2) Des travaux qui nécessitent un investissement
particulier
Les travaux des commissions d'enquête, et dans une
moindre mesure ceux des missions d'information étant limités dans
le temps, leur rythme de travail est parfois soutenu. En conséquence, la
participation d'un parlementaire à leurs travaux n'est pas anodine en
terme de temps de travail. Si les deux fonctions les plus chronophages sont
inévitablement celles de président59 et de rapporteur,
on constate que, notamment au sein des commissions d'enquête,
l'absentéisme des parlementaires désignés par leur groupe
pour faire partie de la commission, si souvent déploré en
séance publique ou en commission permanente est moins important. Si la
discussion des projets de lois en séance ou en commission permanente
concerne quelques députés ayant déjà acquis une
spécialisation ou ayant été désignés par
leur groupe pour suivre un ou plusieurs domaines, année après
année ou législature après législature les
dossiers; l'investissement au sein d'une commission d'enquête ou d'une
mission d'information, de part sa limitation à un nombre de
députés restreints (30 sur 577 pour les commissions
d'enquête), sa
59 Le président est amené à
convoquer et présider les réunions, « à veiller
à ce que la commission n'empiète pas sur les affaires judiciaires
en cours, tout en lui garantissant le libre exercice de ses prérogatives
» Connaissance de l'Assemblée n°12.
limitation dans un temps donné pour aboutir à
des conclusions et l'intérêt que peuvent susciter les nombreuses
auditions d'experts ou de personnalités permettant en quelques mois
d'essayer de circonscrire un sujet donné , mobilise plus facilement les
législateurs soucieux d'inscrire leur action dans une réflexion
collective que pour assurer une présence parfois plus formelle dans
l'hémicycle. Déjà en 1981, Michel Couderc constatait que
<<tout se passe comme si le Parlement, ayant perçu les
résultats limités et l'issue parfois douteuse de la lutte
engagée de front dans le lieu essentiel de ses travaux qu'est la
séance publique, avait d'abord cherché à tourner
l'obstacle en développant, hors de l'hémicycle, son espace de
travail60 ».
Selon les statistiques établies par les services de
l'Assemblée nationale sur les XIe et XIIe législatures, le temps
de travail de chaque commission d'enquête équivaut en moyenne
à une cinquantaine d'heures de réunions (qu'elles soient
réunions de travail interne aux membres de la commission,
réunions consacrées à des auditions ou des tables rondes).
Ainsi, par exemple, la Commission d'enquête << sur les
conséquences sanitaires et sociales de la canicule » a
travaillé entre le 7 octobre 2003 et le 25 février 2004 durant
46h20 réparties en 17 réunions de travail et la Commission
d'enquête << sur les conditions de la présence du loup en
France et l'exercice du pastoralisme dans les zones de montagne »
créée le 5 novembre 2002 a rendu son rapport le 5 mai 2003
après vingt réunions dont le temps cumulé
équivaut
à 48h15. Certaines commissions d'enquête ont
nécessité plus de temps, c'est le cas de celle consacrée
à la maladie dite de la « Vache folle » dont les travaux ont
duré 97h15 pour 37 réunions. Les missions d'informations, sans
doute dans la mesure où elles ne sont pas contraintes à rendre un
rapport dans les six mois, dépassent quasiment toutes les 50 heures de
réunions61 et certaines, comme celle sur « la fin de vie
» dépasse les 100 heures. Une exception est à noter : la
mission d'information sur « les obstacles au contrôle et à la
répression de la délinquance et du blanchiment des capitaux en
Europe », créée en 1999 et dont les travaux ont duré
jusqu'en avril 2002. Cette mission, qui s'est rendue dans 14 pays
différents pour mener ses investigations a rendu un rapport en six
tomes, le 11 avril 2002.
En opérant une rapide comparaison avec les
réunions formelles des commissions permanentes sous la XIIe
législature, on constate que celles qui se réunissent le plus,
c'est à dire la commission des finances et la commission des affaires
culturelles familiales et sociales atteignent au maximum, pour cette
dernière62, 126 heures de réunions par
session63 . Les commissions permanentes ont pour objet, en
matière législative d'examiner tout projet de loi ou proposition
de loi soumises à l'Assemblée dont elles sont
saisies64 et sont amenées, de fait, à effectuer un
travail en grande
61 Excepté celle sur « la télévision
française à vocation internationale » qui s'est
réunie durant 28h50.
62 Durant la session 2002-2003 selon les statistiques
établies par les services de l'Assemblée nationale.
63 En cumulant session ordinaire et extraordinaire.
64 C'est-à-dire quasiment tous les projets
de loi et propositions de loi, dans la mesure où le recours à des
commissions spéciales prévues par la Constitution pour remplacer
les commissions permanentes à l'occasion de l'examen de chaque projet de
loi est très peu utilisé.
partie consacré à l'examen des projets de loi,
des amendements qui leur sont proposés et de ceux qu'elles peuvent
être amenées à déposer. Ce travail
réalisé dans un temps inévitablement contraint par un
calendrier législatif encombré renforce ainsi pour elles la
nécessité de recourir à des formes de travail plus
abouties en dehors de la commission comme les missions d'information pour lui
permettre d'assurer au mieux « l'information de l'Assemblée pour
lui permettre d'exercer son contrôle sur la politique du
Gouvernement65 ». N'étant pas dotées de pouvoir
de contrôle en tant que tels comme peuvent l'être par exemple les
commissions sectorielles britanniques nommées « departemental
select commitees66» qui bénéficient de
réels moyens de contrôle et d'une grande latitude dans le choix
des rapports qu'elles sont amenées à publier, les commissions
permanentes sont néanmoins amenées à se saisir de
très nombreux sujets par le biais de groupes d'études, groupes de
travail, ou missions d'information67.
Les missions d'information sont ainsi devenues les instruments
privilégiés d'un nouveau travail parlementaire, visant parfois
simultanément à l'information, au contrôle et à
l'initiative. L'avant propos du rapport du 25 janvier 2006 du Président
de la mission d'information parlementaire sur la grippe aviaire est, à
ce titre, particulièrement significatif : « L'originalité
notable de ce travail parlementaire, par
65 Article 145 du Règlement de
l'Assemblée nationale
66 Commissions distinctes des commissions
législatives : les « standing commitees »
67 Sur le travail des commissions permanentes cf.
Pauline Türk, les commissions parlementaires permanentes et le
renouveau du Parlement sous la Ve République, op, cit.
contraste avec ceux que l'Assemblée nationale conduit
habituellement, est de se situer en amont de l'action gouvernementale, pour
agir sur cette dernière et sur l'information de l'opinion publique en
temps réel. Dans ce contexte, notre mission a à répondre
à des enjeux particuliers. En effet, nous nous sommes fixés comme
objectifs non seulement de contrôler l'action du gouvernement, dans le
cadre du dispositif de préparation du Plan de lutte contre la grippe
aviaire, mais aussi de porter attention, en toute transparence et
pondération, à l'expression des citoyens et à leur
information, et, enfin, de proposer aux autorités françaises de
nouvelles formes d'action68. »
Contrôle, relais d'opinion, demande d'information des
parlementaires dans le but de devenir eux-mêmes un des vecteurs
d'information au public, les moyens et les missions dont se dotent les
parlementaires s'élargissent.
68 Avant-propos de Jean-Marie Le Guen,
Président de la mission, Rapport n°2833 du 26 janvier 2006.
|