PARAGRAPHE-2 : LA DÉTERMINATION DE L'AUTORITÉ
ADRESSATAIRE DU RECOURS GRACIEUX DANS LE CONTENTIEUX FISCAL
La détermination de l'autorité destinataire du
recours gracieux dans le contentieux fiscal n'a pas subi une évolution
significative dans la législation fiscale au Cameroun. Le Code
Général des Impôts de 2008 qui nous sert de base de travail
n'a rien apporté de spécial dans la situation qui
prévalait depuis 1972. Deux constances se dégagent de l'examen
des textes et de la jurisprudence en matière fiscale, à savoir
d'une part que le Ministre des finances est toujours le destinataire du recours
gracieux préalable (A), d'autre part que le recours gracieux n'est pas
exigé en cas de demande de sursis de paiement (B).
A- Le Ministre des finances, destinataire du recours
gracieux
L'Administration fiscale camerounaise fait face au quotidien
aux réclamations multiples de la part des contribuables qui
espèrent à tort ou à raison bénéficier d'une
déduction d'imposition. Le recours gracieux préalable est
l'occasion par excellence pour cette Administration de décongestionner
le prétoire administratif. Le contentieux fiscal est un autre
casse-tête ou pour mieux
dire un terrain glissant172 et redoutable du
contentieux administratif. La situation est d'autant plus aggravée que
les contribuables sont pour la plupart réfractaires à
l'égard du fisc.
L'article 418 du Code Général des Impôts de
2008 dispose :
« Avant d'introduire une instance contre
l'Administration tout redevable doit au préalable adresser une
requête au Ministre dont relève la Direction des Impôts aux
fins de savoir quelle suite peut être donnée à sa
déclaration. À défaut de répondre dans les quatre
mois qui suivent ou en cas de réponse défavorable, le redevable
pourra assigner valablement l'État en justice ».
Pour se rendre compte du fait qu'il s'agit là
effectivement du recours gracieux préalable, il faut se
référer aux articles L 118173 et L 119 du CGI de 2008
et plus précisément l'article L 119 qui reconnait sans
ambigüité que « la réclamation
présentée au Ministre [...] tient lieu de recours gracieux
préalable ». Selon cette disposition, la réclamation
doit, à peine d'irrecevabilité, remplir les conditions ci-dessous
:
- être signée du réclamant ;
- être timbrée ;
- être présentée dans un délai de deux
mois à compter de la date de notification de la décision du
Directeur Général des Impôts ;
- mentionner la nature de l'impôt, l'exercice
d'émission, le numéro de l'article de l'avis de mise en
recouvrement et le lieu d'imposition ;
- contenir l'exposé sommaire des moyens et les conclusions
de la partie;
- être appuyée de justificatifs de paiement de la
partie non contestée de l'impôt et de 10 % supplémentaires
de la partie contestée.
172 Voir dans ce sens jugement n°32/87/88/ CS-CA du 26
novembre 1987, affaire KEMAYOU Pierre c/ État du Cameroun avec
observations faites de BOUENDEU (J-D), Juridis info n°2, avril -Mai -Juin
1990, p.53.
173 Article L 118 du Code Général des
Impôts de 2008 : « Lorsque la décision du Directeur
Général des Impôts ne donne pas satisfaction au demandeur,
celui-ci doit adresser sa réclamation au Ministre chargé des
Finances dans les conditions fixées à l'article L 119 (nouveau)
ci-dessous. Lorsque les arguments du contribuable sont reconnus, le
dégrèvement est prononcé par le Ministre chargé des
Finances au-dessus de cent millions (100.000.000 F CFA) de francs [...] ».
Voir également DOMLASSAK (K.P), « Le contentieux fiscal :
procédure normalisée », Juridis info n°7, juillet
-août-septembre 1991, pp.49-51.
Il est donc clair qu'en contentieux fiscal, seul la
décision du Ministre en charge des finances est susceptible de lier le
contentieux, et non celle du Directeur Général des impôts
et encore moins celle du Chef de Centre principal des impôts. On pouvait
déjà relever dans un jugement de la Chambre Administrative rendu
en 2003 :
« Lorsque la décision du Directeur des
impôts ne donne pas entièrement satisfaction au réclamant,
celui-ci doit adresser sa réclamation au Ministre des finances. La
réclamation ainsi présentée doit pour être recevable
remplir les conditions suivantes ;...être présentée dans un
délai d'un mois à partir de la notification de la décision
du Directeur des impôts, ou dans les soixante jours de la date de mise au
recouvrement du rôle ou de la connaissance certaine de
l'imposition» 174.
Autrement dit, une décision émanant du Directeur
Général des Impôts ou du Chef de Centre principal des
impôts ne saurait tenir lieu de recours gracieux, au point de justifier
un recours devant la juridiction administrative.
On peut se poser des questions sur la nature du recours
dirigé contre la décision du Chef de Centre principal des
impôts ou le responsable de la structure chargée de la gestion des
« grandes entreprises ». S'agit-il d'un
précédent recours gracieux préalable ? Sûrement pas,
puisque comme nous l'avons mentionné plutôt, en nous appuyant sur
le CGI de 2008, c'est la réclamation présentée au Ministre
qui tient lieu de recours gracieux préalable.
Mais, s'agit -il alors d'un recours hiérarchique ? On
peut le penser, étant donné que le Directeur
Général des impôts est le supérieur
hiérarchique du Chef de Centre principal des impôts.
Quant au caractère de ce recours vraisemblablement
hiérarchique, il ne fait pas de doute qu'il a un caractère
obligatoire. Nous sommes confortés dans cette
174 Code Général des Impôts issu de la loi
des finances de l'exercice 1979-1980, Voir jugement n°128/02-03/ CS-CA du
24 septembre 2003, Me N'DENGUE Thomas Byll c/ État du Cameroun (MINFIB),
jugement précité.
position par l'article L 117 qui utilise le verbe «
devoir », lequel ne traduit rien d'autre qu'une
obligation175.
Le justiciable peut donc logiquement, en ce qui concerne le
contentieux fiscal, se trouver dans une situation où il devra
inéluctablement former deux recours administratifs à savoir le
recours gracieux préalable et le recours hiérarchique. De telles
ambigüités juridiques ne sont pas décelables au niveau du
sursis de paiement.
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