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Pouvoir d'investigation et de contrôle parlementaire. Le développement des commissions d'enquête et des missions d'information à  l'Assemblée Nationale sous la Ve République

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par Sophie Léron
Ecole des hautes études en sciences sociales - Master 2 mention études politiques sous la direction de Pierre Rosanvallon 2005
  

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2) Des travaux qui nécessitent un investissement particulier

Les travaux des commissions d'enquête, et dans une moindre mesure ceux des missions d'information étant limités dans le temps, leur rythme de travail est parfois soutenu. En conséquence, la participation d'un parlementaire à leurs travaux n'est pas anodine en terme de temps de travail. Si les deux fonctions les plus chronophages sont inévitablement celles de président59 et de rapporteur, on constate que, notamment au sein des commissions d'enquête, l'absentéisme des parlementaires désignés par leur groupe pour faire partie de la commission, si souvent déploré en séance publique ou en commission permanente est moins important. Si la discussion des projets de lois en séance ou en commission permanente concerne quelques députés ayant déjà acquis une spécialisation ou ayant été désignés par leur groupe pour suivre un ou plusieurs domaines, année après année ou législature après législature les dossiers; l'investissement au sein d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information, de part sa limitation à un nombre de députés restreints (30 sur 577 pour les commissions d'enquête), sa

59 Le président est amené à convoquer et présider les réunions, « à veiller à ce que la commission n'empiète pas sur les affaires judiciaires en cours, tout en lui garantissant le libre exercice de ses prérogatives » Connaissance de l'Assemblée n°12.

limitation dans un temps donné pour aboutir à des conclusions et l'intérêt que peuvent susciter les nombreuses auditions d'experts ou de personnalités permettant en quelques mois d'essayer de circonscrire un sujet donné , mobilise plus facilement les législateurs soucieux d'inscrire leur action dans une réflexion collective que pour assurer une présence parfois plus formelle dans l'hémicycle. Déjà en 1981, Michel Couderc constatait que <<tout se passe comme si le Parlement, ayant perçu les résultats limités et l'issue parfois douteuse de la lutte engagée de front dans le lieu essentiel de ses travaux qu'est la séance publique, avait d'abord cherché à tourner l'obstacle en développant, hors de l'hémicycle, son espace de travail60 ».

Selon les statistiques établies par les services de l'Assemblée nationale sur les XIe et XIIe législatures, le temps de travail de chaque commission d'enquête équivaut en moyenne à une cinquantaine d'heures de réunions (qu'elles soient réunions de travail interne aux membres de la commission, réunions consacrées à des auditions ou des tables rondes). Ainsi, par exemple, la Commission d'enquête << sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule » a travaillé entre le 7 octobre 2003 et le 25 février 2004 durant 46h20 réparties en 17 réunions de travail et la Commission d'enquête << sur les conditions de la présence du loup en France et l'exercice du pastoralisme dans les zones de montagne » créée le 5 novembre 2002 a rendu son rapport le 5 mai 2003 après vingt réunions dont le temps cumulé équivaut

à 48h15. Certaines commissions d'enquête ont nécessité plus de temps, c'est le cas de celle consacrée à la maladie dite de la « Vache folle » dont les travaux ont duré 97h15 pour 37 réunions. Les missions d'informations, sans doute dans la mesure où elles ne sont pas contraintes à rendre un rapport dans les six mois, dépassent quasiment toutes les 50 heures de réunions61 et certaines, comme celle sur « la fin de vie » dépasse les 100 heures. Une exception est à noter : la mission d'information sur « les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance et du blanchiment des capitaux en Europe », créée en 1999 et dont les travaux ont duré jusqu'en avril 2002. Cette mission, qui s'est rendue dans 14 pays différents pour mener ses investigations a rendu un rapport en six tomes, le 11 avril 2002.

En opérant une rapide comparaison avec les réunions formelles des commissions permanentes sous la XIIe législature, on constate que celles qui se réunissent le plus, c'est à dire la commission des finances et la commission des affaires culturelles familiales et sociales atteignent au maximum, pour cette dernière62, 126 heures de réunions par session63 . Les commissions permanentes ont pour objet, en matière législative d'examiner tout projet de loi ou proposition de loi soumises à l'Assemblée dont elles sont saisies64 et sont amenées, de fait, à effectuer un travail en grande

61 Excepté celle sur « la télévision française à vocation internationale » qui s'est réunie durant 28h50.

62 Durant la session 2002-2003 selon les statistiques établies par les services de l'Assemblée nationale.

63 En cumulant session ordinaire et extraordinaire.

64 C'est-à-dire quasiment tous les projets de loi et propositions de loi, dans la mesure où le recours à des commissions spéciales prévues par la Constitution pour remplacer les commissions permanentes à l'occasion de l'examen de chaque projet de loi est très peu utilisé.

partie consacré à l'examen des projets de loi, des amendements qui leur sont proposés et de ceux qu'elles peuvent être amenées à déposer. Ce travail réalisé dans un temps inévitablement contraint par un calendrier législatif encombré renforce ainsi pour elles la nécessité de recourir à des formes de travail plus abouties en dehors de la commission comme les missions d'information pour lui permettre d'assurer au mieux « l'information de l'Assemblée pour lui permettre d'exercer son contrôle sur la politique du Gouvernement65 ». N'étant pas dotées de pouvoir de contrôle en tant que tels comme peuvent l'être par exemple les commissions sectorielles britanniques nommées « departemental select commitees66» qui bénéficient de réels moyens de contrôle et d'une grande latitude dans le choix des rapports qu'elles sont amenées à publier, les commissions permanentes sont néanmoins amenées à se saisir de très nombreux sujets par le biais de groupes d'études, groupes de travail, ou missions d'information67.

Les missions d'information sont ainsi devenues les instruments privilégiés d'un nouveau travail parlementaire, visant parfois simultanément à l'information, au contrôle et à l'initiative. L'avant propos du rapport du 25 janvier 2006 du Président de la mission d'information parlementaire sur la grippe aviaire est, à ce titre, particulièrement significatif : « L'originalité notable de ce travail parlementaire, par

65 Article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale

66 Commissions distinctes des commissions législatives : les « standing commitees »

67 Sur le travail des commissions permanentes cf. Pauline Türk, les commissions parlementaires permanentes et le renouveau du Parlement sous la Ve République, op, cit.

contraste avec ceux que l'Assemblée nationale conduit habituellement, est de se situer en amont de l'action gouvernementale, pour agir sur cette dernière et sur l'information de l'opinion publique en temps réel. Dans ce contexte, notre mission a à répondre à des enjeux particuliers. En effet, nous nous sommes fixés comme objectifs non seulement de contrôler l'action du gouvernement, dans le cadre du dispositif de préparation du Plan de lutte contre la grippe aviaire, mais aussi de porter attention, en toute transparence et pondération, à l'expression des citoyens et à leur information, et, enfin, de proposer aux autorités françaises de nouvelles formes d'action68. »

Contrôle, relais d'opinion, demande d'information des parlementaires dans le but de devenir eux-mêmes un des vecteurs d'information au public, les moyens et les missions dont se dotent les parlementaires s'élargissent.

68 Avant-propos de Jean-Marie Le Guen, Président de la mission, Rapport n°2833 du 26 janvier 2006.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault