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Du contentieux constitutionnel en RDC. Contribution à  l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle

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par Dieudonné KALUBA DIBWA
Université de Kinshasa - Doctorat en droit 2031
  

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§4. A travers la Constitution du 18 février 2006

C'est l'âge d'or du contentieux électoral législatif et présidentiel dont les retombées théoriques font l'objet des larges développements de cette étude.673(*) Il faut d'emblée souligner l'éclosion d'une jurisprudence certes titubante néanmoins susceptible d'être améliorée.

A cette période qui correspond finalement aux arrêts rendus après les élections de juillet et octobre 2006, il faut singulièrement attacher le développement de la notion d'actes législatifs. En effet, dans l'arrêt R.A. 320 du 21 août 1996 dit arrêt Tshisekedi, cette notion est déjà développée en ces termes : « ...le vocable actes législatifs dont le contrôle est proscrit couvre non seulement les lois stricto sensu ou les textes ayant valeur de loi, mais également tout document ou acte émanant ou accompli dans l'exercice du pouvoir législatif ».674(*)

Cet arrêt pris dans son contexte de 1996 est celui qui met le frein aux élans libérateurs de 1993 déjà signalés mais, en même temps et paradoxalement, il sera utilisé par le juge constitutionnel d'après 2006 comme référence pour protéger les droits de l'homme.

Nous verrons en effet plus loin qu'à l'occasion des affaires Trésor Kapuku Ngoy et Célestin Cibalonza Byatarana contre les Assemblées provinciales respectivement du Kasaï Occidental et du Sud Kivu, le juge constitutionnel transitoire a tenu pour acte législatif la motion de censure adoptée contre ces deux gouverneurs de province.

La haute Cour a utilisé, dans un style on ne peut plus concis et précis, la catégorie d'acte législatif comme une sorte de couperet à l'encontre des arguments tendant à son incompétence matérielle qui n'ont pas manqué d'être soulevés par la défense des Assemblées provinciales.

Au-delà de la critique théorique évidente que l'on peut faire auxdits arrêts pour cause qu'ils mélangent les actes d'assemblée avec les actes législatifs, il y a lieu d'y voir aussi, peut-être, une volonté délibérée du juge constitutionnel de saisir tous les actes politiques par le droit.675(*)

Il y a là sans conteste un développement de la notion d'actes législatifs dans un sens qui a premièrement abouti à l'incompétence du juge administratif et dans un second moment à la compétence du juge constitutionnel pour contrôler les actes mêmes dits d'assemblée. Le débat sur cette notion et d'autres, montre, si besoin en était encore, que le droit constitutionnel est en processus de saisir les débats politiques en République démocratique du Congo à travers le juge constitutionnel.676(*)

Sans anticiper sur les retombées de ces arrêts qui pourraient justifier amplement une autre étude, l'on peut affirmer que trois décisions de la Cour suprême de justice de l'époque d'après l'année 1990 c'est-à-dire pendant les deux transitions sont révélatrices déjà de cette tendance à contrôler les actes d'assemblée que la doctrine française677(*) et belge678(*) soustrait du champ du contentieux administratif.679(*)

Par ailleurs, il ne faudra pas perdre de vue que les élections législatives et même celles des gouverneurs de province ont donné lieu à une jurisprudence qui, au-delà de la controverse qu'elle a pu susciter, présente au moins l'avantage d'enrichir le droit public congolais.680(*)

En effet, il importe d'épingler ici les nombreux arrêts d'irrecevabilité pour cause de défaut de qualité manifeste ou même non apparente dans le chef des requérants du contentieux de candidature681(*) ou même de ceux des contestions électorales proprement dites682(*)ou des contestations référendaires qui ont été le fait malheureusement de quelques partis politiques minoritaires ou même marginaux ou marginalisés683(*)

Ici, s'est posée la question de la recevabilité de la tierce-opposition aux arrêts de la Cour suprême de justice en matière électorale.684(*) N'oublions pas toutefois que le juge électoral suprême a quelques fois siégé sur pied des communiqués de presse ouvrant par là une voie royale à des contestations aussi nombreuses que variées qui ont émasculé son autorité devant les autres instances de l'Etat.685(*)

En revanche, le contentieux électoral présidentiel n'a pas été riche en notions susceptibles d'appuyer l'Etat de droit. Ainsi que nous le verrons bientôt, le juge constitutionnel en cette matière a emprunté le raisonnement de son collègue de cassation évitant ainsi d'aller dans les marées hautes du droit constitutionnel.

Il importe cependant de dire en guise de conclusion que le contentieux constitutionnel congolais a eu des beaux moments et d'énormes difficultés qu'il nous appartient ici d'épingler et de tenter de résoudre.

En effet, les droits de l'homme ont été durant cette période mieux protégés par le juge constitutionnel qui s'est moins déclaré incompétent en raison sans doute du fait de la démocratisation du pays mais aussi par l'onction que semble avoir donné le peuple congolais par référendum au texte constitutionnel.

Au demeurant, la déclaration par trop fréquente d'incompétence par un juge saisi pour trancher une querelle politique très vive dans la société peut être perçue à la fois comme un signe de sagesse institutionnelle, si tant est que cela soit envisageable, et un message sûr que le juge a pris position pour un de camps en refusant de se prononcer. Il en a été ainsi lors de la période antérieure à la Constitution de transition de 2003.686(*)

Le développement de la notion de justice constitutionnelle en République démocratique du Congo n'offre pas encore un visage assuré pour que, dans cette étude, nous ayons la prétention d'arrêter déjà les traits caractéristiques de cette institution-mécanisme. A défaut de ce faire, nous pouvons néanmoins étudier les mécanismes institutionnels de l'organisme chargé de contrôler la légalité constitutionnelle dans ses aspects de compétence.

L'on peut aussi affirmer que l'étude de la compétence est une approche de pure technique juridique mais qui doit allier la perspective finaliste687(*) de l'Etat de droit qui se laisse appréhender ici comme le droit fil de toute l'étude. En effet, sans cette perspective, l'étude des compétences du juge constitutionnel dans un contexte d'autocratie dénotera d'une sécheresse du point de vue heuristique car elle sera uniquement descriptive.688(*)

Il s'agit là aussi de voir comment le prescrit constitutionnel trouve application dans de cas concrets avant d'énoncer, comme il sied dans une étude de ce genre, quelques propositions susceptibles d'améliorer la compétence de notre juridiction constitutionnelle.

* 673 Le greffe de la Cour suprême de justice indique plus de deux cents dossiers enrôlés en matière électorale. C'est le lieu de déplorer la décision interdisant la vente du Bulletin des arrêts rendus en matière électorale qui empêche justement des statistiques fiables.

* 674 Voir Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, Années 1990-1999, éditions du service de documentation et d'études du ministère de la justice, Kinshasa, 2003, pp.161-162.

* 675 Voir les développements fort remarquables que consacre à ce phénomène, FAVOREU (L.), La politique saisie par le droit, Alternance, Cohabitations et conseil constitutionnel, Paris, Economica, 1998. Cependant, s'agissant de la République démocratique du Congo, l'on peut s'interroger si les juges ont toujours présente à l'esprit cette nécessité de limiter le pouvoir en élargissant corrélativement l'espace pacifié des droits et libertés fondamentaux : l'interrogation est capitale mais elle mérite de développements ailleurs.

* 676 Lire WETSH'OKONDA KOSO, « La définition des actes législatifs dans l'arrêt de la Cour suprême de justice R.Const 051TSR du 31 juillet 2007 à l'épreuve de la Constitution du 18 février 2006 », La constitution en Afrique, site web appartenant au professeur Stéphane BOLLE.

* 677 CHAPUS (R.), Droit administratif général, 2 tomes, 15ème édition, Paris, Montchrestien, 2001.

* 678 LEWALLE, Contentieux administratif, coll. de la Faculté de droit de l'Université de Liège, 2ème édition, Bruxelles, Larcier, 2002, p.576, n°351. Cet auteur dit qu'aucun prescrit juridique ne soustrait ces actes du contrôle du juge administratif mais dans la pratique, le Conseil d'Etat se déclare incompétent en référence à la notion d'actes de gouvernement qui n'a dès lors qu'un fondement doctrinal et jurisprudentiel.

* 679 Voy VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op.cit, p.857. L'auteur fait toutefois une nuance en distinguant le juge administratif du juge constitutionnel qui n'est pas en principe limité comme l'est le premier.

* 680 Nous faisons allusion entre autres ici à la définition de notions de majorités absolue et relative en jurisprudence congolaise à partir de l'arrêt rendu en appel dans l'affaire concernant l'élection du Gouverneur de la province du Bas-Congo. Nous y reviendrons.

* 681 Voir CSJ, Djuma Anabeku, Arrêt RCDC005/KN du 10 avril 2006, inédit ; La Convention chrétienne pour la démocratie, Lisanga Bonganga, RCDC 012/KN du 13 avril 2006, inédit ; Bonioma Kalokola Alou, RCDC 004/KIN, inédit.

* 682 Voy CSJ, Lumbala Mbuyi Joseph, RCE/DN/KIN 024 du 2 novembre 2006, inédit ; P.P.R.D., RCE/DN/KN/067 du 21 octobre 2006, inédit ; Mouvement du 17 mai, M17, RCE PR006 du 4 septembre deux mille six, inédit ; Rassemblement congolais pour la démocratie, RCE PR 007 du 4 septembre 2006, inédit ; Parti Démocratie Chrétienne, RCE PR 008 du 4 septembre 2006, inédit ; Mukungubila Mutombo Paul Joseph, RCE PR 005 du 1er septembre 2006, inédit ; Parti Rassemblement pour une nouvelle société, RCE PR 004 du 4 septembre 2006, inédit ; Kombo Mambu Mingi, RCE PR 001 du 31 août 2006, inédit ; Alliance des démocrates congolais, RCE PR 002 du 2 septembre 2006, inédit ; Fonus, RCE PR 003 du 4 septembre 2006, inédit.

* 683 Voir CSJ, La générale libre socialiste, arrêt RCE 09/05 du 11 janvier 2006, inédit ; Bossasi Epole Bolya Kodya, arrêt du 1er février 2006, inédit.

* 684 L'acceptation par la haute Cour de cette voie de recours tantôt sur pied du code de procédure civile tantôt sur base de la procédure devant la Cour suprême de justice révèle, à coup sûr, un tâtonnement théorique évident sur le fondement légal de cette voie de recours extraordinaire. Nous y reviendrons en détail au chapitre III de cette partie.

* 685 Lire BOSHAB (E.), « Le principe de la séparation des pouvoirs à l'épreuve de l'interprétation par l'Assemblée nationale des arrêts de la Cour suprême de justice en matière de contentieux électoral », in MBATA B. MANGO (sous la direction de), Participation et responsabilité des acteurs dans un contexte d'émergence démocratique, Actes des journées scientifiques de la faculté de Droit de l'Université de Kinshasa du 18 au 19 juin 2007, PUK, 2007, pp. 27-32.

* 686 Il nous a été donné de voir que chaque fois que la classe politique était en ébullition en attente d'une solution juridictionnelle, le juge s'est retranché derrière la notion de compétence ratione materiae pour, en fin de comptes, laisser le problème entier ou en tous cas, à l'avantage du camp qui détient la réalité du pouvoir.

* 687 Voy LUCHAIRE (F.), « De la méthode en droit constitutionnel » in R.D.P., Paris, n° 4, 1981, pp.123-176.

* 688 Lire NGONDANKOY NKOY ea LOONGYA (P.G.), Le contrôle de constitutionnalité en République démocratique du Congo. Etude critique d'un système de justice constitutionnelle dans un Etat à forte tradition autocratique, Thèse de doctorat en droit public, Université catholique de Louvain, 2008.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon