4.2.7 : La prise en charge thérapeutique
Une des mesures thérapeutiques les plus anciennes est
le repos absolu au lit en décubitus latéral gauche. Il
est sensé réduire les chiffres tensionnels et améliorer la
perfusion utéro-placentaire en libérant la compression de l'aorte
et de la veine cave inférieure due à la dextrorotation droite de
l'utérus. Son utilité tend à être contestée
et certains auteurs le trouvent même délétère car il
augmente le risque thromboembolique, sans que son effet bénéfique
soit clairement établi (19,30). Dans notre étude, il a
été systématique chez toutes les patientes, mais nous
n'avons pas noté de complications thromboemboliques.
A ce repos au lit, on y adjoint un traitement
hypotenseur. L'alpha-méthyldopa est largement
utilisé en cas d'hypertension modérée (= 16/10 cm
Hg) à dose progressive de 500mg à 1500mg/24
heures. En cas de pic hypertensif on y associe une
gélule d'Adalate® rapide 10mg. En cas de HTA
sévère ou en cas d'échec des antihypertenseurs
précédents, la clonidine (catapressan®) est
utilisée par voie intraveineuse en perfusion continue à dose
progressive. Le choix du catapressan® nous semble être
dicté par sa disponibilité. Le Nepressol® (Hydralazine)
ou la Trandate® (Labétalol) autre fois utilisé en cas
d'éclampsie n'est plus disponible au CHUK (36). En France, la
Loxen® (nicardipine) est le médicament de première
intension en cas d'hypertension gestationnelle ou de
pré-éclampsie sévère (7). Elle a une action
vasodilatatrice puissante et une action rapide, mais son inconvénient
est qu'elle est contre indiquée en cas d'usage du sulfate de
magnésium
qui constitue le meilleur traitement en cas de crise
d'éclampsie (30). Aux Etats-Unis, Sibaï (30) utilise en
première intension la Labétalol (Trandate®)
jusqu'à la dose maximale de 220 mg et si
inefficace, il ajoute la nifédipine rapide par voie orale. Le
traitement antihypertenseur influence peu le pronostic de la grossesse, son
seul objectif est d'éviter les à-coups hypertensifs responsables
des accidents vasculaires cérébraux chez la mère. A
l'opposé un traitement hypotenseur trop énergique aggrave la
souffrance foetale car il réduit la perfusion utéro-placentaire
(18, 19,33). Il est recommandé de ne pas abaisser les chiffres
tensionnels en dessous de 14/9 cm Hg. Les
études comparant l'abstention thérapeutique ou placebo au
traitement antihypertenseur jusqu'à l'accouchement en cas de HTA
modérée ne montrent aucun bénéfice sur le pronostic
foetal, sauf une petite réduction du risque d'évolution vers une
HTA sévère (37). Pour Sibaï (30), le traitement de HTA
modérée peut retarder le diagnostic de l'HTA sévère
et recommande une bonne surveillance sans traitement antihypertenseur.
L'abstention thérapeutique est légitime devant une hypertension
légère à modérée (systolique
<16cm Hg et/diastolique <10 cm Hg).
En cas de prématurité précoce
(<34SA) l'administration d'un
corticoïde permet de réduire les conséquences
liées à la prématurité. Dans notre
étude 86,11% des patientes admises entre 26 et
34SA ont reçu du déxaméthasone (12mg en IM
renouvelé 24h après). Une étude prospective
randomisée en double aveugle d'une série de 218 patientes
ayant une pré-éclampsie sévère et
un âge gestationnel compris entre 26 et 34 SA, certaines
recevant de la bétaméthasone (n =110),
d'autres un placebo (n=108) a montrée une
réduction de 53% du syndrome de détresse respiratoire chez celles
qui ont reçu du bétaméthasone. La
corticothérapie était également associée
à une réduction du risque d'hémorragie intra
ventriculaire du nouveau-né (RR : 0,35), du risque d'infection
néonatale (RR : 0,39) et du risque de décès
néonatal (RR : 0,5). Si on considère les complications
maternelles, il n'y pas de différance entre les deux groupes (38).
En cas d'éclampsie ou d'existence de signes
annonciateurs d'une crise d'éclampsie, le traitement de choix
est le sulfate de magnésium (4g en 15 minutes suivies d'une dose
d'entretien de 1 à 2 g/h à la pousse seringue électrique,
jusqu'à 24h post-partum (18,19). En effet, une étude
multicentrique randomisée menée dans 33
pays, incluant 10141 femmes (571 recevant du
sulfate de magnésium, 570 recevant un placebo) a montrée et
sans risque pour le foetus, une réduction du risque
d'éclampsie et de la mortalité maternelle de 50% dans le
groupe traité par sulfate de magnésium par rapport au groupe
recevant un
placebo (39). L'usage du sulfate de magnésium
exige une surveillance spéciale (fréquence respiratoire,
diurèse, réflexes ostéo-tendineux). En cas de surdosage
(dépression respiratoire, abolition des ROT), il faut arrêter le
traitement et administrer une ampoule de gluconate de calcium qui est
son antidote. Les benzodiazépines (diazépam,
clonazépam, midazolam) sont une alternative, mais sont
responsables d'une intoxication chez le nouveau-né de
sévérité et de durée variable (jusqu'à 15
jours) avec dépression respiratoire, troubles de
thermorégulation, troubles de la succion, hypo réactivité,
hypotonie, pouvant être suivie d'un syndrome de sevrage
(hyperexcitabilité, trémulations, et troubles digestifs à
type de diarrhées et de vomissements (7). Dans notre étude
le traitement de la crise d'éclampsie a fait appel au
Diazépam (Valium®). Le sulfate de magnésium n'a pas
été utilisé car indisponible au CHU de
Kamenge. Son usage doit être promu et sa disponibilité garantie
car son intérêt par rapport aux autres anticonvulsivants a
été démontré.
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