2) ... et soumise au fait majoritaire...
Mais au-delà du cadre juridique déjà
contraignant, les parlementaires sont confrontés, à partir de
1962 à un nouveau cadre politique. En effet, la seule motion de censure
votée sous la Ve République le 4 octobre 1962 ayant
entraîné une dissolution de l'Assemblée nationale a
confirmé l'avènement d'un nouveau système majoritaire au
sein duquel les députés de la majorité se sont soumis
à une sérieuse autodiscipline. De fait, la majorité a
dès lors été amenée à s'illustrer en
matière de contrôle sous la Ve République plus
particulièrement << par les moyens défensifs qu'elle a
déployés pour réduire les velléités de
l'opposition de contrôle de l'exécutif que par sa propre
détermination à soumettre l'action de ce dernier à une
surveillance vigilante 18>>. C'est ainsi que jusqu'en 1971,
aucune commission d'enquête ne voit le jour à l'Assemblée
nationale. Seule une commission de contrôle << ayant pour objet
l'Union générale cinématographique en ce qui concerne
exclusivement ses rapports avec ses filiales et les filiales de ses
filiales19 >> a été créée sous les
trois premières législatures. La méfiance, certainement
issue du souvenir des IIIe et IVe Républiques, reste de mise
vis-à-vis de ces procédures.
18 Julie Benetti, Droit parlementaire et fait
majoritaire à l'Assemblée nationale sous la Ve
République, Thèse de droit public, 2004, p.207.
19 Rapports n°1088 et 1700, commission
créée le 11 décembre 1961 et terminée le 20 mars
1962.
Le recours à une commission d'enquête ou de
contrôle jusque dans les années 70 a donc été plus
que marginal, tant par le cadre très contraint qui laissait peu de
marges de manoeuvre aux parlementaires que par l'hostilité
affichée de l'exécutif face à une procédure
perçue comme une défiance. Il s'agissait alors pour la
majorité d'éviter toute création de commissions permettant
à l'opposition, par la tribune offerte, d'impliquer le gouvernement dans
les affaires dont les commissions d'enquête pouvaient être
amenées à se saisir. Cette possibilité offerte à la
majorité et, de fait, à l'exécutif d'entraver la
création d'une commission d'enquête est aisée, tant la
procédure elle-même est incontestablement soumise au fait
majoritaire.
En effet, et au-delà des dispositions de l'ordonnance
de 1958, le règlement de l'Assemblée nationale a fixé que
celle-ci « résulte du vote d'une proposition de résolution
déposée, renvoyée à la commission permanente
compétente, examinée et discutée dans les conditions
fixées par le règlement »20 . Les commissions
permanentes étant constituées à la proportionnelle de la
composition de l'Assemblée, la procédure d'acceptation et de
recevabilité d'une commission d'enquête repose, de fait, sur la
majorité21. La commission saisie est ensuite amenée
à rédiger un rapport sur ses conclusions permettant d'inscrire ou
non la question à l'ordre du jour22. Là
20 Article 140, alinéa 2 du règlement de
l'Assemblée nationale.
21 De plus, l'examen par la commission porte sur la
recevabilité de la demande et sur son opportunité, ouvrant ainsi
des possibilités de demande de rejet pour des motifs qui peuvent
être très subjectifs.
22 La maîtrise de l'ordre du jour étant
en grande partie gouvernementale est alors un obstacle
supplémentaire.
encore, et dans l'hypothèse où l'inscription
à l'ordre du jour a lieu, la majorité est amenée à
décider de l'opportunité de créer ou non une commission
d'enquête ou de contrôle sur les faits exposés. Une fois ces
étapes passées, et de fait, une fois l'accord de la
majorité parlementaire donné par un vote favorable ou une
abstention des groupes parlementaires qui la composent, la commission peut se
mettre en place. Là encore, la majorité s'impose pour la conduite
des travaux.
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