dans les
catégories professionnelles considérées. Ces
résultats n'infirment pas les résultats des études
antérieures qui ont vérifié que certaines
catégories professionnelles sont plus favorisées dans la
réussite scolaire des enfants que d'autres. Dans le champ de cette
étude, certaines catégories professionnelles sont sous
représentées. Les catégories professionnelles
considérées sont les commerçants, les enseignants, les
bureaucrates, les cultivateurs et d'autres (le zémidjan, le travail
domestique, la menuiserie, la coiffure, la couture, ect...). Aussi, nous avons
considéré la profession des mères de famille. Ce sont les
mères de famille qui sont plus en contact avec les enfants au Togo.
Ainsi leurs professions pourraient aussi déterminer la performance, la
motivation et la persévérance des redoublants. Elles sont celles
qui apportent plus d'affection aux enfants surtout ceux qui sont en
difficulté. Or dans le champ de notre étude la majorité
des redoublants ont pour mères ou tutrices des commerçantes.
Cette fonction qui est libre par définition, demande des mères ou
tutrices un sacrifice de temps pour suivre leurs enfants redoublants à
l'école. Ces analyses nous permettent d'affirmer que la profession des
parents, malgré qu'elle soit déterminante pour la réussite
scolaire, n'est pas très significative dans cette étude. Nous
avons compté presqu'autant de redoublants des les catégories des
pères, et enquêté plus de redoublants dont les mères
ou tutrices sont des commerçantes.
D'autre part le niveau d'étude atteint par les parents
surtout les mères de familles a été démontré
très déterminant pour la réussite scolaire des
élèves. Il l'est encore plus pour les enfants en
difficulté de réussite. Le niveau d'étude du père
et de la mère de famille oriente et définit une vision
d'instruction et de formation pour les enfants de la famille. Cet indicateur
permet également de suivre la scolarité des enfants. Il peut
également déterminer le niveau et les types de soutien que
peuvent apporter les parents aux enfants en difficulté de
réussite scolaire. C'est ce que Pierre Bourdieu et Jean Claude Passeron
ont démontré à travers le concept du capital culturel. Ils
définissent le capital culturel comme « les biens culturels
qui sont transmis par les différentes actions pédagogiques
familiales » (Bourdieu et Passeron, 1970). Ce capital culturel
agirait sur les performances scolaires de l'enfant par un processus de
développement de compétences et de dispositions logiques
préparant à la réussite scolaire, ou encore par la prise
en compte des comportements des parents envers l'école (Dumais Susan,
2002). Dans notre champ d'étude, la majorité des redoublants ont
au moins des pères de niveau d'instruction primaire. Seulement peu des
redoublants enquêtés ont des pères qui n'ont aucun niveau
d'instruction. Ce qui suppose que les pères des redoublants
enquêtés ont la compétence et la capacité de les
suivre du moins à ce niveau d'instruction. Et si nous considérons
le niveau d'instruction des mères de nos enquêtés, la
majorité d'entre elles ont un niveau d'instruction limité au
primaire. Elles sont également plus nombreuses que les pères
à n'avoir aucun niveau d'instruction. Elles sont néanmoins
disposées à suivre et à soutenir leurs enfants en
difficulté de réussir au CEPD.
Par ailleurs, la langue parlée à la maison est
également mis en corrélation avec les performances scolaires des
élèves. Au Togo, la langue d'instruction est le français.
Les familles qui pratiquent cette langue comme langue maternelle disposent
avantageusement leurs enfants à l'école que les familles qui
parlent à la maison les langues locales. La langue étant un
véhicule de transmission des valeurs culturelles, les
élèves issus des familles qui pratiquent le français comme
langue maternelle possèdent avant leur entrée à
l'école d'un vocabulaire français leur permettant de communiquer
avec l'enseignant. Ils sont ainsi plus proche des enseignants et
bénéficient de leur estime, et de leur affection. Aussi le
français parlé à la maison permet aux élèves
de ces familles de vite et mieux comprendre les enseignements que les
élèves qui n'utilisent pas cette langue à la maison. Au
Togo, plus de la moitié des élèves ne parlent pas le
français à la maison. Ils partagent avec les parents la langue
locale. Nous observons ces élèves plus dans les écoles
publiques que dans les écoles privées. Parmi les
élèves qui partagent la langue française avec leurs
parents, les écoles privées abritent plus de 30% de nos
enquêtés. Ceci dit, la langue parlée à la maison
n'influence pas de trop les performances des redoublants au CM2 dans le
contexte de cette étude. C'est ainsi que d'autres facteurs d'analyse
comme les redoublements précoces pourraient plus éclairer sur les
échecs des redoublants au CEPD.
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