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Pouvoir d'investigation et de contrôle parlementaire. Le développement des commissions d'enquête et des missions d'information à  l'Assemblée Nationale sous la Ve République

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par Sophie Léron
Ecole des hautes études en sciences sociales - Master 2 mention études politiques sous la direction de Pierre Rosanvallon 2005
  

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2) La question de la médiatisation des débats

La question de l'opportunité d'une ouverture ou non de certains travaux parlementaires s'est récemment fortement posée, en ce qui concerne les commissions d'enquête, avec la polémique autour de la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire << dite d'Outreau ». Il faut bien mesurer dans ce débat qu'il ne s'agissait pas de savoir si les travaux de la commission seraient publics ou non. On l'a vu, toutes les commissions d'enquêtes font désormais l'objet d'un rapport public, qui, pour la plupart d'entre elles, comporte en annexes les comptes-rendus des auditions. Les personnes entendues par une commission d'enquête sont d'ailleurs, selon le règlement de l'Assemblée nationale, << admises à prendre connaissance du compte- rendu de leur audition129 » mais ne peuvent y apporter << aucune correction130 », tout au plus la personne auditionnée peut-elle <<faire part de ses observations par écrit ». Ainsi, le travail à huis clos d'une commission d'enquête ne peut en aucun cas amener in fine à ce que les comptes rendus en soient modifiés ou tronqués. Ce qui s'y dit (sauf vote spécial de l'Assemblée constituée en comité secret qui peut demander de << ne pas autoriser la publication de tout ou partie du rapport131 », sera repris in extenso dans le compte-rendu. Il s'agissait en ce cas de savoir si la commission devait

129 Article 142, alinéa 1.

130 Article 142, alinéa 3.

131 Article 143, alinéa 3.

travailler sous l'oeil du public en temps réel ou à huis clos, s'agissant d'un sujet sur lequel la pression médiatique avait été particulièrement prégnante.

La démocratie est fondée sur l'existence même de pouvoirs et de contre-pouvoirs et l'affaire d'Outreau a donné l'impression qu'il n'existait pas de contre-pouvoirs dans le monde judiciaire, créant ainsi un sentiment d'insécurité. Dans un premier temps, la commission avait estimé << que les auditions ne seront pas ouvertes à la presse, sauf lorsque cela paraîtra utile, au cas par cas132 >>. Deux conceptions se sont alors opposées. La première visait à faire valoir qu'un débat << en direct>> amènerait à ce qu'il soit moins serein. On pouvait ainsi imaginer que les prises de parole des auditionnés soient moins spontanées, que les conditions du débat pourraient être faussées, que les interventions des membres de la mission tiendraient inévitablement plus compte de la présence d'une caméra et que, de fait, les mots et les postures pourraient être différents, que le positionnement partisan pourrait être mis en exergue dans un cadre qui s'y prête généralement moins qu'une séance publique. Le seul but de la commission étant d'arriver à savoir très exactement ce qui s'était passé à Outreau et d'en tirer les conséquences, la présence de micros ou de caméras n'était alors pas facteur de plus-value pour le travail parlementaire. Mais, parallèlement, et dans le contexte de forte médiatisation d'une partie des innocentés d'Outreau demandant que la commission travaille de la manière la plus publique qui soit, un

132 Compte rendu n°1 de la commission d'enquête, du mercredi 14 décembre 2005.

certains nombre de parlementaires ont plaidé pour des auditions en direct. Dans une société où la transparence est devenue un enjeu démocratique, il s'est alors agi de répondre dans un premier temps aux attentes des acquittés et plus largement de l'opinion. Aïda Chouk, Présidente du syndicat de la magistrature, dans une lettre ouverte à André Vallini a, elle aussi, été amenée à relayer cette demande le 9 janvier 2006 : << La publicité des débats doit être imposée par la commission qui ne saurait faire reposer sur chaque personne auditionnée le choix de la publicité ou du huis clos et se défausser ainsi de ses prérogatives ». Les acquittés ayant fait part de leur souhait d'être filmé, il était dès lors difficile pour les autres personnes auditionnées de demander un huis clos sans générer de la suspicion.

La présence de la caméra a permis de donner le signe fort que cette commission n'avait rien à cacher, qu'il ne s'agissait pas de laisser dans l'ombre certains éléments de l'affaire, que la commission n'était justement pas seulement là en réponse à une émotion populaire mais avait vocation à travailler au fond. Dans un contexte de défiance vis-à-vis des institutions, des représentants du peuple, ce travail sous les regards de l'opinion, pouvait laissait supposer que cette pression amènerait des garanties démocratiques, des garanties de résultats. C'est d'ailleurs cette préoccupation que relaye Roselyne Godard en évoquant le fait que << seule la pression des médias imposera aux députés de ne pas faire machine arrière face à la nécessité

de faire des réformes133 ». Cette défiance affichée, et sans nul doute inquiétante, vis-à- vis de la capacité du politique à se saisir véritablement d'un sujet sans la présence des médias est révélatrice d'une tension démocratique qui avait sans doute amené Michel Hunault et Christophe Caresche à qualifier la décision du huis clos d' « erreur politique majeure134 ».

Néanmoins, il n'est pas inutile de s'interroger sur l'utilité de céder à la pression du temps médiatique, temps de l'immédiateté, qui ne peut correspondre au temps parlementaire, sauf à faire d'eux des législateurs de circonstance, avec les dérives qui peuvent en découler. En ce qui concerne l'institution parlementaire, une juste mesure entre volonté de travailler en toute transparence et capacité à échapper à la pression médiatique restera à trouver sur des sujets aussi sensibles.

133 << La croix >> le 27.12.2005.

134 << Le Monde >> 23.12.2005.

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