SECTION - 2 : LES AUTRES HYPOTHÈSES
L'examen le plus complet de la question de l'autorité
adressataire du recours gracieux nous impose sans doute d'évoquer aussi
la situation des contentieux mettant en cause les collectivités
territoriales décentralisées (Paragraphe 1). Ensuite, nous
analyserons le recours gracieux préalable dans l'administration fiscale
(paragraphe 2) et enfin, nous traiterons de l'opportunité de la
prescription d'une obligation de transmettre le recours gracieux en cas
d'erreur du requérant (paragraphe 3).
159 SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), Note sous arrêt
n°01/A/CS-AP du 25 février 1999 précité, GUIFFO
Jean-Philippe c/ État du Cameroun du 25 février 1999, Juridis
Périodique n°65, Janvier- février- mars 2006, p.40.
PARAGRAPHE -1 : L'AUTORITÉ ADRESSATAIRE DU
RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE À L'ÉCHELON
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DÉCENTRALISÉES
Le contentieux des collectivités territoriales
décentralisées au Cameroun est désormais un contentieux
ordinaire. Avec les avancées considérables du processus de
décentralisation au Cameroun, on a vu apparaitre de nouvelles
règles applicables dans les contentieux impliquant les
collectivités territoriales décentralisées. Ces
règles ont apporté des innovations au niveau du RGP des
collectivités territoriales décentralisées.
Tel n'était pas le cas avant l'intervention des lois de
2004 sur la décentralisation au Cameroun. L'entrée en vigueur de
ces lois a simplifié la phase précontentieuse des litiges
impliquant les collectivités territoriales. On retient que
désormais, la détermination du destinataire du RGP se fera sur la
base des règles ordinaires du contentieux administratif (A) et le
recours de tutelle jadis accessoire au recours gracieux préalable a
été supprimé (B).
A - L'application des règles ordinaires du
contentieux administratif
Désormais, avec l'entrée en vigueur des lois de
2004 sur la décentralisation160 , les textes sont
désormais clairs en ce qui concerne la phase précontentieuse des
litiges impliquant les collectivités territoriales
décentralisées au Cameroun. L'article 49 alinéa 1 de la
loi d'orientation de la décentralisation précise que le Maire ou
le Président du Conseil régional représente la
collectivité territoriale en justice. Déjà, l'article 10
de la loi de 1974 portant organisation communale faisait du Maire le
représentant de la Commune dans tous les actes de la vie civile,
notamment la représentation en justice. Cette loi conférait les
mêmes pouvoirs au Délégué du gouvernement
auprès de la Communauté urbaine. Cette compétence leur
sera également reconnue par la loi n° 015 du 15 juillet 1987 sur
les Communautés urbaines. De son côté, l'article 51 de la
loi
160 Loi n°2004/017 du 22 juillet 2004 d'orientation de la
décentralisation ; loi n°2004 /018 du 22 juillet 2004 fixant les
règles applicables aux Communes ; loi n°2004 /019 du 22 juillet
2004 fixant les règles applicables aux Régions.
n°2004/017 du 22 juillet 2004 d'orientation de la
décentralisation précitée, expose clairement que «
les recours dirigés contre les collectivités territoriales
obéissent aux règles du contentieux administratif, ou du
contentieux de droit commun selon le cas ».
Les règles du contentieux administratif auxquelles
renvoie cette disposition, plus particulièrement dans le cadre du
recours gracieux préalable, ne sont ni plus ni moins que celles
prévues à l'article 17 de la loi de 2006 précitée.
Il s'agit en bref de toutes les règles relatives au RGP, que ce soit en
matière ordinaire ou en matière d'urgence, sans oublier les
textes portant dérogations à la règle du recours gracieux
préalable. Cette loi, somme toute révolutionnaire, vient
élucider un aspect du contentieux administratif camerounais qui
n'était pas des moindres dans l'égarement des justiciables.
Autrement dit, le contentieux des collectivités territoriales
contribuait avant les lois de 2004 sur la décentralisation à
faire du contentieux administratif au Cameroun un contentieux mal
connu161.
La notion de représentation n'est pas une inconnue en
droit. On en parle en droit public et même davantage en droit
privé. Cependant, son usage dans l'un ou l'autre branche du droit ne
revêt pas la même signification, loin s'en faut. Dans la
compréhension de la notion de représentation, les juristes font
recours à celle de mandat entendu comme l'acte par lequel une personne
appelée mandataire est chargée de représenter une autre,
le mandant pour l'accomplissement d'un ou de plusieurs actes juridiques. Cette
définition aux relents conventionnels sied plus au droit privé et
ne donne lieu qu'à quelques rares applications en droit public, que ce
soit en droit administratif162 comme en droit constitutionnel. On ne
saurait concevoir le mandat d'un élu de la nation dans un tel
contexte.
Le Professeur Joseph-Marie BIPOUN WOUM dira à cet effet
que « les règles de droit constitutionnel propres au
mécanisme de la représentation
161 Voir NLEP (R .G), Note sous jugement n°58 / CS-CA du 29
juin 1989, Société RAZEL Cameroun c/ État du Cameroun et
Commune rurale de Tiko, RJA, n°1, 1991, pp. 89-92.
162COUDEVILLE (A), « La notion de mandat en
droit administratif », AJDA, 1979, n°9, p.10 .Cité par
LIMBOUYE YEM (C), Article précité, p.3.
politique s'avèrent immédiatement d'une
utilité très secondaire dans le cas présent : l'exercice
de la souveraineté au non du peuple et la gestion administrative de l'
État ne se rencontrent pratiquement guère et on conçoit
difficilement un député à l'Assemblée nationale ou
le Président de la République dans l'habit d'un défenseur
de la cause de l' État devant les tribunaux163
».
Les mandats électifs sont dépourvus de lien de
subordination entre le mandant, le peuple et le mandataire qui est
l'élu. Autrement dit, c'est un mandat indépendant qui ne peut
être sanctionné qu'à la faveur de la prochaine
élection. C'est le contraire en droit privé où le
représenté garde la possibilité d'intervenir
lui-même afin de « corriger dans le sens de ses
intérêts d'éventuelles carences du représentant
». 164
En droit public, l'utilisation du terme mandat se fait dans un
cadre très spécifique. Ce cadre est celui du mandat
électif. On peut parler par exemple de mandat parlementaire ou de mandat
municipal. Pour ce qui est de la représentativité des
collectivités locales, il serait désormais question de «
mandat régional », de mandat communal et aussi celui que
détient le Délégué du gouvernement. Le recours
gracieux préalable destiné à une Commune est
adressé au Maire, celui de la Région au Président du
Conseil régional, et enfin celui de la Communauté urbaine au
Délégué du gouvernement auprès de la
Communauté urbaine. Ces collectivités sont toujours
représentées parce que ce ne sont pas des personnes physiques. De
ce fait, ils n'existent que par l'intermédiaire des personnes qui les
constituent, et pour parler comme le Professeur Léon DUGUIT, on ne peut
pas dîner avec une collectivité publique locale puisque c'est une
personne morale.
Un autre problème, celui de l'obligation de saisir
l'autorité de tutelle en cas d'insuccès du recours gracieux
préalable a été résolu par la réforme de
2004.
163 BIPOUN WOUM (J-M), « La représentation de
l'État en justice au Cameroun », Article
précité, p.22.
164 Ibidem.
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