II- Les comités locaux de l'eau de Bouza et
Madaoua
La première étape de mise en place des CLE
a consisté à une caractérisation de la basse vallée
de la Tarka en
27 sous bassins. Les CLE de Bouza et Madaoua couvrent 11
de ces sous bassins (5 pour le CLE de Bouza et 6 pour celui de
Madaoua).
Plusieurs étapes ont suivi la
caractérisation, jusqu'à l'installation officielle des CLE : la
rencontre d'information, l es ateliers thématiques , la m ise en commun
des plans d'action GIRE et l'élection du bureau du CLE .
1 Ces piézomètres ne sont plus
suivis aujourd'hui.
Un déficit d'information, une faible
participation des acteurs (surtout les communes) sont deux des principaux
problèmes pour le fonctionnement des CLE. Au Burkina Faso
également (SP/PAGIRE), les CLE s'appuient principalement sur des canaux
d'information de leurs membres ; il n'y a pas un système propre. Ce qui
a comme conséquence une fragmentation, une dispersion et des niveaux et
degrés différents d'information au sein des CLE.
En outre, l'évolution des activités des
CLE est très lente. Cela est principalement dû au manque de
moyens, surtout financiers dont ils font face avec leur faible capacité
à les mobiliser ; toute chose qui constitue un blocage financier au bon
déroulement des activités des CLE.
En effet, il y a un besoin de ressources
financières pour la mise en oeuvre des CLE. L'existence de telles
ressources est une des bases de la viabilité de la gestion locale de
l'eau. La question du développement d'une capacité autonome
suffisante de financement des interventions dans le domaine de l'eau
apparaît du reste comme le maillon déterminant du processus
d'innovation institutionnelle engagé avec la volonté de
l'élaboration du PANGIRE. Il est donc prioritaire aux membres du CLE et
aux acteurs de l'eau en général de songer à
réfléchir par rapport aux stratégies de financement des
actions des CLE.
Mais, les stratégies de mobilisation des
ressources financières dans le cadre de l'action des CLE, à la
différence des réflexes habituels d'assistanat et de
dépendance, doivent traduire avant tout, la solidarité et
l'unité d'action stratégique de leurs membres. (MA/H/RH, 2004).
Dans la basse vallée de la Tarka, les CLE de Bouza et Madaoua ont de ce
fait initié des cotisations annuelles de 10 000 F CFA par village, mais
beaucoup de villages restent encore réticents. Tout de même la
seule disponibilité financière des CLE actuellement demeure dans
les appuis que le projet GWI-Niger leur apporte.
Tous les deux CLE ont également ficelé
des dossiers de projets, conformément à leurs plans d'action,
mais n'arrivent pas à obtenir le financement nécessaire à
leur mise en oeuvre. Ce qui nous a amené à ajouter sur la liste
des blocages, un manque de techniques de plaidoyer des membres de bureaux des
CLE. Au Burkina Faso, les mêmes problèmes en matière de
processus de plaidoyer sont rencontrés au niveau des CLE (SP/PAGIRE) et
la gestion de l'information constitue la principale contrainte pouvant entraver
l'efficacité du processus de plaidoyer.
Le projet GWI-Niger est actuellement entrain d'envisager
les possibilités de la mise en place d'un fonds GIRE au niveau de basse
vallée de la Tarka.
En plus du blocage financier, il y a un blocage
social. En effet, l'évolution lente des activités des CLE a
tendance à créer un climat de méfiance des usagers
vis-à-vis des CLE. Il se pose également au niveau des populations
locales, un problème d'habitude de l'assistanat. De même, il y a
contradictions avec le pouvoir traditionnel: par définition, la GIRE a
une vision élargie (bassin), alors que souvent le pouvoir traditionnel
en matière de gestion du terroir est plus local.
Dans les zones des CLE de Bouza et Madaoua, les
communes et les CLE évoluent quasiment en marge les uns des autres. Les
contraintes qui entravent l'existence d'un partenariat efficace entre les deux
sont de plusieurs ordres :
Tout d'abord, la mise en place des CLE est assez
récente (2010) et coïncidait avec des bouleversements politiques
ayant marqué le Niger ces dernières années (Coup
d'état, transition militaire...) entraînant du coup une
instabilité des institutions politiques. Ce qui fait que les élus
locaux continuellement renouvelés ne s'imprègnent pas facilement
de ce processus. Le blocage à ce niveau est d'ordre juridique. Il existe
un code de l'eau et un code des collectivités territoriales, mais les
décrets d'application tardent encore. Les CLE ont été mis
en place et fonctionnent donc sur la base de « ce qui n'est pas interdit
est permis ».
Ensuite, les CLE n'ont pas de ressources
d'accompagnement suffisantes (moyens matériels et financiers très
maigres) pour l'accomplissement de leurs missions. En effet, après leur
mise en place, leurs seuls moyens sont ceux fournis par le projet GWI-Niger,
les CLE se sont donc retrouvés presque abandonnés à eux
mêmes. Ce qui a eu pour conséquence un déficit
d'informations envers les élus locaux et les usagers et au sein
même des membres des CLE, engendrant une mauvaise perception du lien
fonctionnel entre le CLE et les communes. Les CLE doivent donc rendre compte
aux communes qui sont des structures compétentes sur leurs espaces
géographiques.
En plus, la plupart des membres des comités
exécutifs des CLE ne connaissent pas bien leur rôle, et les CLE
ont tendance à se substituer aux communes. Au Burkina Faso, les
principales difficultés pour le fonctionnement des CLE sont quasiment
les mêmes (SP/PAGIRE) à savoir :
- la faiblesse de leur capacité de mobilisation
financière,
- l'insuffisance d'outils opérationnels pour
faciliter la mise en oeuvre de leurs missions,
- la compréhension insuffisante du fonctionnement
et du rôle du CLE par les membres
dans un paysage riche en cadre de concertation et autres
organes avec quelquefois les
mêmes acteurs.
Les communes, quant à elles, doivent assurer une
bonne gouvernance de l'eau au niveau local quand on sait que « l'eau ne
connaît pas de frontières ».
Elles doivent jouer un rôle essentiel dans le
fonctionnement des CLE, car un certain nombre de leurs mandats
réguliers, tels que, l'approvisionnement en eau, le traitement des eaux
usées, l'aménagement du territoire, sont reliés
directement et indirectement aux ressources en eau. (Philip et
al., 2008). La gestion de l'eau et notamment l'accès
à l'eau sont un terrain d'initiative naturelle des communautés
locales, de l'État, des individus et de la société civile.
Cela est d'autant plus vrai lorsque les problèmes d'aménagement
et de gestion des eaux présentent une certaine acuité (MA/H/RH,
2004).
Le système de gouvernement local fonctionne
à l'intérieur des cadres établis au niveau national. Selon
le niveau de décentralisation, les gouvernements locaux ont une certaine
flexibilité à l'intérieur de ce cadre pour créer
des règlements municipaux et des politiques. (Philip et
al., 2008). Au Niger, le Code Général des
Collectivités Territoriales offre aux communes la possibilité de
s'associer en structures intercommunales (articles 325, 326 et 327). Ce qui
constitue une grande opportunité pour les communes de la basse
vallée de la Tarka, de faire des CLE des véritables structures
intercommunales. Ainsi en dépit de l'absence des décrets
d'applications pour le code de l'eau (ayant prévu la création des
CLE) et le code général des collectivités territoriales
(ayant prévu la création de structures intercommunales), les
communes peuvent créer des règlements municipaux pour profiter de
ces structures et gérer correctement leurs ressources en
eau.
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