§2. Analyses des problèmes rencontrés
par la fiscalité congolaise dans le cadre de la lutte contre la
fraude fiscale25
D'une manière générale, selon le
ministère des finances, les inepties qui font considérer le
système fiscal congolais comme inadapté aux besoins d'un Etat et
d'une économie moderne peuvent être listées comme suit :
> l'inexistence d'une obligation fiscale minimale dans le
chef de personnes adultes, traduisent un manque de solidarité pour la
participation de chacun aux charges de fonctionnement et développement
de sanction ;
> le maintien du principe de la territorialité de
l'impôt qui ne permet pas à l'Etat d'imposer des obligations aux
nationaux et résidents qui réalisent des revenus à
l'étranger, alors qu'ils bénéficient de la protection
diplomatique ;
> un régime d'imposition de droit commun
anti-économique caractérisé par des
25 A.P FUTA, « Inhérences, archaïsmes
et autres maux du système fiscal congolais, in
www.minfin.rdc./fiscal/archaisme.htm
taux d'imposition trop élevés et l'absence
d'incitants fiscaux à l'investissement, freinant ainsi l'activité
économique et donc réduisant l'assiette fiscale ;
? une fiscalité indirecte en cascade, cumulative, qui ne
favorise pas l'industrialisation et la compétitivité des
entreprises locales ;
> un régime d'imposition inadaptée des PME ;
> un secteur informel développé servant de
refuge aux sens emplois, aux épouses des agents de l'Etat et aux
opérateurs économiques fuyant l'impôt ;
> l'absence d'une codification suffisante et
régulière en matière de taxes administratives, favorisant
les irrégularités multiples dans leur création ;
? une fiscalité régionale et locale foisonnante et
anarchique, doublée d'une quasi absence de péréquation
entre les entités ;
? un code des investissements inefficace, car malgré les
exonérations accordées, l'investissement productif est
resté à un niveau très bas ;
? une gestion irrationnelle des exonérations, qui ne
permet pas d'en évaluer l'impact réel sur les recettes (manque
à gagner) ;
? une coopération bilatérale et
multilatérale insuffisante, marquée notamment par l'absence
totale des conventions préventives de la double imposition des revenus
et d'accords de collaboration fiscale ;
? une administration fiscale pléthorique du fait de
l'incompétence d'une bonne partie de son personnel et d'une
répartition inéquitable à travers le territoire national
;
? un management insuffisant de l'administration fiscale,
laissant à l'abandon quasi-total les services plus ou moins
éloignés de l'administration centrale ;
> l'insuffisance des moyens de fonctionnement de
l'administration fiscale ainsi que la mauvaise allocation des ressources
existantes ;
> l'absence de synergie dans le fonctionnement des branches
de l'administration fiscale en particulier, et de l'ensemble de
l'administration publique en général ;
> la fraude et l'évasion fiscales
généralisées, ce qui explique la modicité des
recettes par rapport au PIB ;
? un contrôle fiscal de complaisance ou
intéressé, sinon totalement absent dans certains secteurs comme
l'impôt foncier et l'impôt sur les revenus locatifs ;
> la non identification de tous les contribuables par
l'administration fiscale à cause de l'absence de coordination entre les
différents services intéressés (Ministère de la
Justice, Ministère du Commerce Extérieur, Ministère de
l'Economie, BCC, AGI, etc.) et de l'existence de plusieurs numéros
d'identification, rendant quasiment impossible le recoupement des
informations
entre les services ;
> l'absence de culture fiscale, se traduisant notamment par
l'absence d'exemplarité des autorités politiques et
administratives en matière fiscale en s'octroyant des exemptions et
exonérations indues ;
> les tracasseries administratives de toute sorte et
l'utilisation abusive de la notion d'autorité et de force publique,
etc.
Cependant, l'analyse de la fiscalité congolaise conduit
aux constats ci-après:
1° Au plan organisationnel, la fiscalité
congolaise est une fiscalité rampante caractérisée par une
course effrénée vers la maximisation quantitative des recettes,
avec pour conséquences la prolifération des impôts et taxes
et l'a.... de la pression fiscale sur un nombre réduit des
contribuables26.
2° Au plan de la perception, celle-ci se trouve à
plusieurs obstacles notamment :
? laissés pendant longtemps sans payer les impôts
et taxes, les contribuables, à qui on demande aujourd'hui de payer les
impôts et taxes, crient aux tracasseries ;
· beaucoup de contribuables échappent au paiement
des impôts et taxes de par leur position politique, et à cause du
trafic d'influence et de la corruption ;
· l'ensemble des impôts et taxes prévus ne
sont pas perçus, la pression fiscale ne s'exerce que sur ceux (des
impôts) qui le sont effectivement ;
· le mode de recouvrement par contact entre les agents
du fisc et les contribuables est à la base de la corruption, la
concussion, de faux et usage de faux, la vente illicite et surfacturation des
documents officiels.
L'excessive pression fiscale, avons-nous dit, favorise le
comportement frauduleux. Le bat blesse lorsque l'on prend conscience que le DGI
ne combat pas la fraude avec les moyens appropriés et reste sur ce plan
très inefficace. Une série des facteurs contribue à
expliquer cet échec:
o la DGI manque éventuellement des spécialistes
très pointers en informatique. Pourtant de telles compétences
s'avèrent indispensables afin de débusquer les combines dans les
comptabilités informatisées. Aux Etats-Unis, l'administration
fiscale n'hésite pas à utiliser le savoir-faire des
spécialistes du secteur privé ;
o les effectifs tournent trop dans les différents
services voire dans les différentes directions. Les agents amenés
à exercer des métiers très divers
n'ont souvent pas le temps de se spécialiser et de
devenir parfaitement compétents ;
o les redressements non fondés restent beaucoup trop
nombreux. Ils engendrent de la procédure et une perte du temps
considérable. Ce temps ainsi gaspillé ne peut donc être
utilisé avec profit pour lutter contre la véritable fraude ;
o la ville de Kinshasa, où se concentre la
majorité de la fraude, compte bien trop d'agents en première
affectation. Ils sont donc, et c'est compréhensible, peu aguerris et pas
assez efficaces ;
o les opérateurs économiques qui fraudent sont,
dans beaucoup de cas, assistés par les services ou les agents publics.
La fraude est ainsi favorisée par ceux - là même dont la
mission est de la combattre;
o donc, un redéploiement des effectifs sur le territoire
national une fonction des départements où la fraude
apparaît le plus importante non indispensable.
La problématique de la fraude est, à l'image du
phénomène, complexe. Elle apparaît comme une limite au
pouvoir d'imposer et implique dès lors la confrontation des
contribuables et de l'Etat27.
En contrariant la collecte des ressources étatiques
elle constitue un sujet d'inquiétude pour les gouvernements. Cette
inquiétude est de plusieurs ordres. Elle revêt d'abord une
dimension purement financière car la fraude génère une
perte de ressources fiscales.
Néanmoins, si la fraude grève les
capacités des gouvernements à faire face à leurs
dépenses, elle contraint aussi la répartition équitable du
fardeau du financement public entre les contribuables en accroissant la charge
de ceux qui demeurent honnêtes. En somme, la fraude contrarie à la
fois l'efficacité et l'équité de la collecte des
ressources publiques. Enfin, elle traduit également les lacunes du
contrôle qu'exercent les pouvoirs publics sur les agents privés et
témoigne de la méconnaissance des causes et des schémas
par lesquels les contribuables éludent l'impôt28.
La première particularité de ce crime de fraude
fiscale est alors de s'exercer à l'encontre d'un acteur qui dispose du
pouvoir de décision en matière fiscale. Ainsi, l'Etat fixe-t-il
les règles fiscales, déterminant par là même, tant
la structure que le niveau de l'imposition.
27 B. ZIMMERSN et S. GORRERS, contrôle fiscal,
le piège, comment faire changer l'administration fiscale, Paris,
éd. L'Harmattan, 1997 ? p.120
28 C. BAZART, La fraude fiscale : modélisation
du face à face Etat-contribuables, Thèse pour le doctorat,
Université de Montpellier 1, 2005, p.1
Mais il est également l'organisateur de la perception
des sommes dues, l'instigateur du contrôle, ainsi que celui qui fixe les
sanctions applicables lors de la détection de l'acte de fraude. Il
dispose donc du pouvoir et des ressources nécessaires pour lutter contre
l'offense faite à son encontre.
De ce fait, le problème de la fraude fiscale est donc
lié au problème du contrôle et de ses effets dissuasifs,
car l'absence de menace peut justifier des diminutions considérables de
la matière imposable. Plusieurs éléments doivent donc
être mis en exergue successivement afin d'appréhender le
rôle du contrôle fiscal dans la problématique de la fraude :
l'organisation du contrôle, le nombre de vérifications
menées et leurs résultats et enfin leur fréquence et les
sanctions auxquelles elles peuvent donner lieu.
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