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Le recours gracieux préalable au Cameroun, trente ans après

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par Grégoire Yves DOUNGUE KAMO
Université de Dschang Cameroun - Master en droit public 2011
  

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PARAGRAPHE- 3 : L'OPPORTUNITÉ DE LA
PRESCRIPTION D'UNE OBLIGATION DE
TRANSMETTRE LE RECOURS GRACIEUX EN CAS
D'ERREUR DU REQUÉRANT

Lorsque le requérant saisit à tort une autorité d'un recours gracieux, il nous vient à l'esprit un double questionnement : conserve - t- il les délais pour saisir l'autorité normalement compétente ? L'autorité saisie à tort ne peut-elle couvrir l'erreur du requérant ?

En effet, lorsqu'un requérant avait saisi à tort une autorité d'un recours gracieux, par exemple une autorité incompétente, la juridiction administrative lui avait toujours refusé le bénéfice d'une prorogation des délais. Elle considère d'ailleurs un recours gracieux mal dirigé comme une absence de recours. Tel

était le cas dans l'affaire ONANA Jacques Didier, objet du jugement n° 6/77-78 du 23 février 1978, ONANA Jacques Didier c/ État du Cameroun 179. Les faits de ce jugement étaient les suivants.

Suite à une plainte déposée auprès de la brigade de Gendarmerie de Manfé par le nommé ONYEBUCHI OKOROENYI pour vol d'une somme de 1 380 000 francs, une perquisition menée par GWANE Emmanuel, alors gendarme à cette Brigade au domicile du nommé ABU Williams sur lequel pesaient de forts soupçons permit de retrouver la totalité de la somme volée. Cependant, il n'était remis au Commandant d'unité qu'une somme de 1 049 000 francs. Il fut alors ouvert une enquête à cet effet. Le gendarme GWANE incriminé accuse son supérieur hiérarchique ONANA Jaques Didier, de lui avoir ordonné de dissimuler une partie de l'argent. Quelques jours plus tard, une information diligentée par le juge d'instruction près le tribunal militaire aux armées de Buéa aboutit à une ordonnance de non-lieu à l'égard du Commandant ONANA Jacques.

Malgré ce non lieu, ONANA Jaques Didier est révoqué de ses fonctions par décision n°0103/MINFA/800 du 10 mars 1969 du Ministre des forces armées. Bien plus, l'affaire est bouclée par un jugement rendu le 19 mars 1969 par le tribunal militaire permanant de Yaoundé qui condamne GWANE Emmanuel à sis mois d'emprisonnement avec sursis.

Insatisfait de ce qu'il considère comme une révocation abusive, ONANA Jaques Didier saisit d'abord le Ministre des forces armées d'un premier recours gracieux le 12 novembre 1969, soit huit mois plus tard, et le Chef de l'État d'un second le 20 avril 1972. Il n'obtint pas gain de cause et saisit la juridiction administrative. Une fois de plus, son recours est rejeté car non seulement les autorités saisies du RGP sont toutes incompétentes, mais aussi parce que ledit recours est forclos.

179 Voir KAMTO (M), Ouvrage précité, pp.142-144.

En application du décret n°64/DE/336 du 10 août 1964, le Ministre Délégué à la Présidence chargé de l'Administration territoriale et de la fonction publique fédérale était seul habilité à recevoir le RGP du requérant. En effet dans cette décision, le juge « déclare le recours irrecevable pour défaut de recours gracieux et tardif ».

Il ressort de l'affaire KALLA EPANYA Jacques c / État du Cameroun, objet du jugement n°34/ CS-CA du 31 mars 1977, qu' « Il n'y a aucune possibilité de prorogation de ces délais lorsque le requérant a saisi à tort une autorité incompétente 180».

Dans une certaine mesure, le requérant de bonne foi est tout simplement victime du manque d'information de l'Administration. Il aurait été préférable que le législateur camerounais à l'instar de son homologue français, institue une obligation de transmettre à la charge de l'autorité indument saisie. En effet, l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 relative au droit des citoyens dans leur relation avec l'Administration en France, met une obligation de transmettre à la charge de l'autorité qui reçoit par erreur un recours. Cette loi impose à l'autorité saisie à tort d'un recours administratif de le transmettre à qui de droit lorsque les circonstances lui permettent de l'identifier clairement. « Il ne serait pas possible de vous reprocher d'avoir adressé votre recours à la mauvaise personne si tant est qu'avec les précisions contenues dans votre recours, la personne qui en a été destinataire par erreur soit en mesure de retrouver la personne à qui adresser ce recours181 ».

Par application de cette obligation, si le Ministre de la fonction publique et de la réforme administrative reçoit un RGP dirigé contre une décision du Ministre de la santé publique, il devra le transmettre à ce dernier dans la mesure du possible. Dans la même logique, si le Maire est saisi d'un RGP en lieu et place du Délégué du gouvernement, il devra également le transmettre à ce dernier

180 MOMO (B), «Problème des délais dans le contentieux administratif camerounais », Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université de Dschang, T.1, Vol.1, 1997, pp. 136 - 161, notamment, p.140.

181 http://admi.net.jo/20000413/FPPX980029L.html, « Le recours administratif préalable devant l'Administration »

si les circonstances le permettent. Le Professeur KAMTO nous rapporte d'ailleurs que la Chambre Administrative de la Cour Suprême admet la validité d'un recours gracieux adressé à une autorité incompétente, dès lors que ledit recours a été transmis à l'autorité normalement compétente182.

L'obligation de transmettre corrige l'erreur du recourant183et garde intact les délais pour saisir le juge administratif. Cette obligation impose d'une manière ou d'une autre un supplément d'informations à l'Administration dans le processus de prise des décisions. Une décision administrative bien formulée permettrait aux administrés de reconnaître facilement l'auteur de cette décision qui pourrait être le destinataire du recours gracieux en cas de litige.

Une telle exigence en droit administratif camerounais contribuerait à la bonne administration de la justice, et améliorerait qualitativement le recours gracieux préalable au Cameroun. Bien plus, constate-t- on, le risque d'erreur serait contourné autant que faire ce peut, si le législateur camerounais avait comme son homologue béninois prévu en plus du recours gracieux le recours hiérarchique, le requérant gardant la faculté de faire un choix selon les cas.

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