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Le recours gracieux préalable au Cameroun, trente ans après

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par Grégoire Yves DOUNGUE KAMO
Université de Dschang Cameroun - Master en droit public 2011
  

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SECTION - 2 : LES AUTRES HYPOTHÈSES

L'examen le plus complet de la question de l'autorité adressataire du recours gracieux nous impose sans doute d'évoquer aussi la situation des contentieux mettant en cause les collectivités territoriales décentralisées (Paragraphe 1). Ensuite, nous analyserons le recours gracieux préalable dans l'administration fiscale (paragraphe 2) et enfin, nous traiterons de l'opportunité de la prescription d'une obligation de transmettre le recours gracieux en cas d'erreur du requérant (paragraphe 3).

159 SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), Note sous arrêt n°01/A/CS-AP du 25 février 1999 précité, GUIFFO Jean-Philippe c/ État du Cameroun du 25 février 1999, Juridis Périodique n°65, Janvier- février- mars 2006, p.40.

PARAGRAPHE -1 : L'AUTORITÉ ADRESSATAIRE DU
RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE À L'ÉCHELON DES
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DÉCENTRALISÉES

Le contentieux des collectivités territoriales décentralisées au Cameroun est désormais un contentieux ordinaire. Avec les avancées considérables du processus de décentralisation au Cameroun, on a vu apparaitre de nouvelles règles applicables dans les contentieux impliquant les collectivités territoriales décentralisées. Ces règles ont apporté des innovations au niveau du RGP des collectivités territoriales décentralisées.

Tel n'était pas le cas avant l'intervention des lois de 2004 sur la décentralisation au Cameroun. L'entrée en vigueur de ces lois a simplifié la phase précontentieuse des litiges impliquant les collectivités territoriales. On retient que désormais, la détermination du destinataire du RGP se fera sur la base des règles ordinaires du contentieux administratif (A) et le recours de tutelle jadis accessoire au recours gracieux préalable a été supprimé (B).

A - L'application des règles ordinaires du contentieux administratif

Désormais, avec l'entrée en vigueur des lois de 2004 sur la décentralisation160 , les textes sont désormais clairs en ce qui concerne la phase précontentieuse des litiges impliquant les collectivités territoriales décentralisées au Cameroun. L'article 49 alinéa 1 de la loi d'orientation de la décentralisation précise que le Maire ou le Président du Conseil régional représente la collectivité territoriale en justice. Déjà, l'article 10 de la loi de 1974 portant organisation communale faisait du Maire le représentant de la Commune dans tous les actes de la vie civile, notamment la représentation en justice. Cette loi conférait les mêmes pouvoirs au Délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine. Cette compétence leur sera également reconnue par la loi n° 015 du 15 juillet 1987 sur les Communautés urbaines. De son côté, l'article 51 de la loi

160 Loi n°2004/017 du 22 juillet 2004 d'orientation de la décentralisation ; loi n°2004 /018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux Communes ; loi n°2004 /019 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux Régions.

n°2004/017 du 22 juillet 2004 d'orientation de la décentralisation précitée, expose clairement que « les recours dirigés contre les collectivités territoriales obéissent aux règles du contentieux administratif, ou du contentieux de droit commun selon le cas ».

Les règles du contentieux administratif auxquelles renvoie cette disposition, plus particulièrement dans le cadre du recours gracieux préalable, ne sont ni plus ni moins que celles prévues à l'article 17 de la loi de 2006 précitée. Il s'agit en bref de toutes les règles relatives au RGP, que ce soit en matière ordinaire ou en matière d'urgence, sans oublier les textes portant dérogations à la règle du recours gracieux préalable. Cette loi, somme toute révolutionnaire, vient élucider un aspect du contentieux administratif camerounais qui n'était pas des moindres dans l'égarement des justiciables. Autrement dit, le contentieux des collectivités territoriales contribuait avant les lois de 2004 sur la décentralisation à faire du contentieux administratif au Cameroun un contentieux mal connu161.

La notion de représentation n'est pas une inconnue en droit. On en parle en droit public et même davantage en droit privé. Cependant, son usage dans l'un ou l'autre branche du droit ne revêt pas la même signification, loin s'en faut. Dans la compréhension de la notion de représentation, les juristes font recours à celle de mandat entendu comme l'acte par lequel une personne appelée mandataire est chargée de représenter une autre, le mandant pour l'accomplissement d'un ou de plusieurs actes juridiques. Cette définition aux relents conventionnels sied plus au droit privé et ne donne lieu qu'à quelques rares applications en droit public, que ce soit en droit administratif162 comme en droit constitutionnel. On ne saurait concevoir le mandat d'un élu de la nation dans un tel contexte.

Le Professeur Joseph-Marie BIPOUN WOUM dira à cet effet que « les règles de droit constitutionnel propres au mécanisme de la représentation

161 Voir NLEP (R .G), Note sous jugement n°58 / CS-CA du 29 juin 1989, Société RAZEL Cameroun c/ État du Cameroun et Commune rurale de Tiko, RJA, n°1, 1991, pp. 89-92.

162COUDEVILLE (A), « La notion de mandat en droit administratif », AJDA, 1979, n°9, p.10 .Cité par LIMBOUYE YEM (C), Article précité, p.3.

politique s'avèrent immédiatement d'une utilité très secondaire dans le cas présent : l'exercice de la souveraineté au non du peuple et la gestion administrative de l' État ne se rencontrent pratiquement guère et on conçoit difficilement un député à l'Assemblée nationale ou le Président de la République dans l'habit d'un défenseur de la cause de l' État devant les tribunaux163 ».

Les mandats électifs sont dépourvus de lien de subordination entre le mandant, le peuple et le mandataire qui est l'élu. Autrement dit, c'est un mandat indépendant qui ne peut être sanctionné qu'à la faveur de la prochaine élection. C'est le contraire en droit privé où le représenté garde la possibilité d'intervenir lui-même afin de « corriger dans le sens de ses intérêts d'éventuelles carences du représentant ». 164

En droit public, l'utilisation du terme mandat se fait dans un cadre très spécifique. Ce cadre est celui du mandat électif. On peut parler par exemple de mandat parlementaire ou de mandat municipal. Pour ce qui est de la représentativité des collectivités locales, il serait désormais question de « mandat régional », de mandat communal et aussi celui que détient le Délégué du gouvernement. Le recours gracieux préalable destiné à une Commune est adressé au Maire, celui de la Région au Président du Conseil régional, et enfin celui de la Communauté urbaine au Délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine. Ces collectivités sont toujours représentées parce que ce ne sont pas des personnes physiques. De ce fait, ils n'existent que par l'intermédiaire des personnes qui les constituent, et pour parler comme le Professeur Léon DUGUIT, on ne peut pas dîner avec une collectivité publique locale puisque c'est une personne morale.

Un autre problème, celui de l'obligation de saisir l'autorité de tutelle en cas d'insuccès du recours gracieux préalable a été résolu par la réforme de 2004.

163 BIPOUN WOUM (J-M), « La représentation de l'État en justice au Cameroun », Article précité, p.22.

164 Ibidem.

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