Chapitre 4 : Une nouvelle forme d'initiative
législative
Si << les séances plénières du
Parlement ne sont désormais plus le lieu de la discussion
délibérative135 », les parlementaires ont su
mettre en place des lieux de discussion, de réflexion et de
confrontation d'idées qui, au-delà du rôle informatif
qu'ils permettent, offrent des outils pour élaborer la loi.
1) Les missions d'information créées pour
préparer une loi
Certaines missions d'information ont été ainsi
créées pour préparer l'examen d'un projet de loi ou
rédiger une proposition de loi. En 2000, par exemple, une mission
d'information commune préparatoire au projet de loi de révision
des lois bioéthiques de juillet 1994 a été
constituée. La loi de 1994 avait en effet prévu une
révision régulière des lois bioéthiques par le
Parlement, dans un délai maximal de cinq ans et après son
évaluation par l'Office parlementaire des choix scientifiques et
technologiques. Sur la base des deux rapports rendus par cet office et d'une
étude rendue par le Conseil d'Etat, la mission d'information a
été chargée de préparer la révision de ces
lois. Cette mission << a procédé pendant un an à
l'audition de près de quatre-vingt-dix personnalités, pendant un
total de plus de cinquante heures » et a rendu un rapport qui <<rend
compte des travaux de cette mission menée en France
135 Bernard Manin, Principes du gouvernement
représentatif, op. cit., p.277
mais aussi à l'étranger, que ce soit en
Allemagne ou aux Etats-Unis136 ». Cette mission
préparatoire a pris fin à l'occasion du dépôt par le
Gouvernement, le 20 juin 2001, de son projet de loi relatif à la
bioéthique, entraînant la constitution d'une commission
spéciale chargée d'examiner ce projet. Constituée bien
amont du débat, et ayant un <<rôle exclusivement
d'information des membres de la future commission spéciale sur les
principaux points en discussion lors de la révision des lois
bioéthiques137 », la mission d'information parlementaire
aura permis d'effectuer un long travail préparatoire à la
discussion de ce projet de loi. Ses travaux ont ainsi constitué la base
documentaire et réflexive des membres de la commission
spéciale.
Avec le même souci de préparer une
législation sur un sujet qui touche à des débats
fondamentaux de société a été créée,
le 15 octobre 2003, la mission d'information sur << l'accompagnement de
la fin de vie ». Créée notamment suite à
l'émotion et au débat public qui s'est ouvert sur l'euthanasie
après le décès de Vincent Humbert, cette mission s'est
donnée, dès sa constitution, comme objectif de rendre un rapport
qui soit << rédigé de façon collective et
consensuelle138 ». Ayant par la suite organisé, durant
huit mois, 81 auditions139 entendant successivement << des
historiens, des philosophes, des sociologues, des représentants des
religions monothéistes et des représentants des loges
maçonniques, des représentants des professions de santé
et
136 Rapport n°3208, du 27 juin 2001.
137 Propos de Bernard Charles, Président de la mission,
lors de l'examen du rapport le 27 juin 2001.
138 Compte rendu de la réunion constitutive de la mission
du 16 mars 2004.
139 Qui n'ont pas été ouvertes à la presse.
Seules trois tables rondes l'ont été.
du monde associatif, des juristes et enfin des responsables
politiques >>140, effectuant de nombreux déplacements,
la mission a rendu son rapport le 30 juin 2004 et a déposé une
proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie
qui a été examinée et amendée à
l'unanimité par la commission spéciale créée
à cet effet le 26 novembre 2004. La proposition de loi a ensuite
été examinée en séance publique le 12 avril 2005.
Pour Gaëtan Gorce, co-rapporteur de la mission, « il est
préférable que ces sujets soient examinés par le Parlement
que laissés en pâture aux médias. Les sujets de «
société >> méritent, au même titre que les
grandes questions économiques et financières, un examen
approfondi, sérieux, distancé de l'actualité
141>>. Ainsi est née une nouvelle législation
qui, si elle ne va pas assez loin pour certains, a fait l'objet d'un consensus
politique après un long travail d'écoute. Pour Jean-Louis
Debré, « cette méthode montre qu'en s'entourant du maximum
d'avis de personnalités représentatives et en prenant le temps de
la réflexion, les députés traitent de questions de
société fondamentales et d'affranchissent des clivages partisans
traditionnels142. >>
140 Introduction au rapport n°1708 de la mission.
141 Interview de G. Gorce le 12 juillet 2006.
142 Présentation générale par Jean-Louis
Debré de la publication << Proposition de loi Droits des malades
et fin de vie », collection << débats de l'Assemblée
nationale ».
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