DEUXIEME PARTIE : DES INSTRUMENTS DE VALORISATION DU
TRAVAIL DES PARLEMENTAIRES AU SERVICE DE NOUVELLES FORMES DE REPRESENTATION
Chapitre 1 : un contrôle information qui assure
mieux les droits de l'opposition
1) L'ouverture de fonctions significatives à des
membres de l'opposition
Si l'ordonnance de 1958 permettait théoriquement
à la majorité de composer les commissions de contrôle ou
d'enquête de membres uniquement issus de ses rangs69, l'usage
à l'Assemblée nationale a, dès les premières
commissions d'enquête créées, permis à l'opposition
d'y être représentée. Comme souvent dans l'étude du
cadre législatif et règlementaire de l'Assemblée
nationale, une attention toute particulière doit être
portée à l'usage, qui, bien souvent précède la
règle. Cet usage a d'ailleurs seulement été inscrit dans
la loi en 1991. Il précise, dès lors, que les membres des
commissions d'enquête « sont désignés de façon
à y assurer une représentation proportionnelle des groupes
politiques70 ».
Participant de cette même volonté d'ouverture et
de représentation interne à l'Assemblée nationale,
l'animation de la commission d'enquête par des membres de l'opposition
qui était une exception il y a quelques années encore, devient de
plus en plus fréquente. Sous les Ve et VIe législatures les deux
fonctions étaient dans la
69 << Les membres des commissions d'enquête et des
commissions de contrôle sont désignés au scrutin
majoritaire », Ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958, article
6.
70 Loi n°91-698 du 20 juillet 1991, article 4,
JORF du 23 juillet 1991. Il est à noter que cette loi, dans son article
2 met fin à la distinction entre commissions d'enquête et de
contrôle pour ne garder que la dénomination << commission
d'enquête ».
plupart des cas détenues par des membres de partis
différents mais appartenant tous à la majorité,
excepté la commission d'enquête sur << les conditions de
l'information publique »71 dont le Président, Marc
Lauriol et le Rapporteur, Claude Martin, sont tous deux issus du même
parti, le RPR. La même configuration se retrouve sous la VIIe
législature où socialistes et communistes se partagent ces
fonctions. Cette situation visant à répartir les postes
significatifs au parti majoritaire à l'Assemblée nationale ou aux
partis appartenant à la majorité gouvernementale a perduré
jusqu'au milieu de la IXe législature. Les socialistes, qui ont
gardé le monopole sur les quatre premières commissions
d'enquête créées ne concèdent jusqu'en mai 1991
qu'une place de rapporteur aux communistes72 pour la Commission
d'enquête sur << la pollution de l'eau et la politique nationale
d'aménagement des ressources hydrauliques »73. Un
tournant s'opère en 1991. Dès lors, six des sept commissions
d'enquête créées verront un binôme
majorité-opposition à leur tête sur des sujets aussi divers
que << le fonctionnement et le devenir des premiers cycles
universitaires74 », << le financement des partis
politiques et des campagnes électorales sous la Ve
République75 » ou << la situation actuelle et les
perspectives de l'industrie
71 Rapports 901-903-1289. Commission
créée le 15 mars 1979 et terminée le 15 septembre 1979.
72 En la personne de M. Gilbert Millet.
73 Rapports 1185-1342-1762. Commission
créée le 23 mai 1990 et terminée le 23 novembre 1990.
74 Rapports 1050-1299-2339. Commission
créée le 14 mai 1991 et terminée le 13 novembre 1991.
Président : M. Yves Fréville (UDF). Rapporteur : M. Jean
Giovanelli (PS)
75 Rapports 2013-2023-2348. Commission
créée le 14 mai 1991 et terminée le 14 novembre 1991.
Président : M. Pierre Mazeaud (RPR). Rapporteur : M. Jean Le Garrec
(PS)
automobile française76 ». Cet effort
d'ouverture pluraliste sera mis à mal tout au long de la Xe
législature durant laquelle huit commissions d'enquête
parlementaires sont créées et dont tous les postes de
Présidents ou rapporteurs reviennent à des membres du RPR et de
l'UDF, excepté un poste de rapporteur dévolu à un
socialiste, M. Jacques Guyard, pour la Commission d'enquête sur «
les sectes77 ». Sous la XIe législature, la pratique
revient à un peu plus de pluralisme. Sur quinze commissions
d'enquête créées quatre ont un Président issu de
l'opposition. Une exception est néanmoins à noter pour la
Commission d'enquête « sur le régime étudiant de
sécurité sociale », en 1999, qui a été
créée suite à deux propositions de résolution de
l'opposition mais qui ne comprend aucun membre de l'opposition au sein du
bureau de la commission78. Mais d'une manière
générale, les bureaux des commissions sont
quasi-systématiquement pluralistes et les deux fonctions les plus
importantes au sein d'une commission (Président et Rapporteur) ont
été au fil des ans de plus en plus souvent confiées
à un binôme majorité-opposition.
C'est la réforme du règlement intérieur de
l'Assemblée nationale voulue par le Président Jean-Louis
Debré, en accord avec tous les présidents de groupes
constitués, en 2003, qui modifiera, à terme, ces statistiques
fluctuantes. En effet, depuis lors,
76 Rapports 2252-2253-2333-2791. Commission
créée le 13 décembre 1991 et terminée le 13 juin
1992. Président : M. Jacques Masdeu-Arus (RPR). Rapporteur : M. Guy
Bêche (PS)
77 Rapports 1768-2091-2468. Commission
créée le 29 juin 1995 et terminée le 22 décembre
1995.
78 Les parlementaires des groupes RPR, UDF et DL
n'ayant pas obtenu de poste de Président ou Rapporteur, l'opposition
avait alors « décliné toute participation au Bureau de la
Commission », lettre du 24 juin 1999 des membres de l'opposition de la
Commission d'enquête à M. Alain Touret, Président,
annexée au rapport de la commission d'enquête n°1778 du 6
juillet 1999.
l'article 40-1 du règlement spécifie que :
« la fonction de président ou celle de rapporteur revient de plein
droit à un membre du groupe auquel appartient le premier signataire de
la proposition de résolution du vote de laquelle résulte la
création de la commission d'enquête79 ». C'est par
exemple le cas, pour prendre la plus récente, de la commission
d'enquête sur l'affaire « dite d'Outreau » dont le
Président André Vallini est membre du groupe socialiste et le
rapporteur, Philippe Houillon, est membre du groupe UMP. Depuis cette date, le
pluralisme des fonctions exécutives a également été
appliqué sous les mêmes modalités pour les missions
d'information.
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