PREMIERE PARTIE : UNE FACE MECONNUE DU TRAVAIL
PARLEMENTAIRE EN PLEIN ESSOR
Chapitre 1 : Un cadre procédural très
contraint et le fait majoritaire ont limité, depuis 1958,
l'intérêt démocratique du contrôle sanction:
l'évolution des commissions d'enquête
1) Une procédure juridiquement encadrée...
La Constitution de la Ve République, dans son titre IV,
fixe un certain nombre de dispositions relatives au Parlement,
préalablement laissées à son organisation propre.
L'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des
assemblées parlementaires en détaille les modalités. De
ces nouvelles dispositions constitutionnelles largement commentées et
étudiées, découle un fonctionnement institutionnel
nouveau, qui, en ce qui concerne le Parlement peut être
résumé par la formule désormais courante de «
Parlement rationalisé ». « Affaibli, surveillé, le
Parlement français dans les institutions de la Ve République
l'est assurément, pour partie du moins. Il est diminué dans ses
fonctions traditionnelles que sont la confection de la loi et le contrôle
de l'activité gouvernementale7 ». En matière de
contrôle, la Ve République a ainsi créé une
réelle distinction entre contrôle information et contrôle
sanction, seul le second permettant de mettre en jeu la responsabilité
gouvernementale. Cette dernière forme de contrôle se trouve
désormais « circonscrite dans le cadre de procédures qui
restreignent
7 Pascal Jan, Les assemblées parlementaires
françaises, La Documentation française, Paris, 2005,
p.11.
considérablement les prérogatives des
députés8 » et établies par l'article 49 de
la Constitution. Ainsi, le gouvernement peut être amené à
engager sa responsabilité au moment de déclarations sur son
programme ou relatives à sa politique générale9
ou sur le vote d'un texte10 dont l'usage parfois
détourné visant à éviter la discussion sur un texte
<< en a fait le symbole un peu caricatural des infortunes du
Parlement11 ». L'Assemblée nationale peut, elle, mettre
en cause la responsabilité de l'exécutif par << le vote
d'une motion de censure12 », pour laquelle seuls les votes
favorables sont recensés et << qui ne peut être
adoptée << qu'à la majorité des membres composant
l'Assemblée13 ».
Si les procédures de création des commissions
d'enquête et commissions de contrôle sont désormais
encadrées14 et excluent toute mise en jeu directe de la
responsabilité gouvernementale, la méfiance issue des
républiques précédentes à leur égard a
8 Dominique Chagnollaud - Jean-Louis Quermonne, La
Ve République 3-Le pouvoir législatif et le système de
partis, Op.cit., p.105.
9 << Le Premier ministre, après
délibération du Conseil des ministres, engage la
responsabilité du Gouvernement sur son programme ou
éventuellement sur une déclaration de politique
générale » Article 49, al.1er de la
Constitution.
10 << Le Premier ministre peut, après
délibération du conseil des ministres, engager la
responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur
le vote d'un texte. Dans ce cas, ce texte est considéré comme
adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les 24
heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues
à l'alinéa précédent » Article 49, al.3 de la
Constitution.
11 Pierre Avril, Jean Gicquel, Droit
parlementaire, Montchrestien, Paris, 2004, p.261.
12 Article 49, al.2 de la Constitution.
13 Ibidem.
14 Par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958
relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, cf. annexe
4.
néanmoins perduré et en a fait un instrument
très peu utilisé durant les premières années de la
Ve République.
Les mêmes règles de fonctionnement s'appliquent
initialement à ces deux formes de commissions dont seul l'objet change.
Les commissions d'enquête avaient vocation à << recueillir
des éléments d'information sur des faits déterminés
et soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les a
créées15 » alors que les commissions de
contrôle étaient formées <<pour examiner la gestion
administrative, financière ou technique des services publics ou
d'entreprises nationales en vue d'informer l'assemblée qui les a
créées du résultat de leur examen ». Une restriction
majeure à leur objet a néanmoins été
apportée : elles ne peuvent porter sur des faits ayant donné lieu
à une instruction judiciaire tant que celle-ci est en
cours16. Parallèlement limitées dans le temps, leur
capacité d'enquête est, de fait, matériellement
réduite. Elles devaient en effet, rendre leur rapport << au plus
tard à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de
la date de l'adoption de la résolution qui les a
créées17 » et ne pouvaient être
reconstituées avec le même objet << dans un délai de
douze mois à compter de la fin de leur mission ». Leurs membres
étaient par ailleurs tenus au secret des travaux
15 Ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958
relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, JORF du 18
novembre 1958, article 6.
16 « Il ne peut être créé de
commission d'enquête lorsque les faits ont donné lieu à des
poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Si
une commission a déjà été créée, sa
mission prend fin dès l'ouverture d'une information judiciaire relative
aux faits qui ont motivé sa création », Ibidem.
17 Cette limitation dans le temps sera portée
à six mois par la loi n°77-807 du 19 juillet 1977 dans son article
1er, JORF du 20 juillet 1977.
et seule l'assemblée pouvait décider de << la
publication de tout ou partie >> de leur rapport.
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